Vu le Film Les Tourmentés de Lucas Belvaux (2025) avec Niels Schneider Ramzy Bedia Linh-Dan Pham Deborah François Jérôme Robart
Skendar, ancien légionnaire, est devenu SDF et tente de revenir vers son ex-femme Manon et ses enfants, mais Manon le repousse. Un jour, il est contacté par Max, son ancien sergent. Max est devenu majordome pour une personne qu'il appelle "Madame", passionnée de chasse. Cette dernière cherche un "candidat idéal" pour être son gibier dans une partie de chasse à mort. Max a donc pensé à Skendar, qui a selon lui le profil idéal. "Madame" propose donc le "job" à Skendar, qui sera payé en conséquence, pouvant ainsi se représenter devant Manon. Il accepte et les deux camps commencent à se préparer chacun de leur côté mais les doutes et la rédemption vont modifier leurs plans.
Lucas Belvaux, qu’on avait découvert en petit postier incandescent dans Poulet au Vinaigre, revient derrière la caméra pour un film qui tranche radicalement avec ses précédents opus. Et la vraie question devient vite : est-ce qu’on y gagne au change ? Sur le papier, oui : plus de vivacité, plus de violence, plus de pulsations. Dans les faits… disons qu’on a troqué de la substance contre des secousses, et parfois ça tangue un peu. Le résultat ressemble à une bête traquée : ça court beaucoup, mais ça ne sait pas toujours dans quelle direction.
Le film repose sur une idée de départ qui, franchement, donnait envie : une chasse humaine orchestrée par une héritière du Comte Zaroff, incarnée par une Linh-Dan Pham en prédatrice glacée, dont la passion pour la chasse semble n’avoir plus aucune limite — surtout quand il s’agit de chasser l’être humain. À ses côtés, un majordome ailé nommé Max (oui, oui, ailé), interprété par un Ramzy Bedia qui joue l’étrange avec une placidité amusée. Et au centre du piège, la proie : Skender, incarné par Niels Schneider, dont la présence lumineuse et la fragilité combustible apportent au film un charisme que le scénario peine parfois à lui offrir.
Mais voilà : ça a du mal à démarrer. Belvaux s’attarde à expliquer le contexte, à poser les personnages, à installer une atmosphère… sauf que l’atmosphère, elle, ne se décide jamais vraiment à s’installer. On attend que la mécanique s’emballe, que la tension monte, que la chasse débute pour de bon. Et lorsque tout bascule enfin vers la traque, l’impression domine qu’on ne comprend pas vraiment pourquoi on est là, ni ce qui a mené ces personnages à se jeter dans cette spirale. D’où la punchline qui s’impose toute seule : “Tout ça pour ça ??”
Car le gros problème du film, c’est qu’il nous fait miroiter une montée dramatique qui n’arrive jamais vraiment. On passe une bonne partie de la projection à attendre quelque chose : un twist, une révélation, un basculement inattendu. Et ce quelque chose n’arrivera… jamais. Alors l’ennui finit par grignoter les bas-côtés de l’intrigue, et c’est dommage, parce que le pitch initial, lui, avait vraiment du potentiel. On sent qu’il y avait une matière, une pulsation possible, un film de genre que Belvaux aurait pu tirer vers le haut avec un peu plus de folie ou de parti pris.
Heureusement, les acteurs sauvent souvent la mise. Niels Schneider occupe l’écran avec cette intensité magnétique qu’on lui connaît ; il pourrait réciter l’annuaire des Ardennes qu’on le regarderait quand même. Linh-Dan Pham compose une amazone glaciale parfaitement inquiétante, même si ses motivations restent parfois aussi brumeuses qu’une chasse matinale en Sologne. Ramzy Bedia, lui, apporte une étrangeté bien à lui, naviguant entre comique et malaise avec une légèreté curieuse. Et au milieu de tout ça, Belvaux filme, cadre, tente… mais ne trouve pas toujours le bon angle.
La mise en scène oscille entre inspirations de thriller rural et fable cruelle, sans jamais vraiment choisir. On sent des idées, des envies, des pistes visuelles — mais pas toujours la cohérence qui en ferait une œuvre forte. Le scénario, lui, ressemble parfois à un sentier de forêt : ça bifurque, ça hésite, et au bout du compte on se demande si on n’est pas revenu au point de départ sans avoir croisé le moindre sanglier. Ou même un lapin.
Les Tourmentés reste un film avec du potentiel, un film qui aurait pu être plus percutant, plus tendu, plus assumé. Les comédiens, eux, font le boulot — et même plus. Mais Belvaux, en voulant changer de territoire, semble avoir oublié de tracer la carte. Résultat : une chasse à l’homme sans cache, sans vraie montée dramatique, et qui laisse cette impression tenace que tu résumais si bien : “Tout ça pour ça ?? ”
Un film qui court beaucoup, qui vise juste de temps en temps, mais qui, hélas, ne touche pas souvent sa cible.
NOTE : 10.60
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation et scénario : Lucas Belvaux, d'après son roman Les Tourmentés
- Décors : Stanislas Reydellet
- Costumes : Mathilde Mallet et Bethsabée Dreyfus
- Photographie : Guillaume Deffontaines
- Montage : Mathilde Muyard
- Musique : Frédéric Vercheval
- Ingénieurs du son : Quentin Collette et Joey Van Impe
- Scripte : Bénédicte Darblay
- Production : Bizibi, UGC Images, Studios Exception, Auvergne-Rhône-Alpes Cinéma, Artémis Productions, RTBF, Shelter Prod, Proximus Media House, Be tv / VOO
- Budget : 5 millions d'euros
- Niels Schneider : Skender
- Ramzy Bedia : Max
- Linh-Dan Pham : Madame
- Déborah François : Manon
- Jérôme Robart : le mari de Madame

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