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dimanche 3 août 2025

13.30 - MON AVIS SUR LE FILM UN ROI A NEW YORK DE CHARLIE CHAPLIN (1957)

 


Vu le film Un Roi à New York de Charlie Cjaplin (1957) avec Charlie Chaplin Michael Chaplin Dawn Adams Oliver Johston Joan Graham Maxime Audley Lauri Lupino Lane Harry Green 

Après une révolution dans son pays, l'Estrovie, sous les cris d' À mort Shahdov, le roi Igor Shahdov, va à New York, presque ruiné, car ses biens immobiliers lui sont volés par son propre Premier Ministre, Voudel, qui s'enfuit en Amérique du Sud. 

Un Roi à New York (A King in New York, 1957) est sans doute l’un des films les plus méconnus et les plus sous-estimés de Charlie Chaplin. Réalisé à 68 ans, en exil en Europe après avoir été violemment pris à partie par l’Amérique maccarthyste, ce film sonne comme un cri doux-amer, mêlé de burlesque, de satire et d’un profond désenchantement. Chaplin, qui n’a jamais eu besoin de vociférer pour dire ce qu’il pensait, utilise ici sa maîtrise du langage visuel et son ironie mordante pour pointer du doigt une société américaine paranoïaque, consumériste, et aveuglée par la chasse au communisme. 

L’histoire suit le roi Shahdov, monarque d’un royaume fictif d’Europe de l’Est, contraint de fuir après un coup d’État. Réfugié à New York, il découvre l’absurdité d’un pays où la télévision formate tout, où la publicité devient religion, et où l’opinion est une arme. Ruiné, il accepte à contrecœur de tourner dans des spots publicitaires grotesques, devenant une icône télévisuelle malgré lui. Il rencontre un jeune garçon, Rupert (interprété par Michael Chaplin, son propre fils), enfant d’intellectuels poursuivis pour sympathies communistes. Leur relation tisse peu à peu l’émotion du film : un roi sans royaume et un enfant sans parents, unis dans leur regard désabusé sur une société qui broie tout ce qui sort du cadre. 

L’un des paradoxes fascinants de ce film, c’est que Un Roi à New York ne repose pas sur Charlot — son célèbre personnage au chapeau melon a disparu —, mais les échos du vagabond sont partout : dans les gestes de Shahdov, sa démarche chaloupée, sa canne maniée comme un sceptre fragile. Shahdov est un Charlot vieilli, couronné, plus verbeux certes, mais toujours aussi perdu face à un monde qui le dépasse. Chaplin ne cherche plus à émouvoir par la pitié, mais à faire rire jaune par la lucidité. Et le rire, dans ce film, est bien là : à travers des scènes burlesques — comme la chirurgie plastique filmée en direct ou le dîner cauchemardesque où le roi se bat avec des jets d’eau à haute pression — mais aussi par des dialogues pleins de malice, où il se moque des dérives de la société du spectacle, de la censure, de la justice à deux vitesses. 

Le contexte politique donne au film une force singulière : nous sommes en pleine guerre froide, le sénateur McCarthy fait trembler Hollywood, et Chaplin lui-même est persona non grata sur le sol américain, considéré comme "anti-américain" pour ses sympathies de gauche. Ce n’est donc pas un hasard si Un Roi à New York se déroule dans ce pays qu’il a tant aimé, et qui l’a rejeté. Mais le cinéaste n’y va pas à la hache : au contraire, son humour reste élégant, souvent absurde, parfois très british. Il ridiculise plus qu’il ne condamne. Il observe plus qu’il ne juge. Il montre une société où l’enfant récite Marx à l’école pendant que les adultes s’affolent d’un spot de lessive. 

Ce que Chaplin évite avec un rare talent, c’est le piège du film à message pesant. Sa satire est nette mais jamais plombante. Il dénonce l'intolérance sans s'ériger en prophète moral. Il reste un amuseur qui pense, pas un penseur qui amuse. La mise en scène, sobre, fluide, presque théâtrale, accompagne cette démarche avec discrétion. La photographie, soignée, met en valeur le regard mélancolique de Chaplin, sa silhouette vieillie, et ce New York fantasmé qui n’est en réalité qu’un décor de studio londonien — autre ironie du film. 

Un Roi à New York n’a pas connu de sortie en salles aux États-Unis avant 1972, preuve de l’ostracisme dont Chaplin a été victime. En France et en Europe, l’accueil fut plus respectueux, même si l’œuvre reste encore aujourd’hui dans l’ombre de Monsieur Verdoux ou Les Feux de la rampe. Pourtant, il s’agit peut-être du film le plus personnel de Chaplin, celui où il ose apparaître tel qu’en lui-même : un homme libre, étranger partout, mais profondément humain. Ce roi errant, obligé de faire la clownerie pour survivre, c’est aussi un miroir tendu au monde du spectacle, à Hollywood, à l’Amérique de la suspicion. 

En somme, Un Roi à New York, sans être le sommet de son œuvre, reste une pièce essentielle dans le puzzle chaplinien. Un film élégant, acide, plein de vérités douces et de tristesse joyeuse. Une comédie politique fine et imprévisible, où le rire cache souvent une blessure, et où Chaplin, même sans son costume de Charlot, continue à marcher à contre-courant — d’un pas claudicant, mais toujours digne. 

NOTE : 13.30

FICHE TECHNIQUE


DISTRIBUTION


et dans l'ordre alphabétique

 

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