Vu le film L’Homme à l’Imperméable de Julien Duvivier (1957) avec Fernandel Bernard Blier Judith Magre Jacques Duby Raoul Marco John McGiver Gaston Rey Jean Rigaux
Sur les conseils d'un ami, un musicien sans histoires fait la connaissance d'une jeune femme légère, Eva. Alors qu'il se rend chez elle, il fait la découverte de son cadavre. La jeune femme a été assassinée. Il va alors faire l'objet d'un chantage orchestré par le voisin de la victime.
Un homme seul, modeste, timoré. Un bassoniste (Fernandel) dans un orchestre parisien, que sa femme indisposée laisse un soir libre. Il en profite pour appeler une femme "légère", tout droit sortie d’un roman de gare : Suzy (Judith Magre). Elle l’invite chez elle. Mais à peine arrivé, il découvre son cadavre, assassiné dans la pièce voisine. Pris de panique, le musicien s’enfuit... sans savoir qu’il vient de se retrouver mêlé, bien malgré lui, à une sombre affaire criminelle. Et surtout, que l’assassin l’a vu. Dès lors, tout le film repose sur ce comique de fuite et de dissimulation. Mais à quel prix ?
Inspiré du roman noir « Partie fine » de James Hadley Chase, Julien Duvivier semble vouloir naviguer entre deux eaux : l’atmosphère trouble et feutrée du polar anglo-saxon, et la comédie de boulevard à la française. Le résultat est un film hybride, qui amuse parfois mais laisse un goût de rendez-vous manqué. On sent bien que Duvivier cherche ici un ton décalé, où l’absurde le dispute à l’angoisse, comme il avait su le faire avec brio dans La Fête à Henriette ou Panique. Mais cette fois-ci, la mécanique grince, et le scénario tient sur une feuille de papier… voire sur un emballage de Carambar.
Fernandel, en habitué des rôles de benêt, s’y donne à cœur joie… ou plutôt à grimace forcée. Il minaude, s’étonne, bredouille, lève les bras au ciel, mais on peine à y croire. Il surjoue un personnage que l’on connaît trop bien chez lui, à la frontière du ridicule. Or, dans ce registre entre polar et comédie noire, il aurait fallu plus de retenue, plus de nervosité, plus de second degré. Il n’est pas mauvais, il est tout simplement hors sujet. Duvivier, qui l’avait dirigé dans des œuvres bien plus réussies (La Fille du Diable, Don Camillo), ne parvient pas ici à canaliser son cabotinage.
Heureusement, le film a pour lui quelques atouts : Bernard Blier, excellent maitre chanteur et manipulateur, apporte une densité bienvenue. Il incarne un contrepoint réaliste au théâtre grotesque joué par Fernandel. Les seconds rôles sont solides. La mise en scène, toujours précise chez Duvivier, offre quelques très belles séquences nocturnes dans un Paris pluvieux, où les imperméables se confondent, et les silhouettes s’effacent. La musique de Jean Wiener installe une tension plutôt efficace, même si l’ambiance hésite constamment entre le burlesque et le film noir.
Mais la grande faiblesse du film, c’est son scénario bâclé, sans réelle tension dramatique, qui accumule les invraisemblances. On frôle parfois l’ennui, car les péripéties tournent en rond : un cadavre, puis un autre, puis encore un autre – « que de cadavres, que de cadavres… » –, et pourtant on rit, oui, mais jaune. Le spectateur finit par se demander si Duvivier croit vraiment à son intrigue, ou s’il la filme avec une ironie qu’il oublie de partager.
Le film ne manque pas de charme – celui des années 50, des pavés mouillés, des rideaux qui tremblent, des bars où l’on fume trop. Mais il manque de logique, de peps, d’ambition. Pour un réalisateur aussi doué et caméléon que Duvivier, capable de naviguer entre drame, comédie, film social et surréalisme, ce pastiche noir-cynique apparaît comme un exercice mineur, voire une commande alimentaire.
L’Homme à l’Imperméable n’est pas un ratage total, loin de là : il amuse, distrait, permet quelques éclats d’acteurs, mais n’atteint jamais la stature des grands Duvivier. Pour les amateurs de Fernandel en roue libre, c’est un rendez-vous connu. Pour les autres, mieux vaut revoir Panique, La Belle Équipe, ou Voici le temps des assassins.
Un Duvivier en imperméable ? Oui. Mais imperméable à l’émotion, au suspense et au génie.
NOTE : 8.50
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