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samedi 9 août 2025

8.40 - MON AVIS SUR LE FILM LA PEAU DE L'OURS DE CLAUDE BOISSOL (1957)

 


Vu le Film La Peau de l’Ours de Claude Boissol (1957) avec Jean Richard Nicole Courcel Junie Astor Jacques Perrin Jean Pierre Cassel René Berthier René Clermont Sophie Daumier Bernard Dhéran Noel Roquevert Denise Grey 

Un commissaire de police (interprété par Jean Richard) vit entouré de ses deux enfants (interprétés par Jacques Perrin et Sophie Daumier), de son épouse (Nicole Courcel), de sa belle-mère et de sa bonne. Mais il découvre qu'il a été empoisonné à l'arsenic, et que le coupable est forcément l'un de ses proches. 

Un homme empoisonné. Non pas une victime anonyme découverte dans un hôtel ou un square, mais le père de famille lui-même. C’est là que le film de Claude Boissol trouve sa petite originalité : en inversant les rôles classiques du polar. Ledrut, inspecteur de police à la retraite, patriarche bourru mais pas antipathique, est soudain victime d’un empoisonnement. Plutôt que d’appeler la police, il décide de mener lui-même l’enquête, convaincu que le coupable est parmi les siens : sa femme, ses enfants, ses proches… qui auraient, pour chacun, de bonnes raisons de lui en vouloir. 

On pourrait s’attendre à une comédie d’enquête, façon Agatha Christie version gauloise. Mais Claude Boissol, ancien assistant régulier de Maurice Labro, choisit une voie plus feutrée, plus ambigüe. La Peau de l’Ours se déroule presque entièrement dans l’univers clos d’une maison familiale, où les soupçons s’insinuent derrière les sourires. On s’interroge, on s’observe, on se méfie. Et malgré la tonalité légère du film, c’est moins drôle que dérangeant. 

Le casting, lui, attire la curiosité : Jean Richard, bien avant son incarnation massive du commissaire Maigret à la télévision, livre ici une interprétation plus grave, tendue, inquiète. Il n’est pas l’enquêteur traditionnel : il est à la fois victime, juge et paranoïaque. On le voit s’aigrir, perdre pied, devenir une sorte de tyran domestique sous couverture de rationalité. Ce rôle ambigu est sans doute l’un des plus intéressants de sa carrière de cinéma. 

Autour de lui, une jeunesse prometteuse : Jacques Perrin, tout juste sorti de l’adolescence, est déjà touchant, dans un rôle de fils trop gentil pour être tout à fait transparent. Et Jean-Pierre Cassel, à peine majeur, est charmant, léger, préfigure déjà son aisance de comédie. Ils incarnent deux visages de la jeunesse française d’après-guerre : l’un sensible et discret, l’autre séducteur et désinvolte. Le reste du casting, plus anonyme, reste solide. 

Mais que vaut le film au fond ? L’enquête en elle-même n’en est pas vraiment une. Il n’y a aucun suspense réel, car le coupable se devine assez tôt, et les fausses pistes ne fonctionnent guère. Boissol filme la montée de la suspicion comme une étude de mœurs, plus que comme une intrigue à rebondissements. Il faut dire que son style est sans éclat : la mise en scène est correcte, mais terne, sans audace, ni dans le cadre, ni dans le montage. L’ambiance reste celle d’un théâtre filmé, en robe de chambre et œufs brouillés, où l’on discute poliment d’empoisonnement au petit déjeuner. 

Et pourtant, quelque chose fonctionne malgré tout. Peut-être parce que le ton devient peu à peu plus amer, moins comique qu’attendu. L’idée d’un père soupçonnant sa famille aurait pu tourner au gag, mais devient ici un portrait d’isolement, d’autoritarisme démasqué, presque une tragédie intime en pantoufles. On s’attache à ces personnages, non parce qu’ils sont spectaculaires, mais parce qu’ils sont humains, faillibles, malheureux, maladroits. Le film évite la méchanceté facile et la bouffonnerie : il préfère suggérer que le poison est moral autant que chimique. 

Claude Boissol, malgré une carrière discrète et sans chefs-d’œuvre, montre ici un certain goût de la nuance, du ton déséquilibré, entre sourire et malaise. Ce n’est pas du grand cinéma, mais ce n’est pas non plus une pochade. La Peau de l’Ours est un film mineur, certes, mais curieusement attachant, grâce à son sujet décalé, son casting juvénile, et le regard désabusé qu’il pose sur la famille comme lieu de tension larvée. 

NOTE : 8.40

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