Vu le film Marie-Octobre de Julien Duvivier (1958) avec Danielle Darrieux Robert Dalban Paul Meurisse Lino Ventura Jeanne Fusier-Gir Noel Roquevert Daniel Ivernel Paul Frankeur Paul Guers Serge Reggiani Bernard Blier
Les retrouvailles d'un groupe d'ex-résistants, organisées
par Marie-Octobre, nom de code du personnage interprété par Danielle Darrieux.
Les anciens camarades ont mené leur vie durant ces années, mais ce soir ils
vont devoir revivre une soirée fatidique, celle où le chef de leur réseau a
trouvé la mort, trahi par l'un d'eux.
La recherche du traître met en lumière la personnalité de chaque membre du
réseau, mais aussi et surtout celle de Castille, son chef, personnage fort mais
différent de la légende qui s'était tissée autour de lui.
Mis en scène en 1958 par Julien Duvivier, réalisateur
aujourd'hui parfois méconnu (ou sous-estimé), alors qu'il possède une
filmographie solide (Pépé le Moko, Panique, Voici le temps des
assassins...), Marie-Octobre est un polar à huis clos typique des
années 50-60. Le film n'est pas sans rappeler Le Corbeau d'Henri-Georges
Clouzot par son exploration des conséquences des méfaits de la Seconde Guerre
mondiale. Il aborde notamment un thème toujours brûlant dans l'histoire
politique française : le rôle de la Résistance et ses zones d'ombre, tant au
sein du réseau qu'à un niveau plus politique. Certains y voient d'ailleurs une
allusion à la trahison du réseau de Jean Moulin.
Dans cette intrigue qui évoque les romans d'Agatha
Christie, onze personnages (neuf hommes et deux femmes) se retrouvent enfermés
dans une maison pour démasquer celui qui a dénoncé leur réseau quinze ans plus
tôt. Le film prend ainsi des airs de Cluedo à l'ancienne, avec même une
gouvernante mutique qui rappelle les figures classiques du genre.
L'évolution des mensonges et des déclarations des
protagonistes fait que chacun devient tour à tour suspect, accusateur et
finalement, l'un d'eux se révèle coupable. La trahison a été motivée par la
jalousie et la cupidité. Marie-Octobre, incarnée par la sublime Danièle
Darrieux, se venge en tuant le traître, autant par justice que par amour pour
son ancien compagnon. Mais cette exécution ne ramènera pas la paix au sein du
groupe : chacun porte sa part de compromission et de lâcheté, et la fin du film
laisse planer un doute amer sur l'héritage de leur combat.
Malgré son cadre restreint, la réalisation de Duvivier
est brillante. Chaque recoin de la pièce est exploité, chaque regard, chaque
mouvement devient signifiant. Ayant revu le film bien des années après ma
première vision, je trouve qu'il n'a rien perdu de son intensité, notamment
grâce à son ambition politique et à sa résonance toujours actuelle sur les
trahisons et les calculs politiciens. Marie-Octobre nous rappelle à quel
point certains sont prêts à sacrifier l'un des leurs pour satisfaire leurs
ambitions.
Ce huis clos exceptionnel est porté par une distribution
de haut vol. Chaque comédien, sans jamais surjouer, reste ancré dans son
personnage, y compris en arrière-plan. Le casting réunit Bernard Blier, Paul
Meurisse, Noël Roquevert, Paul Frankeur, Lino Ventura (avec une savoureuse
allusion à son passé de catcheur), Serge Reggiani, Daniel Ivernel, Robert
Dalban et Paul Guers. Sans oublier Jeanne Fusier-Gir, l'une des silhouettes les
plus célèbres du cinéma français. Tous gravitent autour de Danièle Darrieux,
magistrale, qui aura le dernier mot.
J'aime ce cinéma-là, un cinéma intelligent qui ne prenait
pas le spectateur pour un imbécile et qui a égayé nos jeudis pluvieux d'antan.
Une adaptation télévisée a été réalisée par José Dayan en 2008, mais elle est
sans intérêt, notamment à cause du choix des comédiens, qui n'ont pas la même
présence que ceux du film de Duvivier.
NOTE : 16.80
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Julien Duvivier
- Scénario, adaptation : Julien Duvivier, Jacques Robert, inspiré du roman du même nom de Jacques Robert, paru en 1948 aux éditions du Scorpion1
- Dialogue : Henri Jeanson
- Assistant réalisateur : Michel Romanoff
- Directeur de la photographie : Robert Lefebvre
- Cadreur : Roger Delpuech
- Musique : Jean Yatove
- Chef décorateur : Georges Wakhévitch
- Costumes : Jacques Heim
- Son : Antoine Archimbaud
- Scripte : Denise Morlot2
- Photographe de plateau : Roger Corbeau
- Monteuse : Marthe Poncin
- Production : Lucien Viard
- Sociétés de production : Orex Films (L. Viard), Abbey Films (Alain Bernheim), Doxa Films (Danielle Darrieux), Société française théâtre et cinéma (Julien Duvivier)
- Directeur de production : Paul Joly
- Assistant de production : Pierre Duvivier
- Affiche : Yves Thos
- Distribution : Pathé Consortium Cinéma
- Date de tournage : du au dans les Studios de Boulogne5
- Enregistrement : Western Electric, société Optiphone
- Laboratoire Franay L.T.C Saint-Cloud
- Effets spéciaux : LAX
- Danielle Darrieux : Marie-Hélène Dumoulin dite « Marie-Octobre », directrice d'une maison de couture
- Paul Meurisse : François Renaud-Picart, industriel
- Bernard Blier : Julien Simoneau, avocat pénaliste
- Lino Ventura : Carlo Bernardi, patron d'une boîte de strip-tease et ancien catcheur
- Noël Roquevert : Étienne Vandamme, contrôleur des contributions
- Robert Dalban : Léon Blanchet, serrurier plombier
- Paul Frankeur : Lucien Marinval, boucher mandataire aux Halles
- Serge Reggiani : Antoine Rougier, imprimeur
- Paul Guers : Yves Le Gueven, prêtre
- Daniel Ivernel : Robert Thibaud, médecin-accoucheur
- Jeanne Fusier-Gir : Victorine, la gouvernante
- Iska Khan : lui-même (combat de catch télévisé) (non crédité)
- King Kong Taverne : lui-même (combat de catch télévisé) (non crédité)
- Paul Villard : lui-même (combat de catch télévisé) (non crédité)
- Roger Delaporte : lui-même (combat de catch télévisé) (non crédité)
- René Brejot : lui-même, l'arbitre du combat de catch (non crédité)
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