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dimanche 23 novembre 2025

11.40 - MON AVIS SUR LE FILM LE DERNIER SAUT DE EDOUARD LUNTZ (1970)


 Vu le Film Le Dernier Saut de Edouard Luntz (1970) avec Maurice Ronet Michel Bouquet Cathy Rosier Eric Penet André Rouyer Michel Garland Saddy Rebbot Douchka Betty Beckers Catherine Arditti pIERRE Arditti Bernard Kouchner François Maiste 

Alors qu'il doit bientôt quitter l’armée, le sergent-chef parachutiste Garal décide d’aller voir à l’improviste sa jeune femme Tai. Il la surprend accompagnée de son amant. Garal étrangle sa femme et rejoint sa caserne. Un commissaire chargé de l’enquête devient son ami. 

Le Dernier Saut est un film étrange, comme un objet venu d’un cinéma parallèle où rien n’est vraiment à sa place. Édouard Luntz, réalisateur fantôme aux cinq films et à la carrière qui ressemble plus à une éclipse qu’à une trajectoire, adapte ici un roman de Bartolomé Bennassar. L’historien savait disséquer la monarchie espagnole, mais le polar psychologique… c’était une autre paire de manches. Résultat : un film hybride, un peu chabrolien par intermittences mais sans le venin, sans la perversité, et — disons-le — sans le talent du maître. 

L’histoire tient sur un fil : un sergent de l’armée, Maurice Ronet, tue sa femme parce qu’elle le trompe. Là-dessus débarque un commissaire, Michel Bouquet, qui ne fait pas ce que tout commissaire normalement constitué ferait : enquêter, suspecter, accuser. Non, lui préfère devenir… un ami. Oui, ami. Pourquoi ? Pour qui ? On cherche encore. Le scénario semble prendre un malin plaisir à oublier que Ronet a zigouillé quelqu’un dans les règles, pour mieux se concentrer sur la relation ambiguë entre ces deux hommes qui se jaugent, se frôlent psychologiquement, se reconnaissent peut-être. Un étrange ballet viril, à peine sous-entendu, mais terriblement présent. 

Et heureusement que ces deux-là sont là. Parce que Ronet et Bouquet, ce sont deux acteurs qui, à eux seuls, peuvent donner du relief à un mur blanc. Ronet, charisme fatigué et intense, joue ce militaire comme un homme qui voudrait ne pas comprendre ce qu’il vient de faire. Bouquet, souverain de la distance froide, transforme chaque regard en interrogation morale.

À eux deux, ils portent littéralement le film, lui donnant une densité que la mise en scène n’a pas toujours les moyens d’offrir. 

Car c’est là que le bât blesse. La mise en scène, terne, répétitive, semble tourner sur elle-même. Luntz filme les mêmes situations, les mêmes hésitations, les mêmes demi-silences, à tel point que le film paraît parfois patiner en rond. C’est sombre, oui. Parfois même très sombre. Mais ce n’est pas parce qu’on éteint les lumières qu’on crée de l’atmosphère. Et après la première rencontre entre les deux protagonistes, on a le sentiment que plus rien ne surprendra vraiment. 

Le film flotte aussi idéologiquement. On sent l’ombre de Mai 68, mais sans savoir ce qu’elle éclaire. Ambiguïté volontaire ? Confusion involontaire ? Culte du militaire viril ou dénonciation de la brutalité institutionnelle ? Le film ne choisit pas — il suggère, puis se contredit, puis rebrousse chemin. Certains dialogues machistes rappellent vaguement le cinéma français coincé entre tradition et modernité, mais ici, dommage, ils sonnent plus maladroits que corrosifs. 

Et pourtant… il y a quelque chose. Ce duel étrange. Cette amitié impossible. Cette culpabilité qui flotte comme un brouillard sans vent. Là se trouve l’intérêt du film : dans ce face-à-face immobile où l’on ne sait jamais si Bouquet observe un meurtrier ou apprivoise un frère d’âme. Mais ce sont des lueurs, pas un incendie. 

Le Dernier Saut est un film qui fascine par intermittence, comme un rêve mal monté, porté par deux immenses acteurs et affaibli par un scénario qui hésite, une mise en scène qui ronronne et une idéologie qui ne sait jamais si elle doit rugir ou murmurer. Pas passionnant, non. Mais suffisamment bizarre pour qu’on ne l’oublie pas tout à fait. 

NOTE : 11.20 

FICHE TECHNIQUE


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