Vu le Film La Mariée Etait en Noir de François Truffaut (1968) avec Jeanne Moreau Claude Rich Michel Bouquet Charles Denner Michael Lonsdale Jean Claude Brialy Michèle Montfort Alexandra Stewart
D'après l'oeuvre de William Irish. Musique de Bernard Herrmann. Le jour de son mariage, alors qu'elle sort à peine de l'église, Julie voit son mari se faire assassiner sous ses yeux... Personne ne sait pourquoi l'homme était la cible de cette balle. La veuve va alors entreprendre un voyage pour se venger de ceux qui ont tué son mari. Elle tient une liste des cinq responsables et elle compte les éliminer un à un.
François Truffaut s’essaie ici à un exercice de style : le polar vengeur teinté d’hommage à Hitchcock, mais passé à la sauce Nouvelle Vague, plus feutrée, plus littéraire, plus intérieure. La Mariée était en noir (1968) n’est pas un simple thriller, c’est une partition glacée jouée à contretemps, où la vengeance se fait sans cris ni fureur, mais avec une lenteur presque cérémonielle. Dès la première scène, le drame est planté : une jeune mariée (Jeanne Moreau) voit son mari abattu d’une balle alors qu’elle franchit le seuil de l’église. On comprend vite que le film ne racontera rien d’autre que sa traque méthodique des cinq hommes responsables du meurtre.
Truffaut choisit de ne pas expliquer comment elle découvre leur identité — ce flou participe du charme trouble du récit. L’essentiel n’est pas dans le réalisme mais dans le rituel. Chaque rencontre devient une mise en scène de séduction et de mort. Moreau, en veuve noire implacable, avance comme une ombre, sensuelle et menaçante à la fois. Elle attire ses proies dans sa toile avec un calme désarmant. Son visage, impassible, est une arme : ni colère ni tristesse, juste une détermination glacée. C’est là tout le style Truffaut — un minimalisme émotionnel qui pousse le spectateur à deviner plus qu’à voir.
Le casting est une brochette d’excellence : Michel Bouquet, Charles Denner, Jean-Claude Brialy, Michael Lonsdale, Claude Rich… la crème du cinéma français des années 60. Tous interprètent ces hommes qui tombent les uns après les autres, fascinés par cette femme qu’ils croient pouvoir séduire, sans comprendre qu’ils signent leur arrêt de mort. Le contraste entre leur goujaterie ou leur naïveté et le calme souverain de Moreau crée une tension étrange, presque hypnotique.
Truffaut, lui, orchestre tout cela avec une précision clinique. Les décors sont sobres, les plans épurés, la caméra discrète. Pas de poursuites ni d’explosions, mais des silences, des regards, une lente montée de la fatalité. On est loin du suspense hystérique d’Hitchcock : ici, le crime est un art, la vengeance une danse lente. Bernard Herrmann, le compositeur fétiche d’Hitchcock, signe la musique — et son score amplifie encore cette impression d’élégance funèbre.
Certes, le rythme est lent, mais c’est ce tempo retenu qui donne au film sa force. On sent Truffaut fasciné par la figure féminine, par cette idée qu’une femme blessée peut devenir l’incarnation même de la justice implacable. Moreau ne joue pas, elle plane. Elle n’est pas une victime devenue tueuse, elle est une idée fixe : celle de la vengeance absolue.
La Mariée était en noir, c’est donc moins un polar qu’une tragédie moderne. Truffaut s’amuse du genre tout en le désossant. Là où Hitchcock jouait avec la peur, lui joue avec le vide, le silence, la lenteur. Le spectateur, d’abord décontenancé, finit captif, pris dans la toile de cette mariée qui ne pardonne rien. Passionnant, troublant, lent, mais jamais tiède. Du cinéma à l’ancienne, fait avec des acteurs en or et une mise en scène sans fioritures : un Truffaut sobre, cruel, et élégamment vénéneux.
NOTE : 14.00
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : François Truffaut
- Scénario : Jean-Louis Richard et François Truffaut, d’après le roman policier éponyme de Cornell Woolrich, alias William Irish
- Musique : Bernard Herrmann avec quelques extraits du concerto pour mandoline de Vivaldi ; orchestre dirigé par André Girard
- Décors : Pierre Guffroy
- Photographie : Raoul Coutard
- Son : René Levert
- Scripte : Suzanne Schiffman
- Montage : Claudine Bouché
- Directeur de production : Georges Charlot
- Sociétés de production : Dino De Laurentiis Cinematografica, Les Films du carrosse et Les Productions Artistes Associés
- Société de distribution : Les Artistes Associés S.A (France), ZON Lusomundo Audiovisuais (Portugal)[] et Lopert Films (États-Unis)
- Pays d’origine :
France,
Italie - Langue originale : français
- Générique : Jean Fouchet[]
- Format : couleur (Eastmancolor) - 35mm - 1,66:1 - son monophonique
- Laboratoires : LTC (Saint-Cloud)
- Genre : drame et thriller
- Durée : 107 minutes
- Date de sortie :
- Jeanne Moreau : Julie Kohler, la veuve
- Claude Rich : Bliss
- Michel Bouquet : Robert Coral
- Michael Lonsdale : Clément Morane, l'industriel
- Charles Denner : Fergus, le peintre
- Daniel Boulanger : Delvaux, le ferrailleur
- Jean-Claude Brialy : Corey
- Jacqueline Rouillard : la logeuse de Coral
- Sylvine Delannoy : Mme Morane
- Christophe Bruno : « Cookie » Morane
- Alexandra Stewart : Mlle Becker, l'institutrice
- Luce Fabiole : la mère de Julie
- Michèle Montfort : le modèle de Fergus
- Paul Pavel : le mécanicien de Delvaux
- Gilles Quéant : le juge d'instruction
- Serge Rousseau : David Kohler, le mari de Julie
- Van Doude : l'inspecteur de police
- Frédérique Fontanarosa : la pianiste au concert (non créditée)
- Renaud Fontanarosa : le violoncelliste au concert (non crédité)
- Jacqueline Gaillard : la femme de chambre (non créditée)
- Maurice Garrel : le plaignant (non crédité)
- Daniel Pommereulle : un ami de Fergus (non crédité)
- Elisabeth Rey : Julie enfant (non créditée)
- Jean-Pierre Rey : David enfant (non crédité)
- Dominique Robier : Sabine, la nièce de Julie (non créditée)
- Jacques Robiolles : Charlie, le concierge (non crédité)
- Marcel Berbert : le policier qui vient chercher Mlle Becker (non créditée)
- Michèle Viborel : Gilberte, la fiancée de Bliss (non créditée).

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