Vu le film Anora de Sean Baker (2024) avec Mikey Madison Youri Borrisov Mark Eydelshteyn Karren Karagulian Ivy Wolk Vache Tovmasyan Luna Sofia Miranda Alena Gurevich Alexeï Serebriakov Paul Weissman
Anora
« Ani » Mikheeva est une jeune strip-teaseuse vivant à Brighton
Beach, un quartier
russophone de Brooklyn.
Bien qu'elle soit douée dans son travail, Ani est insatisfaite de sa vie et
cherche une issue.
Ani est
la seule stripteaseuse du club chic de Manhattan dans lequel elle travaille
à parler russe. Son patron lui présente Ivan « Vanya » Zakharov, le
fils dissolu et immature d'un riche oligarque russe. Vanya est apparemment en
Amérique pour étudier, mais il préfère faire la fête et jouer à des jeux vidéo
dans le manoir familial de Brooklyn. Ses parents paient son parrain Toros et
ses hommes de main Garnick et Igor pour le surveiller et nettoyer ses dégâts.
Anora, réalisé par Sean Baker,
s’inscrit malheureusement dans la catégorie des films où l’ambition semble
surpasser la cohérence et la maîtrise narrative. Bien que Baker soit connu pour
son cinéma immersif et audacieux (Tangerine, The Florida Project),
ici, il s’égare dans une œuvre brouillonne et maladroite qui peine à captiver
ou à justifier son existence. Si certains y verront une tentative de critique
sociale ou de satire, le résultat final ressemble davantage à un fouillis
indigeste, rappelant les excès de certains projets cinématographiques plus
préoccupés par leur style que par leur substance.
Le film
débute sur une longue scène de sexe entre Ani (Anora), une prostituée vénale
interprétée sans grande nuance, et Ivan, le fils d’un oligarque russe désabusé.
Ce choix d’ouverture, censé poser les bases de leur relation et de la vacuité
de leur existence, s’éternise au point d’épuiser le spectateur dès les
premières minutes. Si le cinéma peut explorer l’intimité et la complexité des
relations humaines, ici, tout semble gratuit et voyeuriste, sans apporter de
réelle profondeur au récit.
La
suite du film s’embourbe dans des intrigues chaotiques impliquant la mafia
russe, un garde du corps prénommé Igor, et des échanges interminables qui
diluent toute tension dramatique. Plutôt que de construire une narration
solide, Baker semble multiplier les sous-intrigues et les digressions, comme
s’il hésitait entre plusieurs genres – satire sociale, thriller mafieux, ou
comédie noire – sans jamais en maîtriser aucun.
La mise
en scène, habituellement un point fort chez Sean Baker, déçoit ici
profondément. La caméra, constamment en mouvement, finit par donner le vertige,
ajoutant une dimension chaotique à un récit déjà confus. Si cette approche
hyperréaliste fonctionne parfois pour capter l’énergie brute d’un moment, ici,
elle semble simplement mal calibrée, rendant les scènes non seulement
difficiles à suivre, mais aussi désagréables à regarder.
Quant à
la bande originale, elle est une véritable agression sonore. Les choix
musicaux, apparemment destinés à renforcer l’atmosphère oppressante du film, ne
font qu’ajouter à l’inconfort général. Plutôt que de compléter l’expérience
narrative, la musique amplifie le sentiment d’un travail bâclé et maladroit.
Les
personnages, bien que dotés d’un certain potentiel dramatique, sont mal
exploités. Ani, censée être au centre de l’histoire, n’est jamais véritablement
développée au-delà de son rôle de prostituée vénale. Son parcours manque de
nuances et d’émotion, ce qui rend difficile toute connexion avec elle. Ivan,
interprété par Mark Eydelshteyn, est le seul personnage qui parvient à se
démarquer, grâce à des scènes où il frôle la folie, notamment au tribunal. Sa
performance excentrique est une bouffée d’air frais dans un film autrement
terne, mais elle ne suffit pas à sauver l’ensemble.
Quelques
fulgurances, ici ou là, rappellent que Baker est capable d’instants de grâce et
de vérité. Une scène dans une ruelle sombre, par exemple, où Igor et Ani
échangent des regards chargés d’ambiguïté, aurait pu devenir un moment clé du
film si elle avait été mieux exploitée. Mais ces éclats sont noyés dans un
océan de longueurs inutiles et de clichés, rendant l’expérience globale
frustrante.
Au
final, Anora donne l’impression d’un film qui se veut audacieux et
subversif, mais qui tombe dans ses propres pièges. C’est long, répétitif, et
souvent vulgaire, sans jamais offrir de réflexion profonde ou d’émotion
authentique. Seule la performance de Mark Eydelshteyn apporte un peu de relief
à ce naufrage, avec des moments où son personnage dépasse la caricature pour
devenir un être humain fascinant dans sa folie.
Anora
est une déception majeure, un exemple de cinéma qui confond provocation et
narration, chaos et créativité. Si vous cherchez une critique sociale
percutante ou un portrait émouvant de personnages marginaux, passez votre
chemin : ici, ce sont les aspirines qui sont de rigueur.
NOTE : 13.10
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation et scénario : Sean Baker
- Musique : Matthew Hearon-Smith
- Direction artistique : Ryan Scott Fitzgerald
- Décors : Stephen Phelps
- Costumes : Jocelyn Pierce
- Photographie : Drew Daniels
- Montage : Sean Baker
- Casting : Sean Baker
- Production : Sean Baker, Alex Coco et Samantha Quan
- Production déléguée : Ken Meyer
- Sociétés de production : Cre Film et FilmNation Entertainment
- Sociétés de distribution : Neon (États-Unis) ; Le Pacte (France)
- Pays de production : États-Unis
- Mikey Madison (VF : Juliette Allain ; VQ : Geneviève Bédard) : Anora « Ani » Mikheeva
- Mark Eydelshteyn (en) (VF : Vladislav Botnaru) : Ivan « Vanya » Zakharov
- Youri Borissov (VF : Yuriy Zavalnyouk) : Igor
- Karren Karagulian (VF : Serge Avédikian) : Toros
- Vache Tovmasyan (en) (VF : Hovnatan Avédikian) : Garnyck
- Ivy Wolk (en) (VF : Louise Orry-Diquéro) : Crystal
- Luna Sofía Miranda : Lulu
- Alena Gurevich : Clara
- Alexeï Serebriakov : Nikolai Zakharov
- Darya Ekamasova (en) (VF : Dinara Droukarova) : Galina Zakharov
- Lindsey Normington (en) (VF : Léna Tournier) : Diamond
- Paul Weissman : Nick
- Vincent Radwinsky (VF : Guillaume Pottier) : Jimmy
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire