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vendredi 20 décembre 2024

15.10 - MON AVIS SUR LE FILM L'ETE MEURTRIER DE JEAN BECKER (1983)


 Vu le film L’Eté Meurtrier de Jean Becker (1983) avec Isabelle Adjani Michel Galabru Alain Souchon  Suzanne Flon Jenny Clèves Maria Machado Evelyne Didri Jean Gaven François Cluzet Manuel Gélin Roger Carel

1976. Éliane, dite « Elle », séduisante jeune femme de vingt ans, d'une sensualité troublante et provocante, emménage dans un village provençal avec son père adoptif, Gabriel, paralytique qui refuse de s'occuper d'elle et sa mère, surnommée « Eva Braun » à cause de son origine allemande. Dans le village, Florimond (de son vrai prénom Fiorimondo), surnommé « Pin Pon », qui travaille au garage d'« Henri IV » et comme pompier volontaire et vit avec sa mère, sa tante sourde et ses deux frères Mickey et Boubou dans la grande maison familiale, s'intéresse à la jeune femme aguicheuse. « Elle » manifeste également son intérêt à « Pin Pon » et une romance naît

L'Été meurtrier de Jean Becker est un chef-d'œuvre du thriller psychologique, un polar incandescent qui résonne encore plus fort aujourd'hui, à l'ère du mouvement #MeToo. Adapté du roman de Sébastien Japrisot, le film explore des thèmes brûlants comme la violence sexuelle, la manipulation, et les déflagrations intimes et sociales de la quête de vengeance.

Isabelle Adjani incarne Eliane, alias « Elle », une jeune femme fascinante et troublante, à la fois ange vengeur et victime de son propre passé. Adjani est prodigieuse, insufflant à son personnage une sensualité sauvage et une fragilité désarmante. Eliane, fruit tragique d’un viol subi par sa mère (Suzanne Flon, émouvante dans son rôle de femme brisée), revient dans le village natal de sa famille avec un plan de vengeance méticuleux. Sa cible : les responsables de l’agression. Pourtant, cette quête se dérobe sous ses pieds, alimentée par des non-dits familiaux et les manipulations d’un beau-père ambigu.

L’histoire prend une tournure déchirante lorsqu’Eliane tombe amoureuse de Pin Pon (Alain Souchon, à contre-emploi mais bouleversant), un pompier doux et rêveur qui semble être son seul refuge dans ce tourbillon de violence et de ressentiment. La relation entre Eliane et Pin Pon, oscillant entre passion, méfiance et tragédie annoncée, est le cœur battant du film. Mais lorsque les indices s’accumulent et que les vérités cachées émergent, le spectateur est pris au piège d’une spirale implacable, où chaque geste, chaque révélation semble précipiter l’inéluctable.

Jean Becker signe une mise en scène étouffante et charnelle, où les paysages d’été, baignant dans une lumière dorée, contrastent avec la noirceur des âmes. Les flashbacks sont distillés avec une précision chirurgicale, dévoilant petit à petit les fractures du récit, tout en maintenant une tension quasi insoutenable. Le film pose une question essentielle et intemporelle : la vengeance peut-elle réparer les injustices du passé ? Ou engendre-t-elle seulement plus de souffrance ?

Le scénario joue habilement avec les perceptions du spectateur, brouillant la frontière entre culpabilité et innocence, entre bourreaux et victimes. Si le personnage d’Eliane incarne une forme de résilience, son chemin tragique illustre aussi les dangers de l’isolement et de l’instrumentalisation des blessures personnelles.

Avec sa profondeur psychologique, ses personnages complexes et une Adjani impériale, L'Été meurtrier reste un sommet du cinéma français. Plus de 40 ans après sa sortie, son analyse de la violence systémique et des dynamiques de pouvoir dans les relations humaines conserve une actualité glaçante. La justice et la vengeance s’y heurtent dans un ballet fatal, nous laissant face à une vérité brutale : la douleur ne trouve pas toujours de catharsis.

Michel Galabru (Gabriel, le beau-père) est terrifiant de duplicité. Il s’éloigne de ses rôles comiques habituels pour incarner un personnage ambigu, presque reptilien, dont les intentions troubles teintent le récit d’une menace latente. Galabru capte parfaitement la lâcheté et l’opportunisme du patriarcat rural.

NOTE : 15.10

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