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mercredi 16 avril 2025

12.20 - MON AVIS SUR LE FILM LES FEMMES AU BALCON DE NOEMIE MERLANT (2024)


Vu le film Les Femmes au Balcon de Noémie Merlant (2024) avec Noémie Merlant Souheila Yacoub Sandra Cocreanu Lucas Bravo Nadège Beausson Diagne Christophe Montenez  

Trois femmes, dans un appartement à Marseille en pleine canicule. En face, leur mystérieux voisin, objet de tous les fantasmes. Elles se retrouvent coincées dans une affaire terrifiante et délirante avec comme seule quête, leur liberté. 

Les Femmes au Balcon n’est pas un film qui passe inaperçu. Avec ce deuxième long-métrage derrière la caméra, Noémie Merlant poursuit son exploration de récits où le féminin reprend le pouvoir, quitte à l’arracher à coups de griffes, de cris ou de couteaux bien aiguisés. On l’attendait engagée, féministe, tranchante : elle l’est. Mais pas là où on le croit. Ou plutôt, partout à la fois. 

Dans une grande bâtisse aux allures de pension de famille hantée, trois jeunes femmes vivent recluses, accrochées à leur balcon comme des gargouilles modernes. Elles observent le monde en contrebas, jusqu’à ce qu’un charmant voisin emménage. Beau, affable, un brin exhibitionniste, il devient malgré lui le point de mire de ce trio en ébullition. Ce que l’on croit être un marivaudage contemporain vire rapidement au conte cruel, grotesque, absurde : le garçon, victime de ses charmes et de sa suffisance viriliste, va payer le prix fort. Très fort. On ne spoilera pas, mais son corps – et plus encore son entrejambe – en ressortira transformé à jamais. 

Le film est un patchwork joyeusement foutraque : entre comédie féminine hystérique, film d’horreur post-féministe et théâtre Grand-Guignol, Merlant n’essaie même pas de faire tenir son film dans un genre. Elle les éclate tous. C’est osé, irrévérencieux, parfois excessif, souvent jouissif. On pense à Teorema de Pasolini, à Hausu de Nobuhiko Obayashi, à Mélancholie ouvrière de Gérard Mordillat... puis, soudain, à Kill Bill ou à La Grande Bouffe. Il y a là un esprit de collage presque punk, qui assume le mauvais goût, la vulgarité, les débordements. 

Mais ce trop-plein peut aussi lasser. Le film est constamment dans la surenchère : dialogues crus, scènes trash, saturation chromatique. Le sexe, le sang, la vengeance, la sororité sont poussés à l’extrême. Pour certains, c’est libérateur. Pour d’autres, étouffant. On comprend la démarche : inverser le regard patriarcal, reprendre le contrôle du corps et de l’image, quitte à en faire un théâtre grotesque et violent. Le message est clair, voire martelé. 

Esthétiquement, Les Femmes au Balcon est un ravissement : chaque plan semble peint à la main. Costumes chatoyants, décors néo-baroques, lumières artificielles comme sorties d’un clip 80’s. On sent l’influence du cinéma italien, du Suspiria d’Argento à La Terrasse de Scola, en passant par Almodóvar. Mais c’est surtout du côté des arts plastiques que Merlant pioche : ses héroïnes semblent sorties d’un tableau de Leonor Fini ou d’un collage de Kiki Smith. 

Côté casting, les trois actrices principales – toutes issues de la scène indépendante – livrent des performances explosives. La solidarité féminine qu’elles incarnent est à la fois réaliste et théâtrale, comme si Les Demoiselles de Rochefort s’étaient frottées à The Craft. 

  • Noémie Merlant a coécrit le film avec deux anciennes camarades du Conservatoire, ce qui explique la complicité flagrante entre les personnages. 

  • Le tournage s’est fait dans une véritable maison abandonnée près de Grasse, et l’équipe aurait rapporté plusieurs événements étranges sur place, ce qui ajoute une aura presque surnaturelle à cette histoire de fantômes domestiques. 

  • Certaines scènes de mutilation ou de sexe cru ont été adoucies au montage à la demande de producteurs inquiets pour la classification du film, mais Merlant a conservé des versions plus radicales pour une éventuelle "director’s Cut". 

  • Le film a été présenté dans une section parallèle à Cannes, où il a provoqué plusieurs malaises en salle. Des spectateurs sont sortis, choqués, tandis que d’autres applaudissaient à tout rompre. 

Les Femmes au Balcon n’est pas un film à consommer passivement. Il divise, il dérange, il exaspère autant qu’il libère. C’est une œuvre de sorcière contemporaine, furieusement féminine, farouchement politique. On peut lui reprocher ses excès, sa vulgarité, sa haine affichée de l’homme dominateur. Mais on ne peut lui enlever son souffle, sa rage, sa singularité. Entre les cris, le sang et les éclats de rire, il y a là un cri de cœur, un cri de corps, qui mérite d’être entendu. Même si c’est à vous arracher les tympans. 

NOTE : 12.20

FICHE TECHNIQUE


DISTRIBUTION

  • Souheila Yacoub : Ruby
  • Sanda Codreanu : Nicole
  • Noémie Merlant : Élise
  • Lucas Bravo : Magnani, le voisin d'en face
  • Nadège Beausson-Diagne : Denise Fernandez
  • Christophe Montenez : Paul
  • Nasir Bachouche : Enzo
  • François Cottrelle : le mari de Denise
  • Annie Mercier : la voisine de Magnani
  • Augustin Palvanh : Dams / un fantôme
  • Jean-François Comminges : Xavier Duflotte
  • Henri Cohen : le gynécologue
  • Emanuele Carfora : Diego
  • Hamza Raja Mohammad : le caissier du magasin de bricolage
  • Amir Baylly : Tony
  • Alice Griveau : Katya
  • Victor Sansano : Victor, le client de Ruby
  • Alexia Lefaix : une modèle photo

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