Vu le Film Les Misérables de Robert Hossein (1982) avec Lino Ventura Michel Bouquet Jean Carmet Denis Lavant Valentine Bordelet Christiane Jean Evelyne Bouix Fernand Ledoux Roger Hanin Franck Cabot David Emmanuel Curtil (Gavroche)
Jean Valjean, un paysan condamné aux travaux forcés, sort du bagne de Toulon en 1815 après y avoir passé dix-neuf ans, sa peine initiale ayant été prolongée à cause de ses multiples tentatives d'évasion. Son destin bascule lorsque l'évêque de Digne, Monseigneur Myriel, se dévoue pour lui éviter d'être de nouveau incarcéré à la suite du vol qu'il a perpétré dans sa maison. Dès lors, Jean Valjean va s'évertuer à ne faire que le bien autour de lui au détriment de son propre bonheur.
Adapter Les Misérables, ce « petit livre peu connu » de Victor Hugo (ah ah), c’est un peu comme vouloir repeindre la Tour Eiffel : il faut de l’audace, du respect et un sacré savoir-faire. Robert Hossein, homme de théâtre avant tout, s’y est collé en 1982 avec un amour visible pour le texte, la mise en scène grandiose et la foi, cette dimension spirituelle qui traverse à la fois son œuvre et celle de Hugo. Dès les premières images, on comprend qu’on n’est pas dans une simple reconstitution : Hossein filme une fresque, un opéra du peuple, une tragédie biblique où chaque visage semble sortir d’une peinture romantique.
L’histoire, tout le monde la connaît, ou du moins croit la connaître. Jean Valjean, ancien forçat condamné pour avoir volé un morceau de pain, sort du bagne, marqué à vie. Recueilli par l’évêque Myriel, il décide de se racheter, mais le commissaire Javert, incarnation de la loi rigide, ne cessera de le traquer. Entre eux, un duel moral et philosophique : la justice contre la rédemption, la règle contre la miséricorde. Le tout sur fond de misère sociale, de barricades et de révolution, dans une France où chaque pavé semble prêt à se soulever.
Robert Hossein, fidèle à sa formation théâtrale, fait du film une suite de tableaux vivants. On sent l’homme de scène derrière chaque plan : éclairages dramatiques, silences pesants, décors imposants. Tout respire la grandeur tragique. C’est parfois un peu figé, oui, mais quelle beauté ! Les mouvements de foule, les costumes, la reconstitution des rues de Paris — tout y est millimétré. On croirait presque assister à un spectacle joué pour la postérité.
Et puis il y a Lino Ventura. Monumental, massif, bouleversant. Son Jean Valjean n’est pas un saint éthéré mais un homme de chair, de fatigue et de foi. Chez Ventura, la rédemption passe par le corps. Il porte le poids du monde sur ses épaules comme d’autres portent leur croix. Son regard, sa lenteur, sa retenue en font un Valjean d’une humanité rare. Face à lui, Michel Bouquet, Javert inflexible, fait merveille. Bouquet a cette rigidité tranquille, cette froideur presque ascétique qui donne à leur affrontement une intensité incroyable. Deux écoles du jeu, deux philosophies de l’homme : Ventura, la passion ; Bouquet, la loi.
Hossein ne cherche pas à moderniser Hugo, il cherche à lui rendre sa démesure. Le film est long, ample, habité. Il a ce souffle qui manque à tant d’adaptations contemporaines. La deuxième partie, celle des révoltés et des barricades, prend une dimension quasi mystique. Hossein filme la Commune comme une Passion : les jeunes tombent, le peuple saigne, mais la flamme de l’espérance ne s’éteint pas. On pense parfois à Abel Gance pour la mise en scène, à Pagnol pour la ferveur populaire.
Oui, certaines scènes paraissent datées ou un peu figées, mais cela fait partie du charme. C’est du théâtre filmé au sens noble du terme, où la parole compte autant que le geste, où chaque silence résonne. On sent la foi de Hossein dans ses personnages, dans ce combat entre l’homme et sa conscience. C’est peut-être cela, la plus belle réussite du film : ne jamais réduire Hugo à une leçon d’école, mais en faire une expérience sensorielle, presque spirituelle.
Les Misérables version Hossein, c’est un film d’époque fait avec le souffle des grandes fresques. Pas une adaptation de plus, mais une déclaration d’amour au texte et à ses héros. Ventura et Bouquet y sont comme deux statues vivantes, opposées mais unies par la grandeur tragique. Et même si le film n’est pas parfait, on sort avec l’envie d’ouvrir — ou de rouvrir — ce fameux « petit livre » qui, décidément, n’a rien perdu de sa force. Un grand spectacle, à la fois populaire, lyrique et profondément humain.
En prolongement de la Comédie Musicale que j’avais vu au Théâtre du Chatelet , épique et sublime
NOTE : 15.80
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Robert Hossein, assisté d'Emmanuel Gust et Michel Béna
- Scénario : Alain Decaux et Robert Hossein d'après le roman de Victor Hugo
- Dialoguiste : Alain Decaux
- Musique : Michel Magne et André Hossein
- Coordinateur des combats et des cascades : Guy Di Rigo de l'équipe Claude Carliez
- Distributeurs d'origine : CCFC (Compagnie Commerciale Française Cinématographique, Paris), GEF (Groupement des Éditeurs de Films, Paris)
- Pays de production :
France et
Allemagne de l'Ouest - Tournage à Paris, Bordeaux, Sarlat et dans les studios de la S.F.P à Bry-sur-Marne (certaines scènes du film ont été tournées dans la ville de Palaiseau, dans la banlieue sud de Paris, ainsi qu’à Gourdon (Lot) notamment derrière l'église Saint-Pierre
- Lino Ventura : Jean Valjean/M. Madeleine, Champmathieu
- Michel Bouquet : l'inspecteur Javert
- Jean Carmet : Thénardier, l'aubergiste de Montfermeil devenu chef de bande
- Evelyne Bouix : Fantine, la mère de Cosette
- Valentine Bordelet : Cosette enfant
- Christiane Jean : Cosette adulte
- Frank David : Marius Pontmercy
- Emmanuel Curtil : Gavroche, le jeune fils Thénardier
- Françoise Seigner : La Thénardier, la femme de l'aubergiste
- Candice Patou : Éponine Thénardier adulte
- Corinne Dacla : Azelma Thénardier adulte
- Louis Seigner : Mgr Bienvenu Myriel, l'évêque de Digne
- Fernand Ledoux : M. Gillenormand, le grand-père de Marius Pontmercy
- Hervé Furic : Enjolras
- Dominique Davray : La Magnon
- Martine Pascal : la mère supérieure du prieuré
- Valérie Bony : une serveuse
- Paul Préboist : Fauchelevent, l'homme accidenté
- Robin Renucci : Courfeyrac
- Alexandre Tamar : Grantaire
- Christian Benedetti : Combeferre
- Roger Hanin : un aubergiste
- Jean-Roger Caussimon : le conventionnel
- Jean-Marie Proslier : le sénateur
- Max Montavon : le gardien de l'usine
- Denise Bailly : la vieille dame de l'église
- Eugène Berthier : l'homme à la charrette
- Aline Bertrand : Mme Magloire, servante de Mgr Myriel
- Jacques Blal : Gervais, le petit ramoneur savoyard
- Jacques Brécourt : Cochepaille, un bagnard
- Madeleine Bouchez : Mlle Baptistine
- Denise Chalem : Noémie
- Jacques Brucher : un gendarme
- Catherine Di Rigo : Azelma enfant
- Luc Delhumeau : l'huissier de mairie
- Viviane Elbaz : sœur Simplice
- André Dumas : un employé de mairie
- Claude Lancelot : Bamatabois, le bourgeois
- Agathe Ladner : Éponine enfant
- Gérard Laureau (de) : un homme à la charrette
- Guillaume Lagorce : Petit Pierre
- Virginie Laner : l'ouvrière à la lettre
- Gérard Laugier : le père à la porte-fenêtre de la maison
- Paul Pavel : un homme à la charrette
- Bernard Salvage : le frère de l'école chrétienne
- Olivier Proust : un gendarme
- Raymond Studer : Brevet, un bagnard au procès de Champmathieu
- Dominique Zardi : Chenildieu, un bagnard au procès de Champmathieu
- Rose Thierry : la contremaître de l'usine
- Armand Mestral : l'avocat général
- Georges Lycan : Gueulemer, un homme de la bande à Patron-Minette
- Jean-Pierre Bernard : l'avocat de Champmathieu
- Bernard Dumaine : Mirat
- René Dupré : le président du tribunal
- Héléna Manson : la logeuse de la maison Corbeau
- René Morard : Deruche
- Arlette Thomas : une sœur de l'hôpital
- Tony Joudrier : Bossuet
- Christophe Odent : Bahorel
- Yvette Étiévant : La Bréjon, la logeuse de N.D. de Lorette
- Denis Lavant : Montparnasse
- Nathalie Nerval : la fille de M. Gillenormand
- Mado Maurin : Toussaint, la bonne de Cosette, rue Plumet
- Robert Dalban : le cocher
- Mario Luraschi : le cavalier noir
- Bernard Fatachi : Bréjon
- Hubert Noël : La Fayette
- Yaseen Khan : le domestique de M. Gillenormand
- Robert Bazil : un policier des égouts
- Jacques Bretonnière : le portier de M. Gillenormand
- Serge Malik : Brejon, fils
- André Chamel : le général
- Alain Nobis : un policier des égouts
- Philippe Rouille : la sentinelle
- Jean-René Gossart : Claquesous
- Jean-Marie Bernicat : l'adjoint du général
- Nicolas Hossein : un garçon d'honneur
- Henri Attal : un serveur à Saint-Cloud
- Louise Busson : La Provençale
- Johnny David : Blachevelle
- Sylvie Delaunay : Dahlia
- Guy Di Rigo : l'officier des barricades
- Béatrice Halimi : Favourite
- Lucienne Koegler : la bonne de M. Madeleine
- Maurice Launet : le vieux Provençal
- André Obadia : un gardien de prison
- Jacques Riberolles : Le boulanger
- Valérie Rojan : Zéphine
- Ghislaine Trémoulet : la mère allaitant
- Michel Weinstadt : Fameuil
- L'équipe de cascadeurs de Claude Carliez avec : Jean-Louis Airola, Alain Barbier, Nella Barbier, Antoine Baud, Michel Berreur, Daniel Breton, Michel Carliez, Guy Delorme, Patrice Laclau, Sylvain Lévignac, Gérard Lidouze, Patrice Melennec, Gérard Moisan, Daniel Perche, Firmin Pisias, Pierre Rosso, Arlette Spetebroot, Francis Terzian, Joël Venon, Josy Venon
- Cascades et combats réglés par Guy Di Rigo

Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire