Vu le film Police de Maurice Pialat (1985) avec Gérard Depardieu Richard Anconina Sophie Marceau Sandrine Bonnaire Pascale Rocard Frank Karoui Jonathan Leina Artus de Penguern Yann Dedet
Mangin (Gérard Depardieu), un flic à la fois brutal et honnête, misogyne et sensible, voit sa vie bouleversée par sa rencontre avec Noria (Sophie Marceau), ex-petite amie d'un trafiquant de drogue incarcéré. Leur histoire d'amour insolite est axée autour du trafic de drogue dans le quartier de Belleville à Paris. Après avoir volé l'argent de son clan, Noria est en danger.
Police (1985) de Maurice Pialat, c’est un peu comme si deux plaques tectoniques du cinéma français entraient en collision : d’un côté le bloc Depardieu, massif, brut, instinctif ; de l’autre le bloc Pialat, intransigeant, imprévisible, volcanique. Le choc, inévitable, produit un film singulier dans la carrière du cinéaste : un polar, oui, mais surtout une plongée dans ce commissariat parisien où se croisent des trajectoires humaines qui n’ont rien de fictif.
Le pitch est simple en apparence : Mangin (Depardieu), flic désabusé mais pas encore complètement usé, traîne ses bottes dans une brigade où les interrogatoires sont aussi rudes que les cafés avalés en rafale. On y amène des détenus par grappes, souvent des immigrés maghrébins embarqués dans des trafics. C’est une gare de triage humaine : les uns ne font que passer, les autres — les flics — y vivent à perpétuité. Mangin, lui, observe, triche parfois avec la règle, joue de son charisme brutal. Et c’est là que débarque Noria (Sophie Marceau), jeune femme liée à un trafiquant. Entre eux, naît une relation bizarre, mi-passionnelle, mi-autodestructrice. Autour gravitent Lambert (Richard Anconina), petit voyou nerveux, Simon (Jonathan Leïna) et Marie (Pascale Rocard), chacun avec leurs ambiguïtés, leurs failles, leurs illusions de liberté.
La première partie, en huis clos de commissariat, est une petite merveille d’observation. Pialat filme comme personne la routine des interrogatoires, les petites lâchetés, les coups de gueule, l’humanité qui perce au détour d’une phrase, la violence banale. On sent la vérité, au point d’avoir l’impression que la caméra a juste été posée dans un vrai commissariat un soir de garde à vue. Depardieu y est parfait : il joue Mangin comme s’il l’avait toujours été, avec son mélange de force tranquille et d’autorité bourrue.
Mais voilà, dès qu’on sort du commissariat, ça patine. L’histoire d’amour entre Mangin et Noria paraît plaquée, presque artificielle. Sophie Marceau, pourtant magnétique, semble à couteaux tirés avec la direction d’acteurs de Pialat : ça crie, ça surjoue, et derrière la fiction on devine le conflit du plateau. Anconina en fait des tonnes en petit voyou nerveux, comme s’il avait peur qu’on ne le voie pas à l’écran. Et l’écriture, elle, paraît bifurquer : on passe d’un naturalisme rugueux à une sorte de polar romanesque, qui perd l’équilibre trouvé dans le commissariat. On dirait deux films qui cohabitent sans se marier.
Ce déséquilibre fait de Police une œuvre paradoxale. D’un côté, c’est le Pialat le plus accessible, presque "grand public" — il y a une intrigue, une histoire d’amour, une star glamour (Marceau), un Depardieu au sommet. De l’autre, c’est typiquement du Pialat : sec, imprévisible, hérissé de contradictions, jamais là où on l’attend. On rit parfois malgré soi, tant certains dialogues claquent comme des gifles. Et on reste fasciné, même dans les scènes ratées, parce qu’on sent toujours l’électricité d’un tournage sous tension, les ego qui s’entrechoquent, les nerfs à vif.
Police n’est pas le polar parfait — loin de là. Mais il a cette force brute qui fait qu’on n’oublie pas Mangin et ses interrogatoires musclés, pas plus que les éclats de Marceau, trop intenses pour être vraiment contrôlés. C’est un film qui boîte, qui déborde, mais qui vit. Et c’est sans doute pour ça qu’il reste, malgré tous ses défauts, un des Pialat qu’on revoit avec le plus de plaisir.
NOTE : 13.10
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Maurice Pialat
- Assistants réalisateur : Bertrand Arthuys, Didier Creste, Jean-Luc Olivier et Michel Acerbo
- Scénario, adaptation et dialogues : Catherine Breillat, Sylvie Danton, Jacques Fieschi, Maurice Pialat, d'après une idée originale de Catherine Breillat.
- Directeur de la photographie : Luciano Tovoli
- Cadreur : Jacques Loiseleux
- Décors : Constantin Mejinski
- Costumes : Malika Brahim
- Montage : Yann Dedet
- Son : Bernard Aubouy et Laurent Poirier
- Mixage : François Musy et Hervé Le Roux
- Musique : Henryk Gorecki
- Production : Gaumont, TF1 Films Production
- Producteurs délégués : Emmanuel Schlumberger, Daniel Toscan du Plantier
- Directeur de production : Jean-Claude Bourlat
- Distribution : Gaumont
- Gérard Depardieu : Mangin
- Sophie Marceau : Noria
- Richard Anconina : Lambert
- Pascale Rocard : Marie Vedret
- Sandrine Bonnaire : Lydie
- Frank Karoui : René
- Jonathan Leïna : Simon
- Jacques Mathou : Gauthier
- Yann Dedet : Dédé
- Artus de Penguern : un inspecteur

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