Vu le film Le Trésor de la Sierra Madre de John Huston (1948) avec Humphrey Bogart Walter Huston Alfonso Bedoya Tim Holt Arturo Solo Rangel Barton MacLane Jacqueline Daya Manuel Donde Robert Blake
Mexique, 1925. Deux
aventuriers américains, Dobbs (Humphrey
Bogart) et Curtin (Tim Holt)
se rencontrent sur la grande place de Tampico.
Ils partent à la recherche d’or en compagnie d’un vieux prospecteur nommé
Howard (Walter Huston). Malgré les ennuis qu’il
pressent, le vieillard accepte tout de même de partir. De façon surprenante, le
vieux prospecteur s’avère extrêmement endurant, et sait surtout comment trouver
de l'or dans la très inaccessible Sierra Madre.
Les trois compagnons finissent par découvrir un petit
filon et c’est alors que la discorde s’installe entre eux. Avant même de
reprendre le chemin du retour à la civilisation, la « fièvre de
l’or » s’empare de Dobbs auquel a échu le tiers d’une petite fortune. Sa
crainte paranoïaque d’être roulé lui fait perdre d’abord sa confiance en ses
deux compagnons puis sa raison lorsqu’il tente de s’emparer de la totalité du
trésor, dont il se fait déposséder à son tour par les bandits auxquels le trio avait
réussi à échapper précédemment.
Le Trésor de la Sierra Madre de John Huston est un
monument du cinéma d’aventure, un modèle intemporel de ce qu’un récit
cinématographique bien ficelé peut offrir. Adapté du roman de B. Traven, ce
film de 1948 transcende son genre pour devenir une réflexion intemporelle sur
la nature humaine, la cupidité, et les relations de pouvoir.
L’histoire suit Fred C. Dobbs (interprété magistralement
par Humphrey Bogart), un vagabond désabusé, qui se joint à deux autres
chercheurs d’or, Curtin (Tim Holt) et Howard (Walter Huston, le père du
réalisateur, qui remporta un Oscar pour son rôle), dans une quête désespérée de
richesse dans les montagnes mexicaines. Si le film démarre comme une aventure
classique, avec ses décors magnifiques et ses scènes d’exploration périlleuse,
il s’enfonce progressivement dans les ténèbres psychologiques de ses personnages.
John Huston démontre une maîtrise exceptionnelle de la tension dramatique,
alternant habilement entre des moments d’action haletants et des scènes plus
introspectives, où les personnages révèlent leurs failles.
La mise en scène est tout simplement éblouissante. Huston
capte l’aridité et la rudesse des paysages mexicains avec une précision
documentaire, tout en insufflant une atmosphère presque mythique à l’ensemble.
Chaque plan semble chargé de sens, qu’il s’agisse d’un lever de soleil
impitoyable ou d’un regard empreint de suspicion. La bande sonore accentue
l’immersion, avec des silences oppressants souvent brisés par les sons du
désert ou les éclats de violence.
Ce qui distingue réellement Le Trésor de la Sierra Madre,
c’est l’humanité complexe et imparfaite des personnages. Bogart, ici à
contre-emploi, livre l’une de ses meilleures performances en incarnant Dobbs,
un homme consumé par la paranoïa et la cupidité. Son évolution, de camarade
pragmatique à un homme avide et dangereux, est fascinante et tragique à la
fois. Face à lui, Walter Huston brille en vieux prospecteur plein de sagesse,
offrant un contrepoint cynique mais attachant au pessimisme de Dobbs.
Le film explore avec une lucidité remarquable les
dilemmes moraux et les dynamiques de pouvoir inhérentes à la quête de richesse.
La cupidité, l’envie, la peur de trahison : tout cela est distillé avec une
clarté implacable, faisant de Le Trésor de la Sierra Madre un récit universel.
Il s’agit bien plus que d’un simple film d’aventure ; c’est une tragédie
humaine enracinée dans une critique sociale acerbe. L’or, métaphore d’une quête
illusoire de bonheur, finit par devenir un poison pour l’âme des protagonistes.
Huston réussit ici une alchimie rare : une
œuvre à la fois spectaculaire et profondément philosophique. Avec un scénario
solide (dont il est également l’auteur, récompensé par un Oscar), une mise en
scène à la fois rigoureuse et lyrique, et des performances inoubliables, Le
Trésor de la Sierra Madre s’impose comme un chef-d’œuvre incontournable du
cinéma d’aventure et du cinéma tout court. Un rappel poignant que les trésors
les plus recherchés peuvent parfois conduire à notre perte.
NOTE : 14.40
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : John Huston
- Scénario : John Huston, d'après le roman de B. Traven
- Production : Warner Bros.
- Musique : Max Steiner
- Photographie : Ted D. McCord
- Cadreur : Ellsworth Fredericks (non crédité)
- Direction artistique : John Hughes
- Décors de plateau : Fred M. MacLean
- Montage : Owen Marks
- Budget : 3,8 millions de dollars (estimation)
- Humphrey Bogart (VF : Claude Péran) : Fred C. Dobbs, dans la misère à Tampico
- Tim Holt (VF : Jean Davy) : Curtin, son compagnon d'infortune
- Walter Huston (le père du réalisateur) (VF : Camille Guérini) : Howard, vieux baroudeur malicieux
- Alfonso Bedoya : « Gold Hat », le chef des bandits mexicains
- Barton MacLane (VF : François Destac) : Pat McCormick, le chef de chantier escroc
- Bruce Bennett (VF : Raymond Loyer) : James Cody
- Robert Blake : le petit garçon qui vend les billets de loterie
- John Huston (VF : Paul Lalloz) : le riche américain au complet blanc
- Arturo Soto Rangel : le président
- Jack Holt (non crédité) : un clochard de l'asile de nuit (a flophouse bum)
- Manuel Dondé (VF : Serge Nadaud) : El Jefe
- José Torvay : Pablo
- Margarito Luna : Pancho
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