Vu le film Sissi Face à son Destin de Ernst Marischka (1957) avec Romy Schneider Magda Schneider Uta Franz KarlHeinz Bohm Vilma Degisher Gustav Knuth
Sissi prend à coeur ses fonctions d'Impératrice. Aussi, quand des révolutionnaires hongrois mécontents que leur pays soit rattaché à la Maison d'Autriche troublent la paix de l'Empire, réussit-elle à convaincre François-Joseph de faire le voyage jusqu'en Hongrie, une nation à laquelle Sissi est particulièrement attachée. Elle ignore encore qu'une ombre plane au-dessus de sa vie.
Ernst Marischka conclut sa célèbre trilogie consacrée à l’impératrice d’Autriche avec Sissi face à son destin (Sissi – Schicksalsjahre einer Kaiserin, 1957). Deux ans après le premier volet, le cycle s’achève avec une œuvre qui capitalise sur le triomphe des précédents films sans forcément réussir à renouveler son souffle narratif. On y retrouve bien sûr Romy Schneider, impériale dans le rôle-titre, Karlheinz Böhm en François-Joseph, Vilma Degischer en archiduchesse Sophie, Gustav Knuth en duc Max de Bavière, et Josef Meinrad en colonel Böckl, figure comique récurrente.
L’intrigue s’attarde cette fois sur les épreuves physiques et morales de l’impératrice. Après avoir mis en avant dans Sissi (1955) les débuts romantiques et dans Sissi impératrice (1956) l’apprentissage d’une vie de cour marquée par les contraintes, Marischka choisit d’explorer la fragilité de son héroïne. Le cœur du film repose sur la maladie de Sissi, frappée par une tuberculose menaçante. Envoyée en cure à Madère puis à Corfou, elle doit lutter pour retrouver sa vitalité. La dramaturgie est claire : sa jeunesse, son optimisme et l’amour de son époux sont les remèdes triomphants face à l’adversité. Cette vision idéalisée gomme une grande partie de la réalité historique mais correspond à la logique romanesque et sucrée de la trilogie.
Sur le plan politique, l’épure est flagrante. Alors que l’Europe des années 1860 est secouée par des tensions nationalistes, le scénario réduit les enjeux à la sympathie des Hongrois pour leur impératrice, notamment dans la séquence où elle rallie la cour de Pest par son charme et sa sensibilité. La fameuse scène de l’opéra, où l’on sent un véritable enjeu dramatique et politique, se détache par son intensité, mais reste isolée dans un récit qui préfère le mélo domestique aux grandes manœuvres diplomatiques. La Hongrie apparaît plus comme une toile de fond sentimentale qu’un véritable partenaire politique, ce qui amoindrit la portée historique du film.
Visuellement, la production garde tout son éclat. Les décors des palais, reconstitués avec soin, et les costumes royaux, somptueux et colorés, participent au plaisir du spectateur. Le film s’offre comme une véritable boîte à bijoux, un écrin scintillant où la photographie d’Ernst W. Kalinke sublime chaque plan. C’est précisément ce contraste entre l’emballage somptueux et le contenu parfois creux qui frappe. La « bonbonnière » est toujours présentable, mais l’histoire semble s’étirer. On retrouve avec plaisir les figures familières, les rencontres, les sourires, mais le récit se complaît dans la redite : les devoirs monarchiques, la lutte entre cœur et raison, et un pathos appuyé autour de la santé fragile de l’impératrice.
Romy Schneider reste évidemment la figure centrale. Elle est lumineuse, à la fois fragile et forte, et incarne une héroïne de conte de fées plus qu’une souveraine réelle. C’est à la fois la force et la limite de ce rôle : Schneider, icône instantanée, marquera toute une génération par cette image idéale de « Sissi », mais elle aura ensuite bien du mal à s’en détacher, cherchant toute sa carrière à rompre avec cette vision édulcorée. Karlheinz Böhm, en François-Joseph, incarne un empereur aimant mais souvent réduit à l’arrière-plan, simple époux attentionné, ce qui contribue à maintenir le film dans la sphère intime plutôt que dans la fresque historique.
À la sortie, le public se laisse séduire une nouvelle fois par le charme de l’ensemble. Le succès est considérable, mais l’usure est perceptible : l’histoire tourne en rond, les enjeux s’amenuisent, et le film s’enlise dans un mélo élégant mais convenu. Certes, la trilogie restera culte pour ses images idéalisées, ses fastes impériaux et le magnétisme de Romy Schneider. Mais ce troisième volet souffre de son ambition réduite : prolonger un triomphe au lieu de proposer un récit plus resserré et dramatique. On prend plaisir à revoir ces personnages, on se laisse envoûter par l’esthétique, mais l’émotion se dilue dans les longueurs.
Sissi face à son destin est un film charmant, somptueux d’apparence, mais affaibli par la redite et par une écriture qui sacrifie la richesse historique au profit d’un mélodrame appuyé. Il marque à la fois l’apothéose visuelle de la trilogie et son essoufflement narratif.
NOTE : 12.10
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Ernst Marischka
- Scénario : Ernst Marischka
- Photographie : Bruno Mondi
- Décors : Fritz Jüptner-Jonstorff
- Costumes : Gerdago et Franz Szivatz
- Musique : Anton Profes
- Producteur : Karl Ehrlich
- Distribution : SNC
- Pays d'origine : Autriche
- Romy Schneider (VF : Gilberte Aubry) : Impératrice Élisabeth dite « Sissi »
- Karlheinz Böhm (VF : Jean-Pierre Duclos) : François-Joseph dit Franz
- Magda Schneider (VF : Lita Recio) : La duchesse Ludovica en Bavière
- Gustav Knuth (VF : André Valmy) : Le duc Maximilien en Bavière
- Uta Franz (VF : Lily Baron) : La princesse Hélène en Bavière
- Walther Reyer (VF : René Arrieu) : Le comte Andrássy
- Vilma Degischer (VF : Lucienne Givry) : L'archiduchesse Sophie
- Erich Nikowitz (VF : Gérard Férat) : L'archiduc Franz-Karl
- Josef Meinrad (VF : Michel Roux) : Le colonel Böckl
- Hans Ziegler : Le conseiller Seeburger
- Senta Wengraf : La comtesse Bellegarde
- Helene Lauterböck : La comtesse Esterházy
- Sonia Sorel : Henriette Mendel
- Susanne von Almassy (VF : Paule Emanuele) : Comtesse Béatrice
- Peter Neusser : Le comte Batthyány, fils du comte Lajos Batthyány, révolutionnaire hongrois exécuté en 1849

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