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samedi 14 décembre 2024

11.80 - LE ROMAN DE JIM DE ARNAUD ET JEAN MARIE LARRIEU (2024)


Vu le film Le Roman de Jim de Arnaud et Jean Marie Larrieu (2024) avec Karim Leklou Laetitia Dosch Sara Giraudeau Andranic Manet Bertrand Belin Sara Forestier Noée Abita Eol Personne

Aymeric, le beau-père de Jim, a rencontré Florence, sa mère, alors qu'elle était enceinte de six mois. Tous les trois mènent une vie heureuse dans le Jura jusqu'à ce que le père biologique, Christophe, revienne à la suite d'une tragédie personnelle. Aymeric ne trouve plus sa place et, éloigné de l'enfant, il décide de partir faire sa vie ailleurs. Mais des années plus tard, Jim, 23 ans, frappe à sa porte.

Le Roman de Jim, des frères Larrieu, s’inscrit dans leur cinéma singulier, à la fois contemplatif et intimiste, qui explore les relations humaines dans toute leur complexité. Contrairement à des cinéastes comme Ladj Ly ou Rodrigo Sorogoyen, adeptes de l’urgence et de la tension, les Larrieu prennent le temps de dérouler une histoire ancrée dans les paysages et les émotions, offrant ici un portrait à la fois poétique et rugueux d’une France rurale.

 

Le film raconte l’histoire d’un ménage à trois atypique, ou plutôt d’un "trouple", terme plus contemporain, entre Jim (Karim Leklou), un homme taciturne, un second personnage masculin plus expansif et toxique, et une femme dont les désirs oscillent entre passion et rejet. Ce triangle amoureux devient rapidement une réflexion plus vaste sur l’amour, le compromis, et les limites que chacun pose ou franchit. À travers Jim, le récit s’attarde sur les silences, les gestes retenus, et cette difficulté qu’ont certains hommes à exprimer leurs émotions autrement que par le biais de la nature environnante ou d’un travail manuel éreintant.

 

Le décor, une campagne française isolée et quasi intemporelle, devient un personnage à part entière. Les arbres, les champs, les rivières : tout semble murmurer les pensées des protagonistes, renforçant ce sentiment d’isolement et de tension. Les Larrieu, fidèles à leur esthétique, magnifient ces paysages tout en les contrastant avec les drames intérieurs de leurs personnages. Il en résulte une atmosphère à la fois paisible et lourde, où chaque plan semble nous rappeler que l’harmonie est toujours fragile.

 

Karim Leklou, acteur caméléon et fascinant, est une fois de plus impérial. Son Jim est un homme de peu de mots, mais d’une intensité sourde, un être dont la douleur et les contradictions s’expriment davantage par des regards ou des silences que par des dialogues. Face à lui, les autres personnages – notamment le rival, charismatique mais destructeur – jouent sur des dynamiques de pouvoir et de désir qui alimentent la tension dramatique. Leklou donne au film une profondeur émotive qui transcende le simple récit d’une relation à trois pour en faire une méditation sur l’introspection masculine.

 

Mais Le Roman de Jim ne se limite pas à une histoire d’amour. Les Larrieu y tissent une réflexion plus vaste sur la famille, le poids des secrets, et les distances – physiques ou émotionnelles – qui se creusent avec le temps. Ces thèmes, abordés sans artifices ni effets mélodramatiques, trouvent un écho dans les relations périphériques du film, notamment avec la famille de Jim. Chaque mensonge ou omission résonne dans l’espace rural comme une vérité difficile à ignorer.

 

Si le film prend le risque de se perdre parfois dans sa lenteur, c’est pour mieux capter les nuances de ses personnages et les subtilités des relations humaines. Le Roman de Jim est une œuvre à la fois sobre et puissante, portée par une mise en scène soignée et un casting irréprochable. Les frères Larrieu signent ici un film qui, sous des airs d’épure, regorge de complexité et d’émotions enfouies. Une œuvre qui, pour peu qu’on accepte son rythme, résonne longtemps après la fin. 

NOTE : 11.80

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