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mardi 19 août 2025

7.90 - MON AVIS SUR LE FILM CLARA ET LES MECHANTS DE RAOUL NADRE (1958)


 Vu le film Clara et les Méchants, ou Bourreaux d'enfants (1958) avec Minou Drouet Jacqueline Joubert Jean Poiret Michel Serrault Pierre Destailles Jacques Morel Bernard Musson Barbara Hale Jean Degrave Yves Marie Maurin 

(Film tourné en 1957) 

Clara (Minou Drouet), fille d'un magnat du pétrole, ne voit jamais son père. Elle partage de rares moments d'intimité avec sa mère (Jacqueline Joubert), très occupée par les mondanités. Élevée par une nurse anglaise tyrannique, elle est enlevée un jour par des malfaiteurs (Pierre Destailles, Jacques Morel, Jean Poiret et Michel Serrault) qui demandent une rançon à ses parents. Clara a tôt fait de conquérir ses geôliers. 

On mesure parfois l’usure d’un film à sa capacité à traverser les décennies. Dans le cas de Bourreaux d’enfants, la constatation est implacable : ce long-métrage de Raoul André, tourné en 1957 et sorti en 1958, n’a pas résisté au temps. Présenté comme une comédie familiale, il repose presque entièrement sur une curiosité médiatique de l’époque : la participation de Minou Drouet, enfant-poète devenue phénomène national, qu’on exhibe ici comme héroïne de cinéma. 

L’intrigue est simple : Clara, fillette issue d’une famille aisée, vit sous la coupe d’une gouvernante anglaise autoritaire et d’une mère mondaine plus soucieuse de ses relations que de sa fille. Un jour, la petite est enlevée par une bande de truands maladroits, composée de quatre personnages hauts en couleur : La Commande (Pierre Destailles), Charlemagne (Jacques Morel), Parole (Michel Serrault) et Chanteur (Jean Poiret). Ces quatre pieds nickelés réclament une rançon, mais très vite, l’enfant impose sa présence, renverse les rapports de force et parvient à attendrir ses ravisseurs. 

Le matériau pouvait donner lieu à une satire piquante : l’innocence déjouant la cupidité, la critique de la superficialité adulte, et la mise en lumière de l’exploitation des enfants dans les médias. Pourtant, le film se réduit à une bluette sage, sans aspérité, où tout semble prévisible. La mise en scène de Raoul André, appliquée mais sans souffle, se contente d’aligner des séquences plates. Les cadrages sont convenus, les décors figés, et le montage, loin de créer du rythme, enchaîne les scènes comme des numéros juxtaposés. 

Le scénario d’Albert Husson, adapté d’un roman de Paul Vialar, se montre lui aussi bien terne. On y devine des intentions ironiques, mais elles s’éteignent au profit de bons sentiments. La tension dramatique s’évapore vite et l’on passe d’un pseudo suspense à une comédie familiale trop proprette. 

Reste alors le poids des acteurs. Minou Drouet est au centre de tout. Elle joue moins qu’elle n’existe : son aura d’enfant-prodige fait office de ressort narratif. Ses scènes tiennent davantage du numéro de récital que de la construction d’un personnage. Ce n’est pas de sa faute : elle n’est pas comédienne, et l’on sent bien que le film est conçu autour de sa notoriété plutôt que de son talent dramatique. 

Heureusement, l’œil du spectateur d’aujourd’hui s’attarde sur d’autres présences. Le duo Poiret-Serrault, encore au début de sa carrière, esquisse déjà cette complicité qui marquera l’histoire du théâtre et du cinéma comique. Leurs interventions, même limitées par le cadre étroit de l’intrigue, apportent un peu d’énergie et sauvent le film de l’ennui total. Jacques Morel et Pierre Destailles complètent la bande, avec leurs silhouettes bonhommes, sans réussir à élever le ton. On note aussi la présence d’Yves-Marie Maurin, jeune acteur qui deviendra plus tard une grande voix du doublage, ici encore plein de fraîcheur. 

La partie “bourgeoise” du récit, avec Jacqueline Joubert en mère distante et Barbara Hall en gouvernante tyrannique, reste trop caricaturale pour susciter l’émotion ou la critique sociale. Tout semble réduit à des figures d’appoint, quand il aurait fallu un vrai contrepoint au cabotinage des truands. 

En définitive, Bourreaux d’enfants n’est plus qu’un objet de curiosité. À l’époque, on pouvait s’émouvoir de voir Minou Drouet sur grand écran ; aujourd’hui, cette dimension publicitaire saute aux yeux et rend le film artificiel. Sa mise en scène sans invention, son scénario plat et son ton hésitant entre farce et bluette en font une œuvre qui a très mal vieilli. 

Et pourtant, malgré ses faiblesses, il conserve une petite valeur patrimoniale : témoin d’une époque où le cinéma français pouvait bâtir un projet entier sur la notoriété d’un enfant-phénomène, et trace précoce d’un duo comique (Poiret/Serrault) qui allait exploser plus tard. Mais pour le plaisir pur du cinéma, on restera sur sa faim : ce n’est pas une œuvre qu’on revisite, c’est un vestige que l’on consulte, un peu comme une photo jaunie dans un album de famille. 

NOTE : 7.90

FICHE TECHNIQUE


DISTRIBUTION


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