Vu le Film Renoir de Gilles Bourdos (2012) avec Michel Bouquet Vincent Rottiers Christa Theret Thomas Doret Laurent Poitrenaux Romane Bohringer Michèle Gleizer Carlo Brandt Helène Babu Marion Lécrivain
Andrée « Dédé » Heuschling, une jeune femme qui devient modèle du peintre impressionniste Auguste Renoir, est pour lui à la fin de sa vie une grande source d'inspiration par sa beauté plastique, alors qu'il souffre de graves rhumatismes déformants et d'une quasi paralysie des jambes. Andrée, dès son arrivée dans la grande maison du patriarche, trouble l'ordre domestique qui l'entoure. Elle suscite la jalousie des multiples bonnes qui prennent soin du vieux peintre et qui pensent qu'elle va « finir dans son lit », comme d'autres modèles qui l'ont précédée. Elle provoque également l'intérêt du fils d'Auguste, Jean Renoir, convalescent d'une blessure de la guerre 1914-1918.
Andrée entame une relation plus ou moins clandestine avec Jean et déclenche sa carrière de cinéaste en étant la première actrice qui l'inspire.
Si on n’aime pas la famille d’artistes Renoir, autant le dire franchement : ce n’est pas le bon film pour vous. Parce que Bourdos ne filme pas seulement Auguste Renoir, il filme un clan entier, une dynastie où l’art circule comme un sang bleu un peu capricieux, entre la peinture, le cinéma, le théâtre et… les modèles nues. Car oui, Auguste Renoir est ici présenté dans toute son obsession, littéralement jusqu’à la mort, comme un vieil empereur du nu féminin, porté par un Michel Bouquet impressionnant, presque spectral, dont chaque souffle semble être une dernière touche de pastel avant le silence définitif.
Autour de lui, les trois fils. La légende du cinéma naissant, Jean Renoir, magnifiquement incarné par Vincent Rottiers — toujours aussi bon, toujours aussi oublié par le cinéma français, comme si la France avait un problème avec ses meilleurs acteurs. Le petit Claude, futur scénariste, Thomas Doret, une vraie révélation dans sa manière d’observer le monde, et l’aîné Pierre Renoir, l’acteur, qui voit dans la maison familiale autant un refuge qu’un théâtre naturel. C’est une famille où les postures artistiques se mélangent aux postures de modèles, et où les fils ne restent pas insensibles à la présence répétée de femmes nues sous le soleil de Cagnes-sur-Mer.
Et puis surgit Andrée Heuschling, Christa Théret, lumineuse, une apparition qui deviendra muse, modèle, moteur, et surtout la première porte d’entrée de Jean vers le cinéma. Son corps est le seul mouvement essentiel dans un film où la caméra semble flotter, glisser avec la pudeur d’un pinceau, refusant de brusquer un univers qui vit à la seconde près entre douleur, création, désir et finitude.
Gilles Bourdos filme tout cela comme une toile, avec des lumières qui caressent les visages, des couleurs chaudes qui semblent sortir directement d’une palette impressionniste, une mise en scène qui prend le temps — ce luxe rare aujourd’hui — de laisser les corps respirer. Le décor, les costumes, les oliviers, les murs blanchis par le soleil : tout est pensé pour que le spectateur soit littéralement plongé dans le dernier souffle du XIXᵉ siècle artistique, à l’instant précis où un nouveau langage, le cinéma, s’apprête à naître.
Le scénario, volontairement resserré sur cette fin de vie, évite la biographie exhaustive et préfère le moment clé : la rencontre entre Renoir père en fin de course et Renoir fils au début du chemin. Et à travers cela, la maladie, la solitude, la passion, la lassitude, mais aussi la transmission, ce fil invisible entre les générations, qui se joue ici sans emphase mais avec une émotion sèche et belle.
Les acteurs portent tout cela avec une intensité rare : Bouquet en monument fissuré, Rottiers en héritier délicat, Doret en témoin émerveillé, Théret en incarnation du désir et du renouveau. Quant à Bourdos, il signe un film où la caméra semble parfois s’effacer complètement tant les plans ressemblent à des tableaux vivants. La maîtrise est telle qu’on pourrait jurer que certaines scènes sont peintes et non filmées.
Renoir est non seulement une belle réussite, mais aussi un hommage sincère, sensoriel, presque tactile, à un monde en train de disparaître. Un film qui avance lentement, comme un pinceau qui hésite puis s’abandonne, un film qui respire la lumière, la peau, la fatigue et le génie. Et si l’on accepte d’entrer dans cette lenteur picturale, alors Bourdos nous offre peut-être son plus beau tableau.
NOTE : 14.40
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Gilles Bourdos
- Scénario : Gilles Bourdos, Michel Spinosa et Jérôme Tonnerre d'après Le Tableau amoureux de Jacques Renoir
- Directeur de la photographie : Mark Lee Ping Bin
- Décors : Benoît Barouh
- Costumes : Pascaline Chavanne
- Exécution des tableaux de Renoir : Guy Ribes[]
- Son : François Waledisch
- Musique : Alexandre Desplat
- Montage : Yannick Kergoat
- Production : Olivier Delbosc et Marc Missonnier
- Producteur exécutif : Christine De Jekel
- Société de production : Fidélité Productions
- Distribution : Euforia Film et Mars Films
- Michel Bouquet : Auguste Renoir
- Christa Theret : Andrée Heuschling
- Vincent Rottiers : Jean Renoir
- Thomas Doret : Coco, le fils cadet d'Auguste
- Laurent Poitrenaux : Pierre Renoir
- Romane Bohringer : Gabrielle Renard, l'ancienne gouvernante
- Michèle Gleizer : Mme Renoir
- Carlo Brandt : le docteur Pratt
- Hélène Babu : Odette
- Marion Lécrivain : Véra Sergine
- Hervé Briaux : Ambroise Vollard
- Stuart Seide : le docteur Barnes
- Emmanuelle Lepoutre : la médecine
- Thierry Hancisse : le brocanteur
- Annelise Heimburger : la boulangère
- Sylviane Goudal : la Grande Louie
- Solène Rigot : Madeleine
- Cecile Rittweger : la servante aux Collettes
- Paul Spera : le secrétaire de Barnes
- Alice Barnole : la fille au cabaret
- Jean-Adrien Espiasse : un aviateur au cabaret
- Jean-Marc Bellu : un aviateur au cabaret
- Antoine Champème : l'aviateur aux Collettes
- Joséphine Chillari : la cuisinière aux Collettes
- Flora Balbo : la femme de chambre
- Marie Gili-Pierre : la gouvernante à l'hôtel

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