Vu le film Garde à Vue de Claude Miller (1981) avec Lino Ventura Michel Serrault Romy Schneider Guy Marchand Yves Pignot Pierre Maguelon Patrick Delpeyrat Elsa Lunghini Mathieu Schiffman Michel Such Didier Agostinu Serge Malik
Le corps d’une fillette violée et étranglée a été
retrouvé sur un terrain communal. Huit jours plus tôt, on avait découvert sur
une plage, dans la même région, une autre fillette ayant subi le même sort.
Cherbourg, six semaines plus tard, le soir de la Saint-Sylvestre : l’inspecteur
Antoine Gallien (Lino Ventura), secondé par son adjoint Marcel Belmont (Guy
Marchand), auditionne au commissariat le notaire Jérôme Martinaud (Michel
Serrault), notable local. Martinaud connaissait bien l’une des fillettes, et un
certain mystère plane sur son emploi du temps au moment des deux meurtres. Un
jeu du chat et de la souris implacable commence dans le cadre d'un huis clos
oppressant. Gallien ne croit d'abord pas avoir affaire au meurtrier mais les
réponses évasives et fuyantes de Martinaud, dont l'attitude hautaine et
désinvolte l'agace, le font changer d'avis. De témoin, le notaire devient
suspect et Gallien le met en garde à vue pour l'empêcher de quitter le
commissariat
Garde à vue est un huis clos d’une intensité rare, un jeu
de massacre psychologique où la parole devient une arme redoutable. Tout se
passe en une nuit de réveillon, dans un commissariat déserté, où Maître
Martinaud (Michel Serrault), notaire de province bien en vue, est convoqué pour
une simple formalité : répondre à quelques questions sur deux meurtres sordides
de petites filles. Très vite, l’entretien prend une tournure plus insidieuse.
Le commissaire Gallien (Lino Ventura), flic à l’ancienne, méthodique et
opiniâtre, est convaincu d’avoir son coupable idéal.
Le film se resserre progressivement sur ces deux hommes :
l’un, sûr de son autorité, traque la faille ; l’autre, acculé, oscille entre
arrogance et effondrement. Chaque réplique est une estocade, chaque silence un
piège qui se referme. Guy Marchand, dans le rôle de l’inspecteur Belmont,
ajoute à cette pression, déversant un mépris jubilatoire, persuadé que les
puissants se croient au-dessus des lois. La tension se nourrit autant des
non-dits que des attaques frontales, l’interrogatoire devenant un champ de bataille
où chacun essaie d’avoir l’ascendant sur l’autre.
Mais Garde à vue, c’est aussi un drame intime qui
dépasse le simple polar. Le poison du soupçon ronge tous les personnages.
Chabrolien par essence, le film fait voler en éclats la façade bourgeoise de
Martinaud, dont l’existence bascule en plein naufrage conjugal. L’arrivée de sa
femme (Romy Schneider), qui le méprise profondément, marque un tournant
tragique : dans cet huis clos étouffant, la culpabilité semble d’abord morale
avant d’être criminelle.
L’impact émotionnel du film repose également sur la
partition de Georges Delerue. Sa musique, à la fois élégiaque et oppressante,
enveloppe le récit d’une gravité funèbre. Les nappes de cordes, discrètes mais
lancinantes, accompagnent la montée en tension et confèrent au film une
atmosphère presque spectrale. Chaque note semble peser sur les épaules de
Martinaud, amplifiant le poids du doute et de la fatalité.
Un final implacable, où le sort de chacun se scelle en
quelques phrases glaciales, Garde à vue dépasse son cadre policier pour
devenir une réflexion sur la justice, la manipulation et la chute inexorable
des hommes. Un sommet du cinéma français, où la mise en scène de Claude Miller
et les dialogues ciselés d’Audiard transforment une simple garde à vue en un
duel au sommet, aussi fascinant que cruel.
NOTE : 16.80
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Claude Miller
- Scénario : Claude Miller et Jean Herman, d'après le roman Brainwash (À table !) de John Wainwright
- Dialogues : Michel Audiard
- Production : Alexandre Mnouchkine et Georges Dancigers
- Photographie : Bruno Nuytten
- Cadreur : Gilbert Duhalde
- Scripte : Martine Revert
- Régisseur général : Michel Bernede
- Musique : Georges Delerue
- Montage : Albert Jurgenson
- Premier assistant réalisateur : Jean-Pierre Vergne
- Casting : Margot Capelier
- Cascadeur : Claude Carliez
- Storyboard : Lam Lê
- Son : Paul Lainé
- Sociétés de production : Les Films Ariane et TF1 Productions
- Visa de contrôle cinématographique : no 53.711
- Studio et Laboratoires Éclair, Auditorium Paris Studios Cinéma, pellicule Kodak Eastmancolor, pellicule son Pyral
- Lino Ventura : inspecteur Antoine Gallien
- Michel Serrault : Jérôme Martinaud
- Romy Schneider : Chantal Martinaud
- Guy Marchand : inspecteur Marcel Belmont
- Pierre Maguelon : inspecteur Adami
- Jean-Claude Penchenat : commissaire divisionnaire
- Elsa Lunghini : Camille
- Annie Miller : la mère de Camille
- Michel Such : Jean-Marie Jabelain
- Didier Agostini : jeune policier
- Patrick Depeyrrat : policier
- Yves Pignot : policier
- Mathieu Schiffman : le fils Berthier
- Serge Malik : le mécanicien
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