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vendredi 15 août 2025

15.10 - MON AVIS SUR LE FILM LES ESPIONS DE HENRI GEORGES CLOUZOT (1957)


 Vu le Film Les Espions de Henri Georges Clouzot (1957) avec  Vera Clouzot Peter Ustinov Gérard Séty Curd Jurgens Daniel Emilfork Martita Hunt Sam Jaffe Louis Seigner Sacha Pitoef Fernand Sardou Clement Harari Jacques Dufilho Jean Brochard Patrick Dewaere 

Le docteur Malic est un psychiatre raté et le propriétaire d'une clinique lépreuse. En échange d'une grosse somme d'argent, il accepte d'héberger chez lui Alex, un agent secret. Mais cette arrivée va bouleverser la vie tranquille de la clinique, qui est alors étroitement surveillée par des espions. 

Les Espions de Henri-Georges Clouzot, sorti en 1957, n’est sans doute pas le titre qui vient immédiatement à l’esprit quand on évoque le cinéaste. Loin de ses grands films policiers ou de ses drames haletants, Clouzot signe ici un film d’espionnage atypique, presque entièrement en huis clos, qui joue moins sur l’action que sur l’atmosphère. Et quelle atmosphère : un mélange d’oppression, de mystère, et d’un malaise qui s’insinue dès les premières minutes. 

L’histoire est simple dans ses grandes lignes mais volontairement confuse dans ses détails : un médecin de province, le docteur Malic (Gérard Séty), accepte d’héberger un inconnu, Alex (Curd Jürgens), contre une importante somme d’argent. Très vite, sa clinique se remplit d’individus louches venus de tous horizons. Chacun prétend servir une cause, mais aucun ne révèle pour qui il travaille réellement. Alliés ou ennemis ? Même eux semblent l’ignorer. 

Ce décor fermé devient le théâtre d’une guerre froide miniature. On y croise une galerie de personnages marquants : Martita Hunt, en infirmière au sourire carnassier, avale chaque scène comme si elle dévorait ses partenaires. Peter Ustinov et Sam Jaffe ajoutent une étrangeté raffinée, et dans un coin, presque invisible, un enfant de dix ans : Patrick Dewaere, alors Patrick Maurin, dans un de ses tous premiers rôles. 

L’intrigue se déploie dans une logique presque kafkaïenne : on ne sait jamais où l’on est, qui dit vrai, ni ce qui est en jeu. Cette indécision contamine le spectateur autant que le héros, dont les réactions restent parfois insaisissables. Clouzot s’amuse à brouiller les pistes, refusant les codes limpides du genre pour plonger dans l’ambiguïté totale. 

La mise en scène exploite à merveille le décor unique : longs couloirs, pièces encombrées, recoins où l’on chuchote. Le noir et blanc renforce cette impression de claustrophobie. On a parfois l’impression que les murs se rapprochent, que l’air se charge d’électricité. Les visages, éclairés avec dureté, deviennent eux-mêmes des paysages de soupçon. 

On pense parfois, dans l’esprit, à Les Barbouzes de Lautner, mais sans l’humour délirant : ici, la férocité est sèche, sans échappatoire. Les dialogues, acérés, fonctionnent comme des coups d’épingle qui percent la politesse apparente. Chaque échange semble cacher un double sens. 

Le plaisir vient aussi du jeu des acteurs. Gérard Séty, rarement en tête d’affiche, tient solidement le rôle principal, mi-naïf, mi-lucide. Martita Hunt domine avec une présence théâtrale hypnotique. Curd Jürgens, massif et impassible, incarne l’énigme humaine. Chacun joue sa partition comme dans un concert où l’harmonie est impossible, et c’est de cette dissonance que naît la tension. 

Ce n’est pas un film de Clouzot qui se livre facilement. Il exige que l’on accepte de ne pas tout comprendre, de se perdre volontairement dans un réseau d’intentions contradictoires. Mais si l’on s’y abandonne, on y découvre un plaisir intellectuel rare : celui d’un cinéaste qui expérimente, qui joue avec les nerfs et l’imagination du spectateur. 

Les Espions n’a peut-être pas la célébrité des grands titres de Clouzot, mais il possède cette atmosphère poisseuse qui rend son cinéma inoubliable. Ici, rien n’est net, rien n’est sûr : le spectateur ressort avec plus de questions que de réponses, et c’est précisément ce qui en fait un objet unique. Comme souvent avec Clouzot, impossible de rester indifférent. 

NOTE : 15.10

FICHE TECHNIQUE

  • Réalisation : Henri-Georges Clouzot
  • Scénario : D'après le roman de Egon Hostovsky "Le vertige de minuit"
  • Adaptation et dialogues : Henri-Georges Clouzot, Jérôme Géronimi
  • Assistance réalisation : Michel Romanoff, Robert Ménégoz
  • Photographie : Christian Matras
  • Opérateur : Gilbert Chain
  • Musique : Georges Auric
  • Direction musicale : Jacques Météhen
  • Décors : René Renoux
  • Montage : Madeleine Gug
  • Son : William-Robert Sivel. assistant Maurice Rémy
  • Production : Henri-Georges Clouzot
  • Production associée : Georges Loureau
  • Sociétés de production : Filmsonor, Véra-Films, Prétoria-Films
  • Distribution : Cinédis
  • Pays d'origine : Drapeau de la France France | Drapeau de l'Italie Italie

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