Avis sur le film La Tour de Glâce de Lucile Hadžihalilović (2025) avec Marion Cotillard Clara Pacini August Diehl Lilas Rose Gilberti Marine Gesbert Gaspard Noé Dounia Sichov Aurélia Petit
Dans les années 1970, l'actrice Cristina participe au tournage de l'adaptation du conte fantastique La Reine des neiges d'après Hans Christian Andersen dans lequel elle joue le rôle principal. C'est alors que Jeanne, une orpheline adolescente, trouve refuge dans les studios où le film est tourné. Une relation inattendue se noue entre les deux femmes, cependant, Jeanne ne se doute pas que le piège se referme sur elle.
Il y a des films qu’on regarde. D’autres qu’on endure. La Tour de Glace appartient à cette seconde catégorie, et comme un certain film d’animation très célèbre, on finit par se dire : libérés, délivrés… de cette séance interminable. Dès les premières images, on a l’impression que les effets visuels datent de l’âge de pierre, taillés au silex, pixelisés au burin. Quant à l’histoire, elle semble sortie d’un brainstorming sous hypothermie : un drame fantastique lesbien greffé de références aux contes des frères Grimm, comme si la scénariste avait tout mélangé dans une centrifugeuse symboliste avant d’appuyer sur « démarrage ».
La réalisatrice Lucile Hadžihalilović, pourtant capable de visions sensorielles intrigantes, réussit ici une performance inattendue : nous ennuyer avec application. C’est presque une prouesse d’auteur. Quel sérieux, quelle grimace arty, quel cinéma qui se regarde faire du cinéma ! À force de vouloir être mystérieux, le film finit surtout par être obscur — mais pas dans le bon sens. On ne cherche pas l’énigme : on cherche la sortie.
L’histoire se déroule dans les années 1970. Jeanne, jouée par Clara Pacini, fugue de son foyer de haute montagne pour rejoindre la ville. En soi, cela pourrait être un beau point de départ. Mais le film transforme cette fugue en longue dérive brumeuse où chaque scène semble hésiter entre le rêve, le symbole et l’ennui poli. Jeanne se réfugie dans un théâtre-studio décrépit où elle rencontre Cristina, incarnée par Marion Cotillard, star mystérieuse d’un film intitulé La Reine des Neiges, que la jeune fille lisait enfant. Une relation trouble s’installe, censée être magnétique, mais qui ressemble davantage à deux aimants dont les pôles se repoussent.
Clara Pacini tente quelque chose de fragile, mais se retrouve écrasée par la mise en scène glaciale. Marion Cotillard, elle, navigue dans un rôle tellement précieux et déclamé qu’on finit par se demander si elle n’est pas tombée dans un piège scénaristique. Elle joue une icône froide, et le film semble la filmer comme une statue de glace — figée par choix esthétique ou par manque d’inspiration, chacun décidera. Impossible de dire qu’elle est mauvaise : elle est juste prisonnière d’un personnage dessiné comme une énigme… qui ne mène nulle part.
La mise en scène, justement, multiplie les ralentis, les plans contemplatifs sur des couloirs vides, des flocons, des visages immobiles, comme s’il fallait absolument imprimer une atmosphère. Mais à force de vouloir être sibyllin, le film devient crispé, presque caricatural. On sent la volonté de faire du “cinéma d’auteur pur”, avec un sérieux presque religieux, mais rien ne circule. Ni la magie, ni la tension, ni l’émotion.
Le scénario, quant à lui, empile des images symboliques sans jamais construire de véritable progression dramatique. On guette un frisson, un vrai mystère, une intensité psychologique… mais non : tout glisse sur la surface gelée. Le film, présenté à Berlin, donne l’impression de cocher les cases du drame fantastique conceptuel sans jamais trouver son cœur.
À la fin, on reste avec un sentiment étrange : celui d’avoir assisté à un exercice d’esthétique glaciale, mais pas à une histoire. Le film porte bien son titre : La Tour de Glace. C’est une construction froide, impeccable en apparence, mais totalement désertée de chaleur humaine. Une œuvre qui, effectivement, “vous laisse de glace”.
NOTE : 4.20
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Lucile Hadžihalilović
- Scénario : Geoff Cox et Lucile Hadžihalilović
- Décors : Julia Irribarria
- Photographie : Jonathan Ricquebourg (de)
- Son : Étienne Haug et Ken Yasumoto[]
- Montage : Nassim Gordji Tehrani
- Production : Muriel Merlin
- Coproduction : Victor Hadida, Ingmar Trost et Olivier Père
- Production exécutive : Serge Catoire
- Sociétés de production : 3B Productions, en coproduction avec Arte France Cinéma, Davis Films, Sutor Kolonko et Albolina Film[]
- Société de distribution : Metropolitan Filmexport (France)
- Marion Cotillard : Cristina / la Reine des neiges
- Clara Pacini : Jeanne[]
- August Diehl : Max[]
- Lilas-Rose Gilberti : Chloé
- Marine Gesbert : Stéphanie[]
- Gaspar Noé : Dino, le réalisateur[]
- Dounia Sichov : l'assistante réalisateur
- Valentina Vezzoso : Bianca
- Cassandre Louis Urbain : Rose
- Aurélia Petit : la narratrice

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