Vu le film Jour de Colère de Jean Luc Herbulot (2023) avec Joey Starr Joaquim Fossi Asia Argento Michele Riondino Bérangère McNeese Michael Abiteboul Frédéric Lubansu
Froid et impitoyable, Franck a toujours exécuté ses contrats à la perfection. Pourtant, cette nuit, paumé dans le froid glacial de l'Ardenne belge, Franck a la main qui flanche. Pris de court par un soudain reflux d'empathie, il laisse la vie sauve à sa dernière cible. Pourtant, il sait que c'est une erreur : non seulement, sa réputation va voler en éclats, mais il va aussi devoir éviter les représailles du commanditaire, un certain Cesar Falcone. Il croise alors Virgil, un sociopathe.
Jour de Colère commence comme un film noir de banlieue, se poursuit comme un polar mafieux, glisse vers le thriller de serial killer, et finit par flirter avec le fantastique. Sur le papier, cette hybridation pouvait intriguer. À l’écran, elle se transforme en un mélange indigeste où aucun genre ne prend vraiment, et où la confusion narrative devient le seul fil rouge.
Jean-Luc Herbulot semblait vouloir capter une atmosphère brute, réaliste, en se rapprochant d’un cinéma de rue imprégné de tension permanente. Mais la mise en scène, nerveuse sur le papier, se révèle chaotique à l’écran : cadrages hasardeux, montage précipité, absence de respiration. Les scènes d’action sont certes nombreuses, mais elles finissent par se ressembler, saturées de musique lourde qui agresse plus qu’elle ne soutient la tension.
L’un des problèmes majeurs vient du jeu des acteurs. Qu’ils soient hommes ou femmes, tous adoptent un ton uniforme, une voix rauque et cassée à la JoeyStarr, avalant la moitié des mots. Résultat : la compréhension des dialogues devient un défi. Et comme le scénario repose sur des révélations et des trahisons, cette opacité sonore rend le suivi de l’intrigue encore plus laborieux.
Le scénario, justement, ressemble à un patchwork mal assemblé : mafia, vengeance personnelle, enquête policière, touches de fantastique… Chaque piste est amorcée, puis abandonnée au profit d’une autre, comme si le film hésitait jusqu’au bout sur ce qu’il voulait être. On passe d’une fusillade urbaine à une scène de tueur en série, puis à un cauchemar surnaturel, sans transition cohérente.
Il y a bien quelques éclairs visuels — un plan nocturne sous la pluie, une silhouette découpée dans les phares d’une voiture — mais ils restent isolés, incapables de créer une identité visuelle forte. L’ensemble manque d’un ton clair, d’une direction affirmée, et surtout d’un rythme maîtrisé.
À mesure que le film avance, la frustration du spectateur grandit. On attend un décollage narratif qui ne vient jamais. Les enjeux restent flous, les personnages secondaires interchangeables, et la violence, au lieu de renforcer la tension, finit par l’émousser. Les rares moments où l’on croit saisir une ligne directrice sont vite noyés dans un nouveau déferlement sonore ou une scène d’action confuse.
Le résultat, c’est un film qui accumule les promesses non tenues. Ni le public amateur de polar, ni celui friand de fantastique, ni les amateurs de pur cinéma d’action n’y trouvent leur compte. Jour de Colère cible visiblement un public précis — celui des banlieues et de la culture urbaine — mais le fait avec des clichés visuels et sonores qui finissent par sonner faux.
On ressort avec la sensation d’un long-métrage tourné à toute vitesse, sans relecture du scénario, sans direction d’acteurs, sans cohérence visuelle ou sonore. Le spectateur, lui, cumule effectivement la colère, non pas celle que le film voudrait provoquer en dénonçant un système, mais celle née de l’ennui et de la déception.
Un ratage sur toute la ligne, et un triste exemple de ce qu’un mélange de genres, mal pensé et mal exécuté, peut produire : un chaos où l’on ne distingue ni le fond ni la forme.
NOTE : 3.70
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Jean-Luc Herbulot
- Scénario : Anthony Jaswinski, adapté par Jean-Luc Herbulot et Cédric Prévost
- Musique : Pierre Nesi
- Décors : Perrine Lejeune et Cédric Van Easbeek
- Costumes : n/a
- Photographie : Hugo Brilmaker
- Son : Matteo Di Simone et Olivier Rabat
- Montage : Raphael Lubczanski
- Production : Christophe Mazodier et Jean-Jacques Neira
- Coproduction : Angelo Laudisa et Alessandro Valenti
- Production associée : Hicham Benkirane, Todd Brown, David Claikens, Maxime Cottray, Philippe Logie, Sylvie Martin, Lawrence Mattis, Matt Smith et Alex Verbaere
- Sociétés de production : Polaris, en coproduction avec Circle of Confusion, HBK F.C., Fontana, Sirocco Films et XYZ Films
- Sociétés de distribution : KMBO (France) ; Belga Films (Belgique)
- JoeyStarr : Frank
- Asia Argento : Anna
- Joaquim Fossi : Virgil Hilsher
- Michele Riondino : César Falcone
- Michaël Abiteboul : Freddy
- Camille Pistone : Stefano
- Bérangère McNeese : Laure Mertens
- Keziah Walha : Frank jeune

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