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lundi 4 août 2025

9.80 - MON AVIS SUR LE FILM L'HOMME DU JOUR DE JULIEN DUVIVIER (1937)


 Vu le Film L’Homme du Jour de Julien Duvivier (1937) avec Maurice Chevalier Elvire Popesco Josette Day Marcelle Géniat Marguerite Deval André Alerme Jean Wiener Henri Crémieux 

Avec son amie Suzanne, Alfred Boulard rêve de music-hall et de succès. Il passe une audition dans l'indifférence et retourne à son quotidien : sa pension de famille, l'hôpital où il est électricien. Le hasard veut qu'il sauve la grande comédienne Mona Thalia en lui donnant son sang. Pour les journaux où s'étale sa photo, il devient. Éperdue de reconnaissance tapageuse, Mona veut aider Alfred, qu'elle trouve beau garçon, et en faire un tragédien. 

Parmi les œuvres moins souvent citées de Julien Duvivier, L’Homme du jour mérite pourtant une attention particulière, non seulement pour ce qu’il raconte, mais pour la façon dont il l’inscrit dans le style du cinéaste. Connu pour ses films sombres et pour sa façon très lucide – parfois désabusée – de croquer la société (La Belle Équipe, Pépé le Moko, Panique…), Duvivier signe ici une comédie policière en apparence légère, emmenée par un Maurice Chevalier pétulant, mais qui glisse peu à peu vers la fable amère. Sous les oripeaux du divertissement populaire se cache une satire de la célébrité, du pouvoir des médias naissants et de l’ingratitude humaine. 

Le récit commence dans la veine la plus souriante : Alfred Boulard (Maurice Chevalier), un modeste électricien, bon vivant, optimiste, toujours prompt à chanter une ritournelle, sauve d’un attentat une grande tragédienne de théâtre, Mona Thalia, incarnée par la superbe et hautaine Elvire Popesco. En remerciement, l’actrice capricieuse décide de faire d’Alfred « l’homme du jour » — elle le propulse sur le devant de la scène, l’invite dans les salons, le fait acclamer comme un héros. 

Mais très vite, ce conte de fées social tourne à la parabole ironique. Car la célébrité que reçoit Alfred n’est fondée que sur un geste accidentel, magnifié à outrance par la presse et l’opinion. Il devient une figure publique malgré lui, manipulé par ceux qui l’entourent. Mona Thalia, en quête de publicité autant que de reconnaissance, se sert d’Alfred comme d’un accessoire. Son entourage, guindé, hypocrite, regarde avec condescendance ce « héros du peuple ». Sa fiancée d’origine, Suzanne  (jouée par Josette Day), simple et sincère, se retrouve dépassée par cette ascension sociale aussi brutale qu’artificielle. 

Le génie de Duvivier réside dans ce glissement de ton. Ce qui commence comme une comédie sociale chantée devient progressivement un regard désabusé sur les mécanismes de la gloire et les illusions du vedettariat. Il ne s’agit pas d’un drame, certes, mais la satire est bien là, toujours adoucie par la gouaille de Chevalier, mais présente. Le film montre que la reconnaissance médiatique peut être éphémère, vide de sens, et surtout détachée de toute forme de mérite réel. La notoriété, pour Duvivier, est une construction, et ceux qui la convoitent ou s’en repaissent finissent souvent par tomber de haut. 

Dans une scène particulièrement savoureuse — et aussi assez avant-gardiste dans sa conception — Alfred rencontre… Maurice Chevalier lui-même, dans un jeu de double où le personnage du film croise son propre interprète. L’échange, teinté d’humour méta, permet à Duvivier de faire passer un message clair sur la valeur de l’humilité, du travail discret et de l’identité personnelle face au masque public. Ce n’est pas un simple gag : c’est la clef de voûte morale du film, la réponse à l’ivresse de reconnaissance que le protagoniste a cru pouvoir dompter. 

Le film est également un écrin musical pour Chevalier, qui y interprète plusieurs chansons, dont la célèbre « Ma Pomme », hymne à la modestie et à l’auto-dérision. Sa façon de s’adresser à la caméra, son phrasé gouailleur, ses sourires en coin, sa canne et son chapeau complètent l’image d’un homme du peuple propulsé dans une farce sociale dont il ne maîtrise pas les règles. Chevalier est ici dans son élément, à la fois acteur, chanteur et personnage public, mais c’est la direction de Duvivier qui donne à ce numéro une double lecture. 

Visuellement, le film reste élégant, avec des décors de théâtre et de salons bourgeois très bien rendus, un contraste marqué entre les lieux de la célébrité et les zones populaires d’où vient 

Julien Duvivier, comme toujours, soigne son cadre, ses transitions, et dirige ses acteurs avec précision. 

NOTE : 9.80

FICHE TECHNIQUE


DISTRIBUTION

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