Vu le film La Cuisine des Anges de Michael Curtiz (1955) avec Humphrey Bogart Peter Ustinov Aldo Ray Joan Bennett Leo G.Carroll Basil Rathborne Gloria Talbot John Baer
La veille de Noël 1885, à Cayenne.
Trois forçats évadés du bagne, Joseph, un faussaire, Albert, un meurtrier, et
Jules, un perceur de coffres, réussissent à se faire embaucher au Grand Bazar
tenu par Felix Ducotel. Ils ne tardent pas à découvrir que les affaires
marchent mal et que Ducotel redoute l'arrivée du propriétaire, André Trochard.
Celui-ci vient, en effet, examiner la comptabilité du magasin.
"La Cuisine des Anges" (We're No
Angels, 1955) de Michael Curtiz est une comédie charmante et singulière,
qui brille autant par son scénario léger et spirituel que par son casting
exceptionnel. Ce film se distingue particulièrement par son ton décalé et
l'occasion rare qu'il offre de voir Humphrey Bogart dans un registre plus léger
et comique, bien éloigné de ses rôles habituels de détective dur à cuire ou
d’anti-héros mélancolique.
L’histoire se déroule dans une
petite ville coloniale française, où trois évadés de prison – Joseph (Bogart),
Albert (Aldo Ray) et Jules (Peter Ustinov) – débarquent, à la recherche d’un
plan pour quitter l’île. Mais leur rencontre avec la famille Ducotel, des
commerçants honnêtes mais dépassés par les difficultés financières, va
bouleverser leurs intentions. De criminels endurcis, ils se transforment en
anges gardiens, usant de leurs talents peu orthodoxes pour sauver la boutique
familiale et trouver un prétendant digne de la jeune Amélie (Joan Bennett), la
fille de la maison.
Ce qui frappe immédiatement, c’est
l’atmosphère théâtrale du film. L’action est confinée principalement dans le
magasin et ses environs, avec des dialogues ciselés et un rythme très porté sur
le jeu des acteurs. Cette mise en scène minimaliste sert parfaitement l’humour
absurde et les quiproquos. Les trois protagonistes, malgré leurs passés de
voleurs et d'escrocs, suscitent une empathie immédiate par leur maladresse et
leur générosité inattendue. Les répliques fusent, oscillant entre sarcasme,
tendresse et un soupçon de cynisme, donnant au film une légèreté agréable.
Humphrey Bogart excelle dans ce
rôle atypique. En Joseph, il incarne un cerveau du crime au cœur finalement
tendre, montrant une facette plus décontractée et même burlesque de son talent.
Ce changement de registre est surprenant, mais Bogart s’y glisse avec aisance,
affichant un sens du timing comique subtil et une alchimie évidente avec ses
partenaires, notamment Peter Ustinov, dont le flegme britannique contraste
hilaramment avec le caractère plus rugueux de Bogart. Aldo Ray, avec son allure
de colosse au grand cœur, complète parfaitement ce trio improbable.
Le film est aussi une comédie
satirique. En toile de fond, Michael Curtiz critique subtilement l’hypocrisie
sociale et les fausses apparences. Les prisonniers, en dépit de leur statut de
criminels, incarnent une forme de pureté morale que les figures respectables de
la société, comme le tyrannique oncle André (Basil Rathbone), sont loin
d’avoir. Cet antagoniste cupide et prétentieux sert d’exutoire parfait à leurs
plans machiavéliques, qui mêlent humour noir et justice poétique.
Malgré ses qualités, "La
Cuisine des Anges" reste un divertissement modeste. Il n’a pas l’ambition
de révolutionner le genre ou de livrer une œuvre profonde, mais il le fait avec
une élégance certaine. Le film tire sa force de ses personnages attachants et
de son équilibre entre comédie de mœurs et burlesque. La morale bienveillante
qui en émane – parfois un peu naïve – n’est jamais lourde, et on s’amuse
sincèrement à suivre les stratagèmes des trois héros.
La conclusion, qui mêle romance et
humour légèrement absurde, est un clin d'œil au spectateur : Joseph, Albert et
Jules repartent, laissant derrière eux un chaos réparateur et une famille
transformée. Leur rôle d’anges improbables trouve tout son sens, et on quitte
le film avec le sourire
NOTE , 12.80
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Michael Curtiz
- Scénario : Ranald MacDougall et Albert Husson, d'après la pièce La Cuisine des anges (1952) de ce dernier
- Photographie : Loyal Griggs
- Musique : Friedrich Hollaender
- Production : Pat Duggan
- Société de production : Paramount Pictures
- Société de distribution : Paramount Pictures
- Humphrey Bogart (VF : Claude Péran) : Joseph
- Peter Ustinov (VF : Émile Duard) : Jules
- Aldo Ray (VF : Henry Charett) : Albert
- Joan Bennett (VF : Nicole Vervil) : Amélie Ducotel
- Basil Rathbone (VF : Marc Valbel) : André Trochard
- Leo G. Carroll (VF : Serge Nadaud) : Félix Ducotel
- Gloria Talbott (VF : Francette Vernillat) : Isabelle Ducotel
- John Baer : Paul Trochard
- Lea Penman : Mme Parole
- John Smith : Medical Officer Arnaud
- Louis Mercier : Celeste
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