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lundi 17 novembre 2025

13.30 - MON AVIS SUR LE FILM INSURRECTION DE JAN KOMASA (2014°


 Vu le Film Insurrection de Jan Komasa (2014) avec Jozef Pawlowski Zofia Wichlacz Anna Prochniak Mauryci Popiel Karolinna Staniec Jasmina Polak 

1944. Varsovie est sous domination nazie. Le 1er août, alors que les troupes soviétiques se rapprochent, la ville entière se soulève : c'est l'insurrection. La jeunesse polonaise rejoint alors les rangs de la Résistance, la fleur au fusil, pour ce qu'elle pense être un combat gagné d'avance qui ne devrait guère excéder trois jours. Parmi les révolutionnaires se trouvent Stefan et sa bande, issus pour la plupart de la bourgeoise varsovienne : ils sont inexpérimentés, idéalistes et candides. Comme tant d'autres jeunes, ils rêvent de liberté et d'héroïsme. L'horreur de la guerre leur réserve un destin beaucoup plus tragique... 

Avec Insurrection, Jan Komasa signe un film polonais de près de 3h30 qui n’a rien d’une promenade touristique dans Varsovie 1944. C’est un plongeon intégral, sensoriel, brutal, dans la révolte du peuple polonais contre l’occupant allemand, un soulèvement qui devait être rapide, presque naïvement victorieux aux yeux de ces jeunes insurgés… mais qui va virer au cauchemar historique, humain, architectural, moral. Des « héros ordinaires » , dont la vie n’aura rien d’ordinaire pendant soixante-trois jours. 

Komasa ne filme pas l’Histoire : il la recrée, la réveille, la bouscule, et parfois même la secoue par le col. Il a déjà montré dans La Bataille de Varsovie 1920 et Warsaw 44 son goût pour les fresques ambitieuses, mais ici il embrasse la tragédie totale. Il ne montre pas les camps, mais leur ombre plane partout, ne serait-ce qu’à travers ces prisonniers libérés par les insurgés, silhouettes pâles qui rappellent ce que la ville ne voit pas mais devine. L’inhumanité se devine dans les creux, et l’humanité, elle, se sacrifie en pleine lumière. 

Le casting, composé de jeunes acteurs polonais souvent peu connus internationalement, est l’une des grandes forces du film. Ils jouent sans filtre, sans héroïsme fabriqué : ils transpirent la peur, la fatigue, l’illusion de victoire, puis cette résignation qui n’empêche pas l’entêtement. Leur énergie donne au récit une dimension presque documentaire, tout en le maintenant du côté du cinéma total. On s’attache à eux parce qu’ils n’ont pas le temps de devenir des statues : ils sont vivants, vulnérables, imparfaits, parfois téméraires, parfois idiots, exactement comme les vrais insurgés de 1944. 

La mise en scène de Komasa oscille entre réalisme cru et stylisation assumée. Il y a les ruelles bombardées filmées à hauteur d’homme, les décombres transformés en labyrinthes mortels, les combats où le sang n’est pas un élément décoratif mais un langage. Et puis il y a ses fameux ralentis, ses balles qui semblent contourner les corps comme par caprice, ses envolées quasi irréalistes au cœur du chaos. On pourrait crier au cliché, mais Komasa transforme ces excès en respiration esthétique dans un film qui suffoquerait sans cela. Cette pression permanente explose dans certaines scènes d’horreur pure, dont celle — terrifiante — où il pleut littéralement de la chair humaine. Si certains cinéastes exagèrent, Komasa, lui, documente l’indicible. 

Le scénario ne se contente pas de suivre un seul groupe. Il entrelace les destins, souvent tragiques, de ces jeunes qui pensaient que la liberté s’offrait comme une fête improvisée. Ces histoires croisées donnent corps à la ville, à ses rues, à ses espoirs, à sa chute. Elles montrent que derrière chaque pavé, derrière chaque immeuble réduit en poussière (85 % de la ville détruite, un chiffre qui claque comme une gifle), il y avait une vie, un amour, une famille, un rêve, un dernier souffle. Le film n’élude jamais les massacres systématiques perpétrés par l’armée hitlérienne — plus de 200 000 morts civils et combattants — et ne détourne pas le regard quand Varsovie devient une ville à genoux. 

La dernière partie, funèbre et presque silencieuse, montre une ville agonisante, une capitale dont il ne reste que 15 % des immeubles debout à l’arrivée des Soviétiques, en janvier 1945. Le film se clôt sur cette image d’une cité fantôme qui renaîtra pourtant de ses cendres. On ne peut pas faire plus phénix que Varsovie. 

Alors oui, Insurrection n’est pas Requiem pour un massacre — mais qui pourrait l’être ? — pourtant Komasa signe un film puissant, surprenant, habité, parfois maladroit mais jamais tiède. Une fresque qui mêle  humour sombre ("il pleut de la chair, littéralement") à une violence frontale rarement vue. Une bonne surprise, un film qui ne cherche pas la sainteté mais le courage. 

Et dans ce chaos, une certitude : ces jeunes, ordinaires dans la vie, deviennent symboliques dans la mort. Et le cinéma, parfois, sert exactement à cela : redonner un visage à ceux que l’Histoire a engloutis. 

 NOTE : 13.30

FICHE TECHNIQUE


DISTRIBUTION

  • Józef Pawłowski : Stefan
  • Zofia Wichłacz : Alicja, surnommée Biedronka (Coccinelle)
  • Anna Próchniak : Kamila, surnommée Kama
  • Maurycy Popiel : Góral
  • Antoni Królikowski : Beksa (Pleurnichard)
  • Karolina Staniec : Beata
  • Filip Gurłacz : Rogal
  • Tomasz Schuchardt : Kobra
  • Monika Kwiatkowska : Hanna, la mère de Stefan et Jaś
  • Filip Szczepkowski : Jaś, frère cadet de Stefan
  • Jaśmina Polak : Ewa
  • Jan Kowalewski : Adam
  • Grzegorz Daukszewicz : Miki
  • Michał Żurawski : Capitaine Czarny
  • Michał Meyer : Pająk (L'araignée)
  • Max Riemelt : Johann Krauss, l'officier nazi
  • Marcin Korcz : Karol
  • Michał Mikołajczak : Aleksander, le frère d'Alicja
  • Sebastian Fabijański : Sagan
  • Piotr Biedroń : Joe
  • Michalina Olszańska : danseuse
  • Rafał Zawierucha : un nazi

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