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jeudi 27 novembre 2025

12.90 - MON AVIS SUR LE FILM LE PROMENEUR DU CHAMP DE MARS (2005)


Vu le Film Le Promeneur du Champ de Mars de Robert Guéguidian (2005) avec Michel Bouquet Jalil Lespert Philippe Frelun Anne Cantineau Sarah Grappin Catherine Salviat Jean Claude Frissung 

Le film raconte l'histoire d'une fin de règne et d'une fin de vie : celle de François Mitterrand. 

Alors que le Président livre les derniers combats face à la maladie, un jeune journaliste passionné tente de lui arracher des leçons universelles sur la politique et l'histoire, sur l'amour et la littérature... Des certitudes sur la vie. 

Mais le vieil homme n'en a guère à dispenser car c'est pour lui le moment où passé, présent et futur se confondent en un seul temps ; ce temps où seuls les doutes demeurent, ce temps où tous les hommes sont égaux : celui de la proximité avec la mort 

Robert Guédiguian signe avec Le Promeneur du Champ de Mars un film à part dans sa filmographie, mais pas tant dans son intention : une œuvre profondément politique, militante même — ce qui n’est absolument pas mon cas, et c’est pour cela que certaines raisons exposées dans le film provoquent chez moi un léger recul, voire un sourire en coin. Pourtant, Guédiguian ne fait pas un biopic classique ; il adapte surtout les entretiens que Georges-Marc Benamou a réellement eus avec François Mitterrand dans les derniers mois de sa vie. Ce qui m’étonne toujours, c’est ce choix étonnant – pour ne pas dire étrange – de ne jamais citer les noms des deux protagonistes. Pourquoi ce masque ? Pourquoi ces pseudonymes inutiles alors que tout le monde reconnaît les silhouettes ? Le réalisateur n’assumerait-il pas entièrement la confrontation directe avec l’Histoire ? Ou bien cherche-t-il à créer une distance artificielle, presque pudique, pour ne pas se faire accuser de régler des comptes ? Mystère. Et comme dirait l’un des personnages : ce n’est pas le premier mensonge du pouvoir… 

Car le film, justement, plonge dans les coulisses du pouvoir, là où se fomentent les ambitions, les trahisons, les petites phrases assassines et les grands renoncements. Pour ceux qui aiment savoir comment la République se nourrit — parfois de principes, souvent d’hypocrisie — c’est un film idéal. On y voit un Président uséaffaibli, que la maladie ronge mais qui ne lâche rien en public : jamais une faiblesse devant les caméras, mais en privé, un homme qui sait que chaque respiration compte. Et malgré tout, il conserve cette lucidité acérée, presque cruelle, quand il lance ses petites piques vengeresses à ceux qui, visiblement, aimeraient bien que le fauteuil se libère un peu plus vite. Oui : les mêmes qui l’enterrent déjà vivant. 

Le film vaut surtout pour la performance monumentale de Michel Bouquet, qui ne joue pas Mitterrand : il l’habite. Mais sans tomber dans l’imitation facile, sans singer les tics, sans faire du « Mitterrand karaoke ». Il capte l’âme, le rythme, la lenteur calculée de cet animal politique. C’est troublant, presque hypnotique. À ses côtés, Jalil Lespert incarne le journaliste – même si, encore une fois, on sait bien qui il représente – un jeune homme naïf au départ, vite rattrapé par les ombres et les ambiguïtés de celui qu’il veut comprendre. Leur duo forme un ballet discret, subtil, où l’un cherche la vérité et où l’autre s’emploie à la maquiller avec élégance. Car « le sphinx », même sur son lit de douleur, garde ses secrets. 

La mise en scène de Guédiguian surprend : sobre, presque austère, loin de ses films marseillais chaleureux. Ici, les couleurs sont froides, les cadres serrés, comme si le réalisateur voulait filmer l’agonie du pouvoir autant que celle de l’homme. Le scénario emprunte beaucoup à l’essai de Benamou, mais le film garde une respiration intime, presque méditative, qui fait qu’on en sort subjugué et troubléEt oui, on pense à sa propre fin, à la façon dont chacun affronte l’inéluctable, avec panache… ou avec pudeur. 

Mais sur le plan politique, n’espérez pas un procès ou une confession : le « sphinx » gardera son mystère, et Guédiguian semble l’accepter. Peut-être trop, selon moi. Mais c’est aussi ce qui donne au film cette teinte crépusculaire, ce mélange de fascination et de distance. On assiste à quelque chose de profondément humain, mais jamais totalement dévoilé. Et c’est là que réside, paradoxalement, toute sa force. 

NOTE : 12.90

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