Vu le film Ludwig ou Le Crépuscule des Dieux de Luchino Visconti (1972) avec Helmut Berger Romy Schneider Trevor Howard Silvana Mangano Gert Froebe Helmut Griem Umbero Orsini Izabella Teleżyńska Marc Porel John Moulder Brown
Vu la version longue de 4 heures sans censure
Le film relate la vie de Louis II de Bavière,
depuis son couronnement à l'âge de 18 ans jusqu'à son internement et
sa mort à 40 ans. On y découvre la complicité presque amoureuse qui le lie
à sa cousine Élisabeth de Wittelsbach, dite
« Sissi » (la jeune impératrice d'Autriche-Hongrie), qui parvient
presque à lui faire épouser sa sœur Sophie malgré
le peu d'attirance qu'il a pour celle-ci, sa passion pour la musique de Richard
Wagner, dont il devient le très généreux mécène au
point de lui faire construire un opéra, les circonstances qui l'amènent à céder
à ses penchants : son goût du rêve, du post-romantisme, des garçons (son
palefrenier devenant son chambellan et homme de confiance très intime),
des châteaux de contes de fées,
pour l'édification desquels il dépense des fortunes et où il fuit les dures
réalités de son temps (à savoir l'irrésistible unification allemande autour
de la Prusse de Bismarck qui
vassalise les autres royaumes ou principautés germaniques, Bavière comprise) en
s'imaginant, entouré d'une garde rapprochée de serviteurs, qu'il est encore
vrai roi en son royaume. Au terme de ces années d'excès, le gouvernement
effectif de Munich l'extirpe de son rêve et l'interne au château de Berg… où il meurt
peu après son arrivée en tentant, dans des circonstances mal élucidées, de
s'évader.
Ludwig – Le Crépuscule des Dieux est une fresque
majestueuse retraçant la grandeur et la chute de Louis II de Bavière. Devenu
roi à 19 ans, il s’enfonce progressivement dans une folie qui finira par le
consumer. Visconti orchestre ce drame avec un faste inouï, magnifiant les excès
d’un souverain dont les rêves ont défié la raison et l’histoire.
Les décors et les costumes sont d’une richesse à couper
le souffle. On pense notamment à la célèbre galerie des glaces, reflet du faste
démesuré dans lequel Louis II évolue. Ses châteaux, véritables contes de fées
de pierre et de dorures, deviennent le symbole de ses ambitions extravagantes
et de son isolement croissant. Son train de vie exubérant, alimenté par des
dépenses exponentielles, creuse le gouffre qui le sépare du monde réel.
Le film met en lumière les amours multiples du roi, entre
passion platonique pour sa cousine, l’impératrice Élisabeth d’Autriche (Sissi),
incarnée par une Romy Schneider envoûtante, et ses relations homosexuelles
qu’il n’hésite plus à afficher malgré le poids des conventions. Visconti,
lui-même aristocrate et homosexuel, traite ces aspects sans fard, avec une
sensibilité rare.
Tout est grandiose, à commencer par l’interprétation
d’Helmut Berger. Son Ludwig, halluciné, fragile et déchiré entre ses idéaux et
la réalité, fascine par sa profondeur. C’est l’un de ses rôles les plus
intenses, taillé sur mesure par Visconti, qui lui offre ici l’occasion de
déployer toute l’étendue de son talent.
Mais au-delà du personnage historique, Ludwig
semble aussi résonner avec la relation intime entre Visconti et Berger. Luchino
Visconti, déjà vieillissant et malade, vouait à son acteur une admiration
passionnée, quasi obsessionnelle, qui se traduit à l’écran par une mise en
scène d’une ferveur troublante. Comme Louis II, le réalisateur projette ses
propres contradictions dans ce roi sublime et tourmenté, à la fois admiré et
isolé. On peut y voir une forme de folie amoureuse, où le regard du cinéaste se
mêle à celui du spectateur, captivé par la beauté et la décadence de Berger. Ce
n’est pas seulement un film historique, mais aussi une déclaration, un requiem
baroque et amoureux qui unit, le temps d’un chef-d’œuvre, le cinéaste et sa
muse.
Le destin tragique de Louis II, coincé entre rêve et
déclin, ne cesse de nous captiver. Son règne oscille entre splendeur et
décadence, entre l’amour des arts et l’abandon du pouvoir, jusqu’à son
effacement dans un mystère digne d’un opéra wagnérien. Avec Ludwig,
Visconti signe une œuvre magistrale, à la fois élégie funèbre et portrait d’un
roi en quête d’absolu – et peut-être, d’un amour impossible.
NOTE : 16.10
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Luchino Visconti
- Scénario : Luchino Visconti, Enrico Medioli, Suso Cecchi D'Amico
- Photographie : Armando Nannuzzi
- Montage : Ruggero Mastroianni
- Musique : Wagner (extraits de Lohengrin, Tristan und Isolde, Tannhäuser) ; Robert Schumann (extraits des Scènes d'enfants)
- Direction artistique : Mario Chiari, Mario Scisi
- Décors : Gianfranco De Dominicis, Enzo Eusepi, Corrado Ricercato, Oltrona Kuchino Visconti
- Costumes : Piero Tosi
- Son : Giuseppe Muratori, Vittorio Trentino
- Production : Dieter Geissler (de), Robert Gordon Edwards, Ugo Santalucia
- Sociétés de production : Mega Film (Rome), Cinétel (Paris), Divina-Film, Dieter Geissler Filmproduktion (Munich)
- Sociétés de distribution : Valoria Films (France)
- Pays de production :
Italie/
France/
Allemagne de l'Ouest
- Helmut Berger (VF : Jean-François Poron) : Louis II de Bavière
- Romy Schneider (VF : elle-même + Anne Kerylen dans la version longue[Laquelle ?]) : Élisabeth d'Autriche, « Sissi »
- Trevor Howard (VF : William Sabatier) : Richard Wagner
- Silvana Mangano (VF : Nadine Alari puis Nicole Vervil) : Cosima von Bülow, puis Cosima Wagner
- Gert Fröbe (VF : Yves Brainville) : le père Hoffmann
- Helmut Griem (VF : Dominique Paturel) : le colonel Dürckheim
- Izabella Teleżyńska (it) (VF : Nelly Benedetti) : la reine-mère
- Umberto Orsini (VF : Jacques Thébault) : le comte von Holstein
- John Moulder Brown : le prince Otto
- Sonia Petrova : Sophie-Charlotte en Bavière
- Folker Bohnet (de) (VF : Michel Paulin) : Josef Kainz
- Heinz Moog (VF : Louis Arbessier) : le professeur Bernhard von Gudden
- Adriana Asti (VF : Évelyn Séléna) : Lila von Buliowski, l'actrice
- Marc Porel : Richard Hornig
- Nora Ricci (VF : Sylvie Deniau) : la comtesse Ida Ferenczy
- Mark Burns (VF : Claude D'Yd) : Hans von Bülow
- Kurt Grosskurt (de) (VF : Albert de Médina) : le ministre des finances
- Anna Maria Hanschke (VF : Hélène Tossy) : la duchesse Ludovika
- Gerhard Herter (VF : Robert Party) : le prince Luitpold
- Wolfram Schaerf (de) (VF : Georges Riquier) : le baron Krafft von Crailsheim, secrétaire d'État aux Affaires étrangères
- Henning Schluter (VF : Jacques Mancier) : le ministre Pfistermeister
- Helmut Stern (VF : Patrick Dewaere) : le page Osterholzer
- Eva Tavazzi : Maria
- Karl Heinz Windhorst (VF : Claude D'Yd) : le Dr Müller
- Domenico Ravenna : l'ambassadeur (non crédité)
- Berno von Cramm (de) (VF : Pierre Hatet) : le comte Törring (non crédité)
- Friedrich von Ledebur : le chambellan (non crédité)
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