Vu L’Appel du Destin de Georges Lacombe (1953) avec Roberto Benzi Jean Marais Jacqueline Porel Renée Devillers Fernand Sardou Georgette Anys Marcel Lebas Edouard Delmont Jean Lanier Philippe Richard
Au
cours d'une tournée, le jeune chef d'orchestre prodige Roberto Lombardi
rencontre son père Lorenzo qu'il n'a jamais connu : celui-ci, pianiste
renommé, avait quitté le domicile familial et sombré dans l'alcoolisme. Grâce aux efforts de Roberto
et de sa mère, Lorenzo retrouvera sa famille.
Trois ans après Prélude à la Gloire,
Georges Lacombe retrouve Roberto Benzi dans L’Appel du Destin (1953), un
film qui, tout en s’éloignant quelque peu du cadre strictement musical de son
prédécesseur, approfondit les thématiques humaines et dramatiques. Cette œuvre,
plus ambitieuse et émotionnellement complexe, mêle le génie musical de Benzi,
alors âgé de 16 ans, à une histoire bouleversante de rédemption familiale. Le
résultat est un drame poignant qui fait autant vibrer le cœur que les cordes de
l’orchestre.
Si Prélude
à la Gloire consacrait la virtuosité précoce de Roberto Benzi dans un écrin
qui tenait presque du conte documentaire, L’Appel du Destin s’aventure
davantage dans la fiction dramatique. Ici, Benzi ne joue plus uniquement le
rôle du prodige musical ; il devient un acteur à part entière, impliqué dans
une relation père-fils complexe et chargée d’émotions. Jean Marais, incarnant
son père, est magistral dans son rôle d’homme en perdition, englué dans ses
échecs et sa mélancolie. Le contraste entre la pureté juvénile et lumineuse de
Benzi et la déchéance sombre de Marais crée une dynamique puissante qui porte
le film.
Le
récit nous emmène de Venise à Rome, offrant une toile de fond somptueuse à
cette histoire intime. La caméra de Lacombe, tout en capturant la beauté des
lieux, met l’accent sur les regards, les gestes, les silences chargés de sens.
Venise, avec ses canaux et son atmosphère mélancolique, symbolise les errances
du père, tandis que Rome, avec sa grandeur et son éclat, reflète l’ascension et
l’espoir incarnés par le fils. Ces deux villes deviennent les miroirs de l’âme
des personnages, renforçant le lien entre le drame humain et le décor.
Le cœur
du film reste cependant la musique. Roberto Benzi, une fois encore, éblouit par
sa maîtrise de la direction d’orchestre. Chaque scène où il prend la baguette
devient un moment de grâce, une suspension du temps. Il ne dirige pas seulement
la musique : il semble l’habiter, la transformer en une énergie vivante qui
traverse l’écran. Cette connexion presque mystique entre le jeune maestro et
son art apporte une transcendance qui contraste avec le drame terrestre du
père. Le spectateur, pris dans ce double mouvement — la chute d’un homme et
l’élévation d’un autre —, oscille entre les larmes et l’admiration.
Mais L’Appel
du Destin est aussi un film sur la transmission. Au-delà de la relation
biologique entre père et fils, le film explore l’idée que le talent et l’amour
peuvent devenir des forces rédemptrices. Benzi, par sa musique et sa
détermination, tente de sauver son père de sa propre destruction. Cette quête,
teintée de douleurs et de sacrifices, culmine dans des scènes déchirantes où
les masques tombent, révélant la fragilité des âmes et la puissance du pardon.
Ce film
marque également un point final dans la carrière cinématographique de Roberto
Benzi, qui, après ce rôle, consacrera entièrement sa vie à la musique. En ce
sens, L’Appel du Destin agit comme un adieu symbolique au grand écran,
un dernier hommage à son talent multidimensionnel. Georges Lacombe, fidèle à
son admiration pour le jeune prodige, signe ici une œuvre qui, tout en
s’inscrivant dans la continuité de Prélude à la Gloire, s’en distingue
par son ambition narrative et sa profondeur émotionnelle.
L’Appel
du Destin est
une fresque humaine et musicale qui touche au sublime. Porté par la prestation
inégalable de Roberto Benzi et le jeu poignant de Jean Marais, le film
transcende les attentes pour livrer un drame universel sur la rédemption,
l’amour filial et la puissance de l’art. Une œuvre qui fait pleurer, vibrer, et
laisse une empreinte indélébile dans le cœur des spectateurs.
NOTE / 13.10
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Georges Lacombe
- Assistant à la mise en scène : Roger Dallier
- Scénario et dialogues : Jacques Viot
- Décors : Henri Morin
- Photographie : Robert Lefebvre
- Son : Jean Rieul
- Musique : Louis Beydts
- Musiques de Beethoven - Berlioz - Chopin - Liszt - Moussorgsky - Ravel - Mozart - Weber
- Orchestre de la Société des concerts du Conservatoire sous la Direction de Roberto Benzi
- Pianiste : Nikita Magaloff
- Montage : Henri Taverna
- Photographe de plateau : Raymond Voinquel
- Production : Miramar Productions - Ciné Sélections
- Tournage : -
- Jean Marais : Lorenzo Lombardi, le père
- Roberto Benzi : Roberto Lombardi, le jeune chef d'orchestre
- Jacqueline Porel : Lucienne Lombardi, la mère
- Renée Devillers : Germaine Obrecht, gouvernante de Roberto
- Fernand Sardou : le "Dottore" Aldo
- Georgette Anys : la “grosse Lolo”
- Édouard Delmont : monsieur Galibert
- Marcel Lebas : le facteur
- Charles Dechamps : l’impresario Mr Roze
- Jean Lanier : un ami
- Fernand Rauzena : Mr Torquato
- Germaine Page : Mme Torquato
- Philippe Richard : le Directeur
- Julien Verdier : le musicien
- Léon Walther : le critique comte Amadeo
- René Brun
- Jackie Sardou (née Rollin)
- Dominique Marcas
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