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lundi 24 novembre 2025

14.10 - MON AVIS SUR LE CM L'EPOUVANTAIL DE BUSTER KEATON ET EDWARD F.CLINE (2020)

 


Vu l;e Court-Métrage L’Epouvantail (The Scarecrow) de Buster Keaton et Edward F.Cline (1920) avec Buster Keaton Sylbil Seely Joe Keaton Joe Roberts Edward F.Cline Al Saint John et Luke le chien (mais aussi des cochons et des canards) 

Buster et un autre ouvrier agricole partagent un même foyer où, grâce à de nombreux mécanismes, toutes les pièces tiennent en une seule. Mais comme le dit la devise ornant leur mur : Que vaut un foyer sans une mère. Cette mère manquante pourrait être la fille du fermier qui attire les deux célibataires. Elle se rêve danseuse et exécute quelques pas devant l'un des deux qui en profite pour la prendre dans ses bras. Voyant cela, Buster défaille et se fait poursuivre par le chien de la maison 

The Scarecrow, c’est 20 minutes de pur génie qui écrasent dix ans de comédie française sans même transpirer. Et encore, je suis gentil : Keaton pourrait humilier certaines comédies actuelles en une seule acrobatie. Voir ce court-métrage dans une copie de très grande qualité, c’est comme redécouvrir le cinéma à l’état brut : un art où l’invention, la précision et l’élégance se conjuguent sans jamais lever le pied. Et moi qui n’ai vu qu’une poignée de films de Keaton — mon grand regret — je me suis dit : “Comment peut-on être aussi talentueux en étant aussi impassible ?” 

Le titre est presque trompeur : l’épouvantail n’arrive qu’à la fin, comme un dessert qu’on ne voit pas venir. Le film n’est pas centré sur lui, mais quand il déboule, il le fait à sa manière, c’est-à-dire avec une idée brillante par seconde. Mais avant d’en arriver là, le film dégoupille un festival d’idées visuelles, notamment dans les premières séquences, qui présentent une maison dont chaque objet est un mécanisme. C’est du Rube Goldberg avant l’heure, mais avec la grâce et la folie de Keaton. Une pièce unique qui fait cuisine, salon, atelier, salle à manger — tout en même temps — et qui nous remue le cerveau dès la première minute. 

Avec Joe Roberts, son complice massif, Keaton forme un duo irrésistible : la finesse contre la force brute, l’élasticité contre la lourdeur attendrissante. Ces deux-là peuvent simplement se servir un café et déjà provoquer un gag. Leur synchronisation est d’une intelligence rare, presque chorégraphique. Keaton fait tout, tombe, rebondit, se relève, tandis que Roberts alterne stoïcisme et maladresse. Et bien sûr, au milieu de cette joyeuse folie, s’ajoute une intrigue sentimentale pleine de charme. (Sur cette séquence j’ai l’impression que Yves Robert l’a vu pour son Alexandre le Bienheureux avec Philippe Noiret) 

Car nous sommes dans une époque où fonder une famille est plus crucial qu’échapper à un troupeau de vaches. Buster, évidemment, aimerait épouser la fille du fermier, incarnée par la pétillante Sybil Seely. Elle est vive, charmante, parfaitement dans le ton du film, avec un sens du timing comique qui n’a rien à envier à Keaton. Mais il y a le père — Joe Keaton, le vrai père de Buster — un fermier au regard sévère, toujours prêt à séparer les amoureux et à rappeler que la vie, ce n’est pas seulement courir partout comme un acrobate déchaîné. Ironie : c’est justement ce que fait son fils pendant tout le film. 

Le scénario, simple comme un conte, se révèle pourtant d’une intelligence redoutable. Chaque scène pousse l’idée précédente un cran plus loin, sans jamais retomber dans la facilité. La mise en scène de Keaton et Cline est un modèle d’économie et de dynamisme : pas un plan inutile, pas une seconde perdue. C’est du cinéma qui raconte, qui invente, qui avance, et qui à chaque instant surprend. Le muet, ici, n’est pas un handicap : c’est une liberté. 

Et puis arrive l’épouvantail, enfin, dans une poursuite délirante avec chien enragé, course autour des champs, costume ridicule qui devient armure involontaire — un final à la fois absurde et irrésistiblement poétique. La conclusion, jusqu’à l’improbable mariage improvisé, est une merveille de vitesse et d’humour visuel. 

The Scarecrow est un bijou qui rappelle à quel point Buster Keaton était un artiste unique : inventif, audacieux, drôle, presque surnaturel dans sa maîtrise du gag. En 20 minutes, il invente plus de cinéma que certains n’en produisent en carrière entière. Magique, instructif, intelligent dans l’écriture comme dans la mise en scène — un bonheur absolu. 

NOTE : 14.10 

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