Vu le film Le Roman de Jim de Arnaud et Jean Marie Larrieu (2024) avec Karim Leklou Laetitia Dosch Sara Giraudeau Andranic Manet Bertrand Belin Sara Forestier Noée Abita Eol Personne
Aymeric, le beau-père de Jim, a
rencontré Florence, sa mère, alors qu'elle était enceinte de six mois. Tous les
trois mènent une vie heureuse dans le Jura jusqu'à ce que le père biologique,
Christophe, revienne à la suite d'une tragédie personnelle. Aymeric ne trouve
plus sa place et, éloigné de l'enfant, il décide de partir faire sa vie
ailleurs. Mais des années plus tard, Jim, 23 ans, frappe à sa porte.
Le Roman de Jim, des frères
Larrieu, s’inscrit dans leur cinéma singulier, à la fois contemplatif et
intimiste, qui explore les relations humaines dans toute leur complexité.
Contrairement à des cinéastes comme Ladj Ly ou Rodrigo Sorogoyen, adeptes de l’urgence
et de la tension, les Larrieu prennent le temps de dérouler une histoire ancrée
dans les paysages et les émotions, offrant ici un portrait à la fois poétique
et rugueux d’une France rurale.
Le film raconte l’histoire d’un
ménage à trois atypique, ou plutôt d’un "trouple", terme plus
contemporain, entre Jim (Karim Leklou), un homme taciturne, un second
personnage masculin plus expansif et toxique, et une femme dont les désirs
oscillent entre passion et rejet. Ce triangle amoureux devient rapidement une
réflexion plus vaste sur l’amour, le compromis, et les limites que chacun pose
ou franchit. À travers Jim, le récit s’attarde sur les silences, les gestes
retenus, et cette difficulté qu’ont certains hommes à exprimer leurs émotions
autrement que par le biais de la nature environnante ou d’un travail manuel
éreintant.
Le décor, une campagne française
isolée et quasi intemporelle, devient un personnage à part entière. Les arbres,
les champs, les rivières : tout semble murmurer les pensées des protagonistes,
renforçant ce sentiment d’isolement et de tension. Les Larrieu, fidèles à leur
esthétique, magnifient ces paysages tout en les contrastant avec les drames
intérieurs de leurs personnages. Il en résulte une atmosphère à la fois
paisible et lourde, où chaque plan semble nous rappeler que l’harmonie est
toujours fragile.
Karim Leklou, acteur caméléon et
fascinant, est une fois de plus impérial. Son Jim est un homme de peu de mots,
mais d’une intensité sourde, un être dont la douleur et les contradictions
s’expriment davantage par des regards ou des silences que par des dialogues.
Face à lui, les autres personnages – notamment le rival, charismatique mais
destructeur – jouent sur des dynamiques de pouvoir et de désir qui alimentent
la tension dramatique. Leklou donne au film une profondeur émotive qui
transcende le simple récit d’une relation à trois pour en faire une méditation
sur l’introspection masculine.
Mais Le Roman de Jim ne se
limite pas à une histoire d’amour. Les Larrieu y tissent une réflexion plus
vaste sur la famille, le poids des secrets, et les distances – physiques ou
émotionnelles – qui se creusent avec le temps. Ces thèmes, abordés sans artifices
ni effets mélodramatiques, trouvent un écho dans les relations périphériques du
film, notamment avec la famille de Jim. Chaque mensonge ou omission résonne
dans l’espace rural comme une vérité difficile à ignorer.
Si le film prend le risque de se perdre parfois dans sa lenteur, c’est pour mieux capter les nuances de ses personnages et les subtilités des relations humaines. Le Roman de Jim est une œuvre à la fois sobre et puissante, portée par une mise en scène soignée et un casting irréprochable. Les frères Larrieu signent ici un film qui, sous des airs d’épure, regorge de complexité et d’émotions enfouies. Une œuvre qui, pour peu qu’on accepte son rythme, résonne longtemps après la fin.
NOTE : 11.80
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Arnaud et Jean-Marie Larrieu
- Scénario : Arnaud et Jean-Marie Larrieu, d'après le roman éponyme de Pierric Bailly3
- Musique : Bertrand Belin et Shane Copin (musique électronique)
- Décors : Brigitte Brassard
- Costumes : Judith de Luze
- Photographie : Irina Lubtchansky
- Son : Olivier Mauvezin (ingénieur) et Margot Testemale (montage)
- Montage : Annette Dutertre
- Production : Kevin Chneiweiss
- Sociétés de production : SBS Productions, en coproduction avec Arte France Cinéma, en association avec la SOFICA Entourage 2
- Sociétés de distribution : Pyramide Distribution ; JMH Distributions SA (Suisse romande), K-Films Amérique (Québec), Paradiso Entertainment (Belgique)
- Karim Leklou : Aymeric
- Lætitia Dosch : Florence, dite Flo
- Sara Giraudeau : Olivia
- Bertrand Belin : Christophe
- Noée Abita : Aurélie
- Andranic Manet : Jim, 23 ans
- Eol Personne : Jim, 7 et 10 ans
- Mireille Herbstmeyer : Monique, mère de Florence
- Suzanne de Baecque : Léa
- Sabrina Seyvecou : Cécile
- Robinson Stévenin :Titi
- Marguerite Machuel : Charlotte à 23 ans
- Omar Saad : le père d'Aymeric
- Christine Dory : la mère d'Aymeric
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire