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samedi 1 mars 2025

14.80 - MON AVIS SUR LE FILM UN HOMME DE TROP DE COSTA GAVRAS (1


 Vu le film Un Homme de Trop de Costa Gavras (1967) avec Bruno Cremer Claude Brasseur Michel Piccoli Charles Vanel Jean Claude Brialy Jacques Perrin Gérard Blain Michel Creton Julie Dassin François Périer Claude Brosset Pierre Clémenti Patrick Préjean Maurice Garrel

En 1943, au prix d'une opération risquée, un groupe de résistants d'un maquis des Cévennes réussit à libérer de leur prison douze condamnés à mort. Une fois en lieu sûr, il s'avère que, parmi les évadés, il y a un homme de trop. Tandis que les Allemands sont sur leurs traces, les chefs du maquis se demandent ce qu'il faut faire de cet inconnu.

Avant de devenir le maître incontesté du thriller politique avec des films comme Z et L’Aveu, Costa-Gavras signait en 1967 Un Homme de Trop, une œuvre moins connue mais déjà fascinante par sa manière de scruter les zones d'ombre de l'Histoire. Adapté du roman de Pierre Chabrol, le film plonge dans l'univers des maquisards pendant l'Occupation, explorant les dilemmes moraux et les conflits idéologiques qui traversaient la Résistance. C’est une découverte étonnante dans la filmographie de Gavras, où l’on retrouve déjà les germes de ses obsessions futures : la trahison, l'honneur, la vengeance et la complexité politique.

Le récit suit un groupe de résistants ayant libéré une douzaine de prisonniers des griffes des nazis. Parmi eux, un homme de trop, un inconnu dont on ignore l'identité et les intentions. Dès lors, le doute s’installe : est-il un compagnon de lutte ou un traître infiltré ? Costa-Gavras utilise ce mystère pour installer un suspense oppressant qui ne faiblit jamais, jusqu’à la révélation finale. Le titre prend alors tout son sens, suggérant à la fois une menace et une culpabilité collective.

Le film se déroule presque intégralement dans les maquis, au cœur des montagnes, un décor à la fois majestueux et oppressant. Gavras utilise cet environnement sauvage pour accentuer l’impression de piège qui se referme lentement autour des résistants. On ressent leur isolement, leur vulnérabilité face à un ennemi invisible. Chaque sentier, chaque buisson peut cacher un danger. Cette atmosphère claustrophobique transforme les maquis en une prison à ciel ouvert, renforçant l'idée que la liberté, pour laquelle ils se battent, est toujours hors de portée.

Ce cadre sert également à explorer la complexité morale de la Résistance. Loin de l'image héroïque et monolithique souvent véhiculée, Un Homme de Trop montre un groupe hétérogène, où se côtoient des hommes de convictions politiques différentes – communistes, anarchistes, gaullistes – unis par une cause commune mais profondément divisés sur les méthodes à employer. Gavras ne cherche pas à enjoliver la réalité : il montre les doutes, les trahisons potentielles, les exécutions nécessaires pour la sécurité du groupe. La question de la fin justifiant les moyens plane en permanence, rendant les choix des personnages d'autant plus déchirants.

Le suspense naît de cette méfiance omniprésente. On sent le groupe sur le fil du rasoir, à la merci d'une parole maladroite ou d'un geste suspect. Chaque personnage pourrait être le traître. Costa-Gavras filme leurs interactions avec une intensité remarquable, jouant sur les silences et les regards fuyants. Il utilise des gros plans qui capturent la peur et le doute, créant une tension palpable qui traverse tout le film.

Ce réalisme psychologique est porté par une distribution impressionnante. Bruno Cremer impérial en chef de maquisard, incarne l'autorité charismatique mais usée par le poids de ses responsabilités. Charles Vanel dégage une force tranquille teintée de mélancolie, tandis que Michel Piccoli apporte une ambivalence troublante à son personnage. Mais c’est Jacques Perrin qui marque les esprits en jeune idéaliste dont les illusions se brisent face à la dure réalité de la guerre. Ce casting impeccable donne vie à des personnages complexes, loin des stéréotypes de héros résistants.

Un Homme de Trop annonce déjà les thématiques chères à Gavras : la lutte politique, le poids de la trahison, l'ambiguïté morale des actes violents. Mais il est aussi remarquable par son traitement nuancé de l’héroïsme, refusant la glorification facile pour montrer la Résistance dans toute sa complexité. En cela, le film rappelle l'approche de Jean-Pierre Melville dans L'Armée des Ombres, bien qu'il s'en distingue par un style plus réaliste et un suspense presque paranoïaque.

Costa-Gavras ne juge jamais ses personnages, laissant au spectateur le soin de naviguer dans cette zone grise où les concepts d'honneur et de trahison se mêlent inexorablement. Ce choix rend le film d'autant plus puissant, car il nous confronte à notre propre perception de la justice et du sacrifice.

Un Homme de Trop est une œuvre rare, qui mérite d'être redécouverte tant pour sa maîtrise narrative que pour son exploration des dilemmes moraux de la Résistance. C’est aussi un jalon important dans la carrière de Costa-Gavras, un réalisateur qui n’aura de cesse de questionner le pouvoir et ses compromissions. Un film nécessaire, aussi complexe et fascinant que l'Histoire qu'il raconte.

NOTE : 14.80

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