Vu le film Le Grand Bidule de Raoul André (1967) avec Michel Serrault Jean Poiret Darry Cowl Francis Blanche Micheline Dax Anny Nelsen Clement Michu
Génial inventeur d'Europe centrale, Francis Gopek a conçu un nouveau type de carburant, puissant et peu coûteux, bref, fort intéressant. Le gouvernement français l'invite à venir à Paris pour y faire les dernières mises au point.
Raoul André fait partie de ces cinéastes français des années 50-60 qui ont alimenté sans relâche le répertoire des comédies dites « populaires », souvent tournées vite, pour remplir les salles de quartier. Le Grand Bidule s’inscrit en plein dans cette veine. Le film nous entraîne dans les mésaventures d’un savant d’Europe centrale, Gopek (Francis Blanche), invité à Paris afin de mettre au point une invention révolutionnaire : un carburant surpuissant qui pourrait bouleverser l’industrie pétrolière. On imagine alors une intrigue d’espionnage, un thriller comique sur fond de guerre froide et de rivalité industrielle. En réalité, Raoul André préfère enchaîner les gags approximatifs et les quiproquos de boulevard.
Le casting est pourtant solide. Outre Blanche, qui campe ce scientifique à la fois lunaire et mondain, on retrouve Jean Poiret (Verdier) et Michel Serrault (Pounet), encore loin de la reconnaissance que leur vaudra La Cage aux folles. Ils jouent ici en duo interchangeable, caricatures de bras cassés, dans une mécanique comique qui semble n’avoir d’autre but que de meubler. À leurs côtés, Darry Cowl, en attaché de cabinet ministériel, apporte un semblant de fantaisie : son débit saccadé et ses mines ahuries tirent parfois un sourire. Micheline Dax, dans le rôle de Lola, apporte une touche féminine mais sans réel développement scénaristique.
Tout est là pour une farce réjouissante… et pourtant, rien ne prend. Le film accumule les scènes molles, où les dialogues paraissent improvisés, où le rythme tombe à plat. La promesse d’une satire sur l’avidité des compagnies pétrolières et les dessous de la recherche scientifique tourne court, faute d’écriture. On ne garde en mémoire que quelques silhouettes d’acteurs connus, contraints d’animer une intrigue qui s’étire en longueur.
C’est précisément ce qui fait de Le Grand Bidule un nanar caractéristique. Pas un nanar savoureux, comme peuvent l’être certains délires assumés, mais un nanar ennuyeux, où la désinvolture l’emporte sur l’inventivité. Vous le dites justement : ici, c’est un festival de fumisterie. Ni Blanche, ni Poiret, ni Serrault ne parviennent à briller. Seul Darry Cowl, dans son rôle secondaire, parvient un instant à capter l’attention.
On sort du film avec une impression de vide. Pas de numéro d’acteur mémorable, pas de scène culte, pas même l’énergie joyeuse qui aurait pu sauver la farce. C’est de la comédie populaire dans ce qu’elle a de moins noble, comme une mécanique qui tourne à vide. Et pourtant, il y a ce paradoxe : on regarde Le Grand Bidule en connaissance de cause, avec ce plaisir coupable propre aux films ratés. On sait qu’on entre dans le royaume de Nanarland, et l’on accepte d’y rester, ne serait-ce que pour revoir, l’espace d’une heure trente, ces visages familiers de la comédie française.
Le Grand Bidule n’a rien d’un chef-d’œuvre, mais il reste un témoignage. Témoignage d’une époque où les acteurs, aussi talentueux soient-ils, vendaient volontiers leur art au plus offrant. Témoignage aussi d’un cinéma de consommation rapide, fait pour remplir un programme double, et dont le seul mérite aujourd’hui est de révéler, par contraste, à quel point ces comédiens pouvaient être brillants lorsqu’on leur donnait enfin un vrai texte.
NOTE : 5.80
FICHE TECHNIQUE
Réalisation : Raoul André Scénario et dialogues : Jacques Dreux et Guy Lionel Directeur de la photographie : Jean Tournier Son : Raymond Gauguier Musique : Darry Cowl Sociétés de production : "Productions Jacques Roitfeld" et "Greenwich Film Production" Producteur : Serge Silberman et Georges Roitfeld
DISTRIBUTION
- Francis Blanche : Gopek
- Jean Poiret : Verdier
- Michel Serrault : Pounet
- Darry Cowl : Barratier
- Micheline Dax : Lola
- François Cadet : Blackman
- Hubert de Lapparent : le consul
- Bernard Dhéran : Morrisson
- Jean Hébey : le ministre
- Anne Berry : Éliane
- Clément Michu : l'agent Baudry
- Henry Djanik : le président de Royal Benzine
- André Badin : le secrétaire du consul

Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire