Pages

dimanche 24 août 2025

7.10 - MON AVIS SUR LE FILM MEURTRIERES DE PATRICK GRANDPERRET (2006)

 


Vu le film Meurtrières de Patrick Grandperret (2006) avec Handge Kodja Celine Salette Gianni Giardinelli Anais de Courson Isabelle Caubère Karine Pinoteau  Shafik Ahmad  Marc Rioufol  

D’après une idée de Maurice Pialat d’après un fait divers 

Sorties d'un asile psychiatrique, Nina et Lizzy sont affamées et fauchées, elles sont prêtes à tout pour un repas et un bain. Elles vont faire de drôles de rencontres et s'attirer une foule de problèmes. 

Meurtrières (2006), réalisé par Patrick Grandperret à partir d’une idée laissée par Maurice Pialat, se présente comme une sorte de ballade noire autour d’un fait divers sordide. L’histoire suit Nina (Handge Kodja) et Céline (Céline Sallette), deux jeunes femmes en marge, sans attaches solides, qui se rencontrent par hasard et se reconnaissent dans une même détresse. Leur amitié immédiate, quasi fusionnelle, les entraîne dans une dérive de plus en plus violente, faite de petits larcins, de confrontations brutales et d’une fuite sans issue. Un duo de marginales perdues, comme une résonance tardive du Messidor d’Alain Tanner (1979), qui exploitait déjà le thème de deux jeunes femmes décidant de tourner le dos au monde pour suivre une route de liberté et de chaos. 

Mais là où Tanner proposait une dimension politique, utopique, ancrée dans l’esprit des années 70, Grandperret se contente de filmer la cavale sans horizon. Le film semble vidé de sa substance, comme s’il n’était que l’ombre du projet initial de Pialat. Ce qui aurait pu devenir un brûlot social, une radiographie âpre de la jeunesse perdue, tourne à une errance morne, construite de clichés et de tics visuels. On a l’impression que l’idée brute de Pialat a été reprise sans être vraiment aboutie : reste un scénario décousu, qui substitue au regard sociologique la simple juxtaposition de scènes violentes ou de moments d’exaltation hystérique. 

Votre remarque sur l’apparence des actrices est frappante. Grandperret choisit effectivement de mettre en avant le corps féminin, mais sans le moindre recul critique : Nina court en mini-jupe et décolleté, Céline erre en top satiné sans soutien-gorge, perchées sur des talons aiguilles improbables. Ce choix vestimentaire, loin de traduire une rébellion ou une revendication d’identité, ressemble plutôt à une mise en spectacle gratuite du corps féminin. Il en résulte une impression de superficialité : ce n’est pas l’errance tragique de deux héroïnes, mais la déclinaison paresseuse de fantasmes publicitaires. Là où Pialat savait filmer ses actrices avec une vérité nue, Grandperret glisse dans une complaisance esthétique : la caméra cherche le galbe, le décolleté, l’image glamour, plutôt que l’épaisseur humaine. 

Le voyage des deux jeunes femmes n’a pas non plus la cohérence dramatique qu’on attendrait. Leur cavale n’est ni politique, ni poétique, ni même véritablement tragique : elle se réduit à une succession de confrontations sans queue ni tête, comme si le film voulait singer une révolte sans jamais l’incarner. On en vient à se demander si ces héroïnes ne sont pas volontairement vidées de toute pensée : leur QI d’huître, les réduit à des silhouettes erratiques, incapables de dépasser le caprice ou l’impulsion immédiate. Difficile d’y voir autre chose qu’un mépris déguisé pour la jeunesse et, pire encore, pour les femmes. 

Ce qui frappe, c’est le décalage entre les ambitions revendiquées (un film « pialatien », rugueux, cru) et le résultat : un film sans âme, qui se drape dans la violence mais ne dit rien d’autre que le vide. Certains critiques ont voulu y voir une filiation avec les œuvres des années 70, pleines de bruit, de fureur et de révolte. Mais cette comparaison me paraît abusive : là où les films de l’époque portaient une colère sociale, Meurtrières ne propose qu’une ode à la vacuité. Il est le reflet exact de notre société contemporaine : le corps comme image, la révolte comme posture, la vacuité comme horizon. 

Il reste pourtant une échappée : Céline Salette. Son jeu, tout en intensité rentrée, sauve de nombreux passages du naufrage. Elle parvient à donner à son personnage une épaisseur tragique, une douleur sourde qui perce par instants, comme si elle portait sur ses épaules le poids du film entier. Elle seule incarne ce que le projet aurait pu devenir : une chronique bouleversante de deux vies fracassées par le désespoir social. 

Au final, Meurtrières est bien un film, mais un film raté : un medley de clichés sur « l’errance féminine », une caricature de révolte, une œuvre qui se croit dure mais n’est que creuse. Un projet inabouti, vidé de la force qu’aurait pu lui insuffler Pialat. Ce n’est pas un brûlot social, mais un constat d’échec : celui d’un cinéma qui confond provocation et profondeur, et qui réduit ses héroïnes à des images de pacotille. 

 NOTE : 7.10

FICHE TECHNIQUE


DISTRIBUTION

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire