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mercredi 26 novembre 2025

16.10 - MON AVIS SUR LE FILM EQUUS DE SIDENY LUMET (1977)


 Vu le film Equus de Sidney Lumet (1977) avec Richard Burton Peter Firth Jenny Agutter Colin Blakely Joan Plowright Harry Handrews Eileen Atkins John Wyman David Gardner Ken James 

Lors d’un accès de folie, le jeune Alan Strang a crevé les yeux des six chevaux de l’écurie où il travaillait. Martin Dysart, un psychanalyste de renom, est chargé de découvrir les raisons de ce geste. Dysart plonge peu à peu dans l’âme torturée d’Alan, où se mêlent sexe, passion et un secret profondément gardé… 

Equus de Sidney Lumet, c’est un plongeon frontal dans la folie humaine — cette folie qui dort en chacun de nous, et qui parfois ne demande qu’un petit choc pour sortir de son écurie mentale. Le Dr Martin Dysart, psychologue de métier mais philosophe à ses heures perdues, voit défiler dans son cabinet des cas tellement étranges qu’il pourrait écrire trois encyclopédies de pathologie. Mais quand débarque Allan Strang, adolescent mutique et incandescent, accusé d’avoir aveuglé six chevaux à coups de pique, même Dysart se demande si ce n’est pas lui le patient, au fond. Richard Burton, avec ses yeux fatigués et cette voix comme taillée dans la dépression pure, incarne un médecin au bord du gouffre, dont la lucidité devient presque une malédiction. 

Allan Strang, interprété par un Peter Firth formidable de tension, de fragilité et de pulsions confuses, semble persuadé d’être lui-même un cheval. Ce simple détail — léger, anodin, presque décoratif — donne à Lumet l’occasion de transformer la psychanalyse en véritable tragédie baroque. Le réalisateur, d’habitude maître du film judiciaire, troque ici le tribunal pour l’hôpital psychiatrique, mais la mécanique reste la même : deux hommes dans une pièce, qui se jugent autant qu’ils se confessent. L’affrontement devient intime, parfois dérangeant, surtout lorsque les deux personnages s’adressent directement à la caméra, comme pour nous demander à nous, spectateurs : « Et toi, qu’est-ce que tu caches dans ton écurie intérieure ? » 

Le film reprend la pièce de Peter Shaffer, et Lumet conserve cette théâtralité assumée : lumières expressionnistes, mise en scène dépouillée, décors quasi abstraits. Mais loin d’être un défaut, cette sobriété renforce la sensation d’être coincé dans les méandres de la psyché d’Allan. Les scènes traumatiques, notamment celles liées aux chevaux, n’ont rien perdu de leur pouvoir dérangeant. Moi, ce genre de folie me fascine : on sait que quelque chose cloche, mais on ne peut s’empêcher de regarder, comme un accident au ralenti. 

L’histoire, tortueuse et complexe, interroge les fantasmes, la sexualité bloquée, l’éducation castratrice d’un jeune garçon pris entre une mère ultra-religieuse et un père moqueur. Equus devient alors un récit sur les pulsions qu’on tente d’écraser… jusqu’à ce qu’elles explosent en plein visage. Lumet filme cela avec cette intelligence clinique qui le caractérise : pas de jugement, juste une exploration de l’âme humaine avec scalpel et poésie noire. 

Richard Burton signe ici l’un de ses derniers grands rôles, hanté, brisé, presque en miroir de sa vie personnelle. Peter Firth, lui, trouve le rôle de sa carrière, celui qu’on traîne comme une ombre, tellement il exige de se mettre à nu — littéralement et émotionnellement. Et pour l’anecdote, oui : Daniel Radcliffe reprendra ce rôle sur scène des années plus tard, prouvant qu'après avoir combattu Voldemort, on peut aussi affronter ses propres démons… entièrement nu au milieu de chevaux imaginaires. Chacun ses défis. 

Equus est étrange,Baroque,  dérangeant, fascinant. Une plongée dans la psyché humaine où rien n’est simple, où les mots blessent autant que les actes, et où la folie devient presque un refuge. Lumet livre une œuvre hypnotique, inconfortable, mais impossible à oublier. Comme un hennissement dans la nuit qui vous poursuit longtemps après la fin du film. 

NOTE : 16.10

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