Vu le film Nadia et les Hippopotames de Dominique Carbrera (1999) avec Ariane Ascaride Thierry Fremont Marilyne Canto Philippe Fretun Najd Hamou-Medja Olivier Gourmet
La France est paralysée par la grève des transports. Serge, Claire et Jean-Paul rencontrent Nadia. Elle porte un enfant dans les bras et cherche le père qui l'a quittée au moment de la naissance. Comprenant son désarroi, les grévistes vont l'aider.
Nadia et les Hippopotames (1999) de Dominique Cabrera est un film qui se veut un témoignage engagé sur la grande grève des cheminots de 1995, moment clé de la contestation sociale en France. Sur le papier, l'idée est louable : raconter ces semaines où le pays s’est arrêté, donner voix aux anonymes, et dresser un état des lieux de la fracture entre les gouvernants et les gouvernés. Malheureusement, à l’écran, l’expérience peut vite virer à l’ennui, surtout si l’on n’est pas réceptif à cette approche entre fiction et documentaire.
Cabrera choisit de suivre Nadia (Ariane Ascaride), une femme aux marges du conflit, et un groupe de grévistes dans leur lutte quotidienne. En résulte une narration éclatée, où le réel et la mise en scène s’entremêlent sans toujours trouver le bon équilibre. Si l’intention est de capturer une vérité brute, la mise en scène naturaliste et le rythme languissant donnent parfois l’impression d’un exercice de style plus qu’un véritable récit palpitant.
Le film a pourtant des atouts : la caméra de Cabrera capte avec justesse l’ambiance des piquets de grève, les discussions animées, la lassitude et l’obstination des cheminots. Mais en dépit de ces moments de vérité, le film peine à accrocher, souvent lesté par des dialogues qui sonnent plus écrits que vécus. La spontanéité du documentaire est parasitée par une mise en scène qui cherche trop à nous rappeler qu’il s’agit aussi d’une fiction, créant un décalage qui nuit à l’immersion.
Le titre même du film intrigue : qui sont ces « hippopotames » ? Métaphore floue, désignant peut-être la lourdeur du combat ou les grévistes eux-mêmes, englués dans leur lutte. Un choix qui aurait pu être poétique mais qui demeure un brin abscons.
Le film s’inscrit dans la filmographie de Cabrera, souvent attentive aux mouvements sociaux et à la classe populaire (Demain et encore demain, L’Autre côté de la mer). Mais ici, son approche, qui se veut immersive, frôle parfois le didactisme. On pense à ces longs échanges qui, bien qu’intéressants sur le fond, semblent s’adresser davantage à un public déjà convaincu qu’à un spectateur en quête de cinéma vivant.
Lors de sa sortie, le film a divisé : certains y ont vu une chronique précieuse d’une époque charnière, un regard essentiel sur la mémoire ouvrière. D’autres, comme vous, ont peiné à y trouver un souffle cinématographique suffisant.
Une anecdote amusante : lors de la projection en festival, certains spectateurs ont cru assister à un véritable documentaire, preuve que le film oscille sur une frontière ténue. Un cheminot, témoin de la grève de 1995, aurait même déclaré à la réalisatrice : « C’est presque ça, mais il manque l’odeur des rails et le froid du matin ! » Comme quoi, la réalité dépasse toujours la fiction.
NOTE : 9.40
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Dominique Cabrera
- Scénario : Dominique Cabrera et Philippe Corcuff
- Production : Gilles Sandoz
- Musique : Béatrice Thiriet
- Ariane Ascaride : Nadia
- Marilyne Canto : Claire
- Thierry Frémont : Serge
- Philippe Fretun : Jean-Paul
- Najd Hamou-Medja : Christopher
- Olivier Gourmet : Andre
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