Vu le film Classes Tous Risques de Claude Sautet d’après le roman de José Giovanni (1960) avec Lino Ventura Jean Paul Belmondo Sandra Milo Marcel Dalio Jacques Dacqmine Claude Cerval Bernard Dhéran Michel Ardan Charles Blavette
Claude
Sautet considérait Classe Tous Risques comme son premier vrai film, et à
raison : derrière la trame du polar, il y insuffle une humanité et une noirceur
qui annoncent son cinéma futur. Inspiré du roman de José Giovanni, ancien
détenu reconverti en écrivain, le film raconte la cavale d’Abel Davos (Lino
Ventura), un gangster vieillissant, traqué et abandonné par ses anciens
complices. Accompagné de ses deux fils, il cherche à regagner Paris et trouve
une aide inattendue en Eric Stark (Jean-Paul Belmondo), un jeune voyou plus
idéaliste que les truands aguerris qu’il fréquente.
Premier
niveau de lecture : un polar brutal et efficace, où Sautet capte le quotidien
des gangsters sans héroïsation. Dès l’ouverture, l’évasion d’Abel d’Italie est
marquée par une tension sèche, loin du spectaculaire hollywoodien. Le film joue
sur un naturalisme quasi documentaire, et certaines scènes – comme le braquage
en pleine rue tourné en caméra cachée, dans un style proche de la Nouvelle
Vague – renforcent cette impression de réalisme. Belmondo, alors en pleine
ascension après À bout de souffle, apporte un vent de modernité face à
Ventura, massif et tragique.
Mais
une deuxième lecture vient troubler cette vision : Abel Davos s’inspire d’Abel
Danos, alias « le Mammouth », un tueur de la Gestapo française, membre de la
Carlingue de la rue Lauriston. Ce détail, souvent ignoré, change radicalement
notre perception du film. Peut-on encore voir Davos comme un antihéros
attachant lorsqu’on connaît l’ignominie de son modèle réel ? José Giovanni,
lui-même ancien collabo condamné à mort avant d’être gracié, a toujours flirté
avec cette ambiguïté.
Ainsi, Classe
Tous Risques oscille entre le pur polar et l’ombre d’un passé trouble. D’un
côté, un grand film noir sur la trahison et la fin d’une époque ; de l’autre,
une histoire qui, en creux, révèle l’influence d’une mémoire plus sombre du
milieu français. Qu’on choisisse de le voir comme un drame sur la solitude du
gangster ou comme un reflet d’une époque ambiguë, le film reste une œuvre
puissante, impeccablement mise en scène et interprétée.
NOTE : 13.40
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Claude Sautet
- Scénario : Claude Sautet, José Giovanni et Pascal Jardin, d'après le roman Classe tous risques de José Giovanni
- Dialogues : José Giovanni
- Musique : Georges Delerue
- Décors : Rino Mondelini
- Photographie : Ghislain Cloquet
- Son : Jacques Lebreton
- Montage : Albert Jurgenson
- Production : Jean Darvey
- Production déléguée : Robert Amon
- Directeur de production : Jacques Planté
- Sociétés de production : Mondex Films, Les Films Odéon, Filmsonor et Zebra Film
- Sociétés de distribution : Cinédis (France), United Artists (États-Unis)
- Lino Ventura : Abel Davos, le gangster en cavale
- Jean-Paul Belmondo : Éric Stark, le jeune convoyeur
- Sandra Milo : Liliane, la jeune femme de la troupe de théâtre
- Marcel Dalio : Arthur Gibelin, le receleur
- Jacques Dacqmine : le commissaire Blot
- Claude Cerval : Raoul Fargier, un ancien complice d'Abel
- Bernard Dhéran : Blastone, le directeur de la troupe théâtrale
- Michel Ardan : Henri Vintran, dit : Riton, un ancien complice d'Abel
- Stan Krol : Raymond Naldi, le complice d'Abel
- Simone France : Thérèse Davos, la femme d'Abel
- René Génin : M. Chapuis, gardien de musée
- Jeanne Pérez : Jacqueline Chapuis
- Charles Blavette : M. Bénazet
- Philippe March : Jean Martin, dit Petit Jeannot
- Betty Schneider : la petite bonne
- Évelyne Ker : la fille de Gibelin
- Sylvain Lévignac : Jacques Imbert, le détective de l'agence privée
- Michèle Méritz : Sophie Fargier, la femme de Raoul
- Jean-Pierre Zola : Bacérès, détective privé
- France Asselin : Denise Vintran, la femme d'Henri
- Corrado Guarducci : Ferrucci, l'intermédiaire italien
- Robert Desnoux : Pierrot, le fils aîné des Davos
- Thierry Lavoye : Daniel, le second fils des Davos
- Marcel Bernier : un inspecteur
- Albert Daumergue : un homme chez Riton
- Marcel Gassouk : un homme au bureau de poste
- Laure Paillette : la dame de l'ascenseur
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