Vu le Film Sois Belle et Tais-Toi de Marc Allegret (1958) avec Mylène Demongeot Henri Vidal Robert Dalban Alain Delon Darry Cowl Jean Paul Belmondo Béatrice Altariba François Darbon Roger Hanin Gabrielle Fontan
Virginie Dumaillet s'échappe pour la troisième fois de la maison de redressement et est poursuivie par la police. Une nuit, une bijouterie de la place Vendôme est cambriolée. Jean, jeune inspecteur de police, recherche les cambrioleurs et rencontre Virginie qu'il prend pour une complice de la bande, elle-même le prenant pour un caïd du milieu. Elle en tombe amoureuse. Apprenant la vérité, et bien que furieuse de s'être trompée, elle accepte Jean en mariage.
Sois belle et tais-toi est une curiosité savoureuse du cinéma français de la fin des années 50. Ce n’est ni un grand polar ni une œuvre marquante de son réalisateur, Marc Allégret, mais plutôt une comédie policière légère, pleine de visages prometteurs et de seconds rôles colorés. Sorti en 1958, le film s’inscrit dans cette veine d’après-guerre où le polar populaire se teinte volontiers de fantaisie et de dialogues vifs, dans la lignée de ce que la production française savait livrer pour séduire un large public.
L’intrigue, adaptée d’un roman d’André-Paul Antoine, tient plus du prétexte que du suspense véritable. Jean-Paul Belmondo et Alain Delon, encore loin de leur légende mais déjà porteurs de ce magnétisme qui les rendra incontournables)ils croisent la route d’une jeune mannequin, Lila (Mylène Demongeot), qui va se retrouver mêlée malgré elle à cette sombre histoire. Entre poursuites, interrogatoires improbables et séquences de charme, l’ensemble prend rapidement des allures de vaudeville policier, où l’action laisse souvent place à la comédie.
Le casting, à lui seul, vaut le détour. Belmondo, gouailleur, cabotin juste ce qu’il faut, semble déjà sortir du moule du “jeune premier” pour imposer son style naturel et canaille. Delon, au contraire, joue la carte du charme glacé : silhouette élancée, sourire en coin, regard perçant – il a déjà quelque chose d’un samouraï urbain, qui contraste agréablement avec l’énergie brute de son partenaire. Pourtant, la vraie vedette reste Mylène Demongeot. Remplaçant au pied levé Brigitte Bardot, elle se glisse dans le rôle avec une aisance confondante. Elle apporte fraîcheur, espièglerie et ce mélange de fragilité et de détermination qui évite à son personnage d’être un simple faire-valoir.
À leurs côtés, Henri Vidal impose sa stature d’homme d’action à l’ancienne, tandis que Darry Cowl, irrésistible en policier lunatique, multiplie les apartés absurdes qui désamorcent toute tension dramatique. Sa compagne à la ville, Béatrice Altariba, ajoute une touche de charme discret. Quant à Robert Dalban, fidèle à son image, il déploie son ton gouailleur et sa bonhommie habituelle, enrichissant encore la galerie de personnages secondaires.
Sur le plan de la mise en scène, Marc Allégret opte pour un rythme enlevé, mais sans réelle tension. Le polar, au sens strict, passe rapidement au second plan au profit d’un ton de comédie. Les facilités du scénario sont nombreuses : coïncidences énormes, rebondissements téléphonés, indices trouvés par miracle… Les ficelles s’apparentent régulièrement à des cordes, et le spectateur attentif sent bien que l’enquête n’est qu’un prétexte à aligner situations cocasses et répliques piquantes. La dernière demi-heure, moins inspirée, souffre d’un allongement artificiel : les scènes s’étirent, les dialogues perdent de leur verve, et l’on attend un dénouement qui tarde à arriver.
Visuellement, le film ne peut cacher ses moyens limités. Les décors sont simples, parfois presque dépouillés, donnant à certaines séquences une allure de théâtre filmé. Mais ce dépouillement, involontaire ou non, confère aussi un charme rétro : on y retrouve l’atmosphère des séries B françaises de l’époque, avec leurs studios modestes, leurs rues reconstituées et leur éclairage contrasté. C’est précisément ce parfum d’époque qui rend l’œuvre attachante aujourd’hui.
Si l’on met de côté ses faiblesses narratives et son absence d’ambition dramatique, Sois belle et tais-toi fonctionne comme un divertissement bon enfant. C’est un film qui, sans prétendre au chef-d’œuvre, a le mérite de réunir sur un même plateau des talents à l’aube de carrières phénoménales. Voir Belmondo et Delon dans leurs tout premiers rôles au cinéma, encore bruts mais déjà porteurs de leur légende à venir, procure une vraie jubilation pour les amateurs d’histoire du cinéma. Mylène Demongeot, quant à elle, prouve qu’elle n’a rien à envier aux icônes de son époque et que sa place dans le cinéma français n’est pas due au hasard.
En résumé, Sois belle et tais-toi n’est ni un polar haletant ni une comédie mémorable par son écriture, mais une charmante capsule temporelle. Un film où la légèreté l’emporte sur la rigueur, et dont le principal attrait réside dans son casting et son ambiance rétro. Loin d’être inoubliable, il laisse pourtant un sourire – celui de voir, côte à côte, des stars en devenir et des seconds rôles au sommet de leur art, réunis dans un petit divertissement qui fleure bon la fin des années 50.
NOTE : 12.10
DISTRIBUTION
- Réalisation : Marc Allégret
- Scénario : Marc Allégret, William Benjamin
- Adaptation : Marc Allégret, Gabriel Arout, William Benjamin, Odette Joyeux, Jean Marsan et Roger Vadim
- Dialogues : Jean Marsan
- Assistants-réalisateur : Pierre Boursans, Pascal Jardin, Claude Vital
- Musique : Jean Wiener
- Photographie : Armand Thirard, assisté de Robert Florent
- Opérateur : Louis Née
- Son : Robert Biard
- Décors : Auguste Capelier et Alexandre Trauner, assistés de Pierre Duquesne
- Ensemblier : Charles Méranger
- Costumes : Marc Doelnitz, Henri Vidal est habillé par André Bardot, Mylène Demongeot par Pierre Balmain, lingerie de Marie-Rose Lebigot
- Maquillages : Boris Karabanoff, assisté de Marcelle Testard
- Coiffures : Huguette Lalaurette
- Scooters Automatiques Manurhin
- Photographe de plateau : Raymond Voinquel
- Script-girl : Suzanne Durrenberger
- Montage : Suzanne de Troeye, assistée de Roger Cacheux
- Tournage : au
- Studios : Paris-Studios-Cinéma de Boulogne-Billancourt
- Producteur : Raymond Eger
- Société de production : Films EGE (Paris)
- Distribution : Les Films Corona
- Tirage : Laboratoire GTC de Joinville-le-Pont
- Mylène Demongeot : Virginie Dumayet
- Henri Vidal : l'inspecteur Jean Morel
- Béatrice Altariba : Olga Babitcheff
- Roger Hanin : Charlemagne, le voleur de bijoux
- Darry Cowl : l'inspecteur Jérôme, adjoint de Morel
- Jean-Paul Belmondo : Pierrot, un jeune de la bande d'Olga
- Alain Delon : Loulou, le petit ami d'Olga
- Robert Dalban : l'inspecteur principal Gotterat
- François Darbon : Gino, le bras droit de Charlemagne
- Robert Bazil : le patron de l'auberge
- Anne Collette : Prudence, la petite amie de Pierrot
- Gabrielle Fontan : la grand-mère de Jean
- René Lefèvre : Raphaël, le photographe receleur
- Jacques Seiler : un inspecteur
- André Thorent : le commissaire
- Charles Bouillaud : l'agent du commissariat
- Henri Coutet : le chauffeur du fourgon
- Lucien Desagneaux : un inspecteur
- Marcel Bernier : un inspecteur
- Nicole Jonesco : la serveuse au Zénith
- Roger Legris : le gardien du musée Grévin
- Bernard Musson : le secrétaire du commissaire
- Suzanne Nivette : la religieuse
- Louis Bugette : l'inspecteur qui vient arrêter Virginie au cirque
- André Philip : le directeur du cirque Fanni
- Jean Juillard : l'homme ivre du bistrot
- Jean Minisini : le chauffeur de Charlemagne

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