Vu le film Un Homme en Fuite de Baptiste Debraux (2024) avec Bastien Bouillon Léa Drucker Pierre Lottin Marion Barbeau Théo Navarro Mussy Anne Consigny Wim Willaert Eric Godon
Rochebrune est au bord du chaos. Johnny, leader du mouvement de protestation de la ville, a disparu après avoir braqué un fourgon. Lorsque Paul Ligre apprend la nouvelle, il quitte précipitamment Paris et revient dans la ville qui l'a vu grandir pour retrouver son ami d'enfance avant la police. Seulement, l'enquête d'Anna Radoszewski la mène inéluctablement vers le secret qui unit Paul et Johnny.
Baptiste Debraux signe avec Un Homme en Fuite un polar français qui s’inscrit parfaitement dans cette zone trouble où le cinéma hexagonal semble souvent s’égarer : quelque part entre le téléfilm calibré pour le prime-time de France Télévisions et une sortie en salles qui cherche à occuper l’espace laissé vacant par les grosses productions américaines. On retrouve immédiatement les codes devenus clichés : une policière hantée par son passé, une enquête qui la renvoie à ses propres blessures, un décor météorologique grisâtre fait de pluie battante et de brouillard omniprésent, comme si l’âme des personnages ne pouvait exister que sous un ciel plombé.
Claire, enquêtrice incarnée par Léa Drucker, enquête sur une disparition dans une petite ville et retrouve un ami d’enfance marqué par ses propres blessures. L’intrigue mêle enquête et drame social, mais la multiplication des flash-backs ralentit le récit et dilue la tension.
Le film ouvre beaucoup de pistes – le secret d’un adolescent disparu, les liens troubles entre anciens camarades, les non-dits familiaux – mais laisse flotter la plupart d’entre elles sans véritable résolution. Cette impression d’inachevé donne au spectateur une frustration croissante : beaucoup de portes ouvertes, mais peu refermées. On sent poindre la volonté de croiser polar psychologique et chronique sociale, mais la mayonnaise prend mal, tant le scénario semble hésiter entre réalisme cru et schéma dramatique trop balisé.
Visuellement pourtant, Un Homme en Fuite n’est pas dénué de qualités. La photographie joue habilement des contrastes entre zones rurales désertées et intérieurs froids, la pluie et le brouillard renforçant une atmosphère pesante. La musique, discrète mais soignée, participe à installer un climat d’attente. Mais sur la durée, cette esthétique soignée ne compense pas le manque d’accroche émotionnelle et dramatique du récit.
Du côté du casting, la présence de Léa Drucker constitue un atout indéniable. Elle apporte une crédibilité solide à son rôle de policière tourmentée, évitant le surjeu et trouvant toujours la juste mesure. Bastien Bouillon, propulsé par le succès de La Nuit du 12, est convoqué ici pour surfer sur cette aura, mais son personnage manque d’originalité et d’impact. En revanche, le nouveau venu Pierre Lottin surprend agréablement : plus nuancé, plus habité, il parvient à tirer son épingle du jeu dans un récit qui ne lui offre pourtant pas beaucoup de relief.
Reste que le film, malgré ses intentions louables, souffre d’un manque de surprises et d’une dramaturgie trop convenue. La thématique de l’amitié brisée et de la culpabilité enfouie aurait pu offrir une matière forte, mais elle se perd dans un trop-plein de détours narratifs. On devine le twist bien avant la fin, et l’impact émotionnel demeure limité.
Un Homme en Fuite est un polar français soigné sur la forme, mais sans réelle étincelle. Une œuvre qui s’embourbe dans ses propres effets de style, faute de trouver une ligne claire. On en retient surtout Léa Drucker, impeccable, et un Pierre Lottin prometteur, mais l’ensemble, s’il se laisse regarder, ne parvient jamais à se hisser au-dessus de la moyenne des polars hexagonaux contemporain
NOTE : 8.30
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Baptiste Debraux
- Scénario : Baptiste Debraux, Armel Gourvennec
- Musique : Feu! Chatterton
- Décors : Michel Schmitt
- Costumes : Hyat Luszpinski
- Photographie : Fabien Benzaquen
- Son : Pierre Gauthier
- Montage : Marion Monnier
- Production : Marc Bordure
- Société de production : Agat Films & Cie ; coproduit par UMedia et Orange Studio
- Société de distribution : Tandem (France)
- Léa Drucker : Anna Werner, la gendarme de la section de recherches
- Bastien Bouillon : Paul Ligre
- Pierre Lottin : Johnny Laforge
- Marion Barbeau : Charlène Sorbier
- Théo Navarro-Mussy : Yohan Delaunay
- Anne Consigny : Elizabeth Ligre, la mère de Paul
- Philippe Frécon : Christian Ligre, le père de Paul
- Éric Godon : Carbolet
- Wim Willaert : Jan Carels
- Aisleen McLafferty : Chloé Carels
- Paola Valentin : Hélène Guerrand
- Zoé Bruneau : Annabelle, la mère de Johnny
- Mélanie Truffaut : Françoise, la mère de Charlène
- Martine Schambacher : la mère d'Anna
- Mohamed Kerriche : Karim Belkacem
- Karim Seghair : Saadi Belkacem, le père de Karim
- Christophe Reymond : Derek Ledoux

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