Vu le film To Be Or Not to Be de Ernst Lubitsch (1942) avec Robert Stack Carole Lombard Jack Benny Félix Bressart Sig Ruman Helmut Dantine Danny Borzage Charles Halton Tom Dugan George Lynn
Pendant l'occupation nazie de la Pologne, une troupe
d'acteurs est impliquée dans les efforts d'un soldat polonais cherchant un
espion allemand. En effet, Joseph et sa troupe doivent déjouer l'attention des
nazis et arrêter le Professeur Siletsky avant qu'il ne divulgue une liste des
membres de la résistance polonaise.
To Be or Not to Be est un joyau intemporel du
cinéma, une preuve éclatante du génie de Lubitsch, maître du ton en équilibre.
Avec une légèreté apparente, il façonne une satire d'une intensité féroce, où
l’humour devient une arme tranchante contre la barbarie. Sorti en 1942, en
pleine Seconde Guerre mondiale, ce film n’est pas seulement une comédie – c’est
un acte de courage artistique, un défi lancé à la tyrannie par le biais de
l’esprit et de la finesse.
L’histoire se déroule à Varsovie, sous l’ombre
oppressante de l’occupation nazie. Une troupe de théâtre, menée par l’acteur
narcissique Joseph Tura (Jack Benny) et sa femme Maria (Carole Lombard,
radieuse et lumineuse dans son dernier rôle), se retrouve mêlée à un complot
pour déjouer les plans des nazis. Par une série de quiproquos audacieux et
d’identités échangées, ils infiltrent les hautes sphères de l’ennemi. Cette
intrigue, qui pourrait être sombre, devient sous la plume de Lubitsch un ballet
exquis où le rire côtoie l’angoisse, où chaque réplique fait mouche avec une
précision chirurgicale.
L’humour de Lubitsch, souvent qualifié de « touche
Lubitsch », brille ici dans toute sa splendeur. Il transforme les tragédies
humaines en un théâtre d’absurde, sans jamais trahir leur gravité. Prenons, par
exemple, cette scène culte où un officier nazi demande : « Alors, qu’est-ce que
ce Hitler a de si spécial ? » pour se voir répondre : « Il est très difficile
de le jouer ! » Cette pirouette, à la fois hilarante et glaçante, illustre la
capacité du film à ridiculiser l’idéologie nazie tout en soulignant son
absurdité tragique.
Mais sous la comédie, il y a une histoire profondément
humaine. Lubitsch explore la survie, la résistance, et même l’ego – celui des
acteurs autant que des dictateurs. À travers Joseph Tura, il interroge la place
de l’artiste en temps de guerre : que peut l’art face à la brutalité ? Peut-il
être une forme de résistance ? Ici, le théâtre devient une arme, le déguisement
un moyen de survie, et la performance une manière de reprendre le pouvoir.
Le film est également marqué par un mélange de violence
sous-jacente et de légèreté éclatante. Les nazis sont présentés comme à la fois
grotesques et menaçants, une dualité qui reflète leur danger réel. Ce contraste
renforce l’impact émotionnel, et l’on rit autant que l’on frémit.
En écho au Dictateur de Chaplin, sorti deux ans
plus tôt, To Be or Not to Be utilise l’humour pour dénoncer l’horreur.
Mais là où Chaplin s’attaque frontalement à Hitler, Lubitsch préfère la
subtilité, le jeu de masques et l’ironie. Les deux approches se complètent et
témoignent du pouvoir du cinéma comme arme de résistance culturelle.
Au-delà de sa dimension historique et politique, To Be
or Not to Be demeure une œuvre d’une modernité frappante. La mécanique
impeccable de son scénario, l’interprétation brillante de ses acteurs, et sa
capacité à provoquer à la fois le rire et la réflexion en font un chef-d’œuvre
inaltérable.
Ce film rappelle que l’humour peut être un acte de
rébellion, que le rire peut désarmer les pires tyrans, et que même dans les
heures les plus sombres, l’humanité peut briller par son esprit et sa
résilience. À voir, revoir, et chérir.
NOTE : 15.10
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Ernst Lubitsch
- Scénario : Edwin Justus Mayer et Ernst Lubitsch (non crédité), d'après une histoire originale de Melchior Lengyel
- Décors : Vincent Korda et Julia Heron
- Costumes : Irene
- Photographie : Rudolph Maté
- Montage : Dorothy Spencer
- Musique : Werner R. Heymann ; Miklós Rózsa et Eugene Zador (non crédités)
- Producteurs : Ernst Lubitsch et Alexander Korda
- Société de production : United Artists
- Société de distribution : United Artists
- Carole Lombard (VF : Jacqueline Delubac) : Maria Tura
- Jack Benny (VF : Richard Francœur) : Joseph Tura
- Robert Stack : Lieutenant Stanislav Sobinski, jeune pilote de bombardier
- Felix Bressart (VF : Camille Guérini) : Greenberg
- Lionel Atwill (VF : Georges Hubert) : Rawitch
- Stanley Ridges (VF : Marc Valbel) : Pr. Alexander Siletsky
- Sig Ruman (VF : Jacques Berlioz) : Colonel Ehrhardt
- Tom Dugan (VF : Jean Clarieux) : Bronski, acteur incarnant Hitler
- Charles Halton (VF : Albert Montigny) : George Dobosh, le producteur
- George Lynn : le faux officier de la Gestapo
- Henry Victor : Capitaine Schultz
- Maude Eburne : Anna, la femme de chambre
- Halliwell Hobbes (VF : Pierre Morin) : Général Armstrong
- Miles Mander (VF : Henri Ebstein) : Major Cunningham
- Acteurs non crédités
- Rudolph Anders : le sergent de la Gestapo à l'accueil en haut des escaliers de l'hôtel
- Alec Craig : le fermier écossais sans moustache
- Helmut Dantine : un copilote
- James Finlayson : le fermier écossais avec moustache
- Olaf Hytten : Polonius à Varsovie
- John Kellogg : un aviateur polonais de la RAF
- Adolf E. Licho : le souffleur
- Frank Reicher : l'officiel polonais
- Roland Varno : un pilote
- Wolfgang Zilzer : un client de la librairie
- Armand 'Curly' Wright : le maquilleur
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