Vu le film Plus Dure sera la Chute de Mark Robson (1956) avec Humphrey Bogart Rod Steiger Mike Lane Jan Sterling Max Baer Herbie Faye Edward Andrews Nehemiah Persof Felice Orlandi Jack Albertson
Eddie Willis, journaliste sportif au chômage, accepte
l'offre de Benko, un manager de boxe corrompu,
pour monter une combine qui les rendra riches. Ils profitent de la naïveté de
Toro Moreno, un boxeur lourd et pataud, pour abuser du public auquel ils le
présentent comme une force de la nature. Match après match, Toro écrase ses
adversaires et gagne la sympathie du public qui, comme lui, ignore que chaque
rencontre est truquée. Après avoir accepté toutes les compromissions, Eddie
finira par écrire un article sur le racket dans
le milieu de la boxe.
Avec Plus Dure sera la Chute, Mark Robson livre un
film noir puissant et cynique qui transcende le simple drame sportif pour
devenir une réflexion amère sur les rouages de la corruption et de la
manipulation dans le monde de la boxe, mais aussi dans celui du journalisme.
Sorti en 1956, ce polar crépusculaire s’interroge sur les limites morales et
éthiques d’un système où l’ambition et l’argent priment sur toute autre
considération. Un thème d’autant plus percutant qu’il demeure tristement
pertinent dans le contexte actuel, où les médias et les institutions sont
souvent mis en cause pour leur manque de transparence et d’intégrité.
L’intrigue suit Eddie Willis (Humphrey Bogart, dans son
dernier rôle), un journaliste sportif désabusé recruté pour promouvoir un
boxeur naïf et sans talent, Toro Moreno, comme un futur champion. En réalité,
tout est truqué : Toro est destiné à perdre face à des adversaires corrompus
pour enrichir les promoteurs véreux. Mark Robson dépeint ce monde avec une
froideur clinique, transformant la boxe, habituellement glorifiée pour sa
noblesse et son héroïsme, en un théâtre sordide de mensonges et de trahisons. L’arène
devient une métaphore de la société elle-même, où les puissants exploitent les
faibles sans scrupule.
Humphrey Bogart livre une performance magistrale,
incarnant à la perfection un homme pris au piège de ses propres compromis.
Eddie Willis est un personnage complexe, oscillant entre cynisme et remords,
tiraillé entre sa conscience et son besoin de survie. Bogart, marqué par la
maladie, confère à son personnage une gravité et une vulnérabilité qui
renforcent l’impact émotionnel du film. Le face-à-face entre son
désenchantement et l’innocence pathétique de Toro Moreno est particulièrement
poignant, révélant l’inhumanité d’un système où les êtres humains ne sont que
des marchandises.
Robson excelle dans sa mise en scène, usant d’une
photographie en noir et blanc expressive pour accentuer l’atmosphère pesante et
sans espoir du récit. Les scènes de boxe, brutales et réalistes, contrastent
avec les moments d’introspection d’Eddie, renforçant l’idée d’un monde où tout
est façade, où l’illusion règne. Le rythme du film, lent mais inexorable,
reflète la descente aux enfers de ses protagonistes, tandis que le scénario,
adapté du roman de Budd Schulberg, ne ménage aucune issue morale ou rédemptrice.
L’un des aspects les plus marquants de Plus Dure sera
la Chute est son absence totale de complaisance. Il n’y a pas de héros, pas
de salut, pas de triomphe de la justice. C’est un film noir dans sa forme la
plus pure, où le cynisme n’est pas un effet de style mais une vérité crue sur
le monde. Mark Robson ne cherche pas à adoucir son propos, et le spectateur est
confronté à une réalité brutale : dans un univers où la quête du profit est la
seule règle, il n’y a pas de limite aux compromissions.
Plus Dure sera la Chute est une œuvre puissante et
dérangeante, un miroir sombre tendu à une société obsédée par le pouvoir et
l’argent. C’est un adieu poignant pour Humphrey Bogart, dont la prestation
habite le film d’un désespoir palpable. À la croisée du film noir et du drame
social, Mark Robson signe un classique intemporel, aussi pertinent en 2024
qu’il l’était en 1956. Noir, très noir, mais terriblement lucide.
NOTE ; 14.20
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Mark Robson
- Scénario : Philip Yordan d'après le roman de Budd Schulberg, The Harder They Fall (1947)
- Direction artistique : William Flannery
- Photographie : Burnett Guffey
- Son : John P. Livadary, Lambert Day
- Montage : Jerome Thoms
- Musique : Hugo Friedhofer
- Production : Philip Yordan
- Société de production : Columbia Pictures Corp.
- Sociétés de distribution : Columbia Pictures Corp., Sony Pictures Television
- Pays d’origine : États-Unis
- Humphrey Bogart (VF : Claude Péran) : Eddie Willis
- Rod Steiger (VF : Jacques Erwin) : Nick Benko
- Nehemiah Persoff (VF : Marc Cassot) : Leo
- Mike Lane (en) (VF : Jean Amadou) : Toro Moreno
- Jan Sterling (VF : Jacqueline Porel) : Beth Willis
- Max Baer (VF : Serge Nadaud) : Buddy Brannan
- Jersey Joe Walcott (VF : Georges Aminel) : George
- Edward Andrews (VF : Lucien Bryonne) : Jim Weyerhause
- Harold J. Stone (VF : Louis Arbessier) : Art Leavitt
Acteurs non crédités :
- Val Avery (VF : Jean Violette) : Frank
- Patricia Dane : Shirley
- Frank Hagney : Arbitre
- Peter Leeds (VF : (Émile Duard) : Speaker de ring Dundee
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