Vu le film Rendez-vous de Juillet de Jacques Becker (1949) avec Daniel Gélin Brigitte Auber Nicole Courcel Maurice Ronet Pierre Trabaud Gaston Modot Capucine Philippe Mareuil Jacques Fabbri Louis Seigner Paul Barge
Les problèmes amoureux et les aspirations professionnelles d'une bande de jeunes dans le Paris de l'après-guerre, entre la préparation d'une expédition africaine, les répétitions théâtrales et les soirées dans les cabarets de jazz.
Après avoir plongé dans le quotidien des prolétaires parisiens dans Antoine et Antoinette (1947), Jacques Becker choisit en 1949 de brosser le portrait d’une autre frange de la population française : celle d'une jeunesse intellectuelle, curieuse, parfois insouciante mais aussi profondément idéaliste. Rendez-vous de juillet se veut une chronique douce-amère, entre aspirations professionnelles, désirs d'évasion, amours naissantes et passions artistiques.
De la cave à jazz, où résonnent les notes enivrantes de Claude Luter, Mezz Mezzrow ou encore Rex Stewart, au projet fou d’une expédition anthropologique au Congo, en passant par l'univers du théâtre amateur, Becker brosse une fresque légère et tendre d’une génération rêvée, entre tradition et modernité. Il capte les enthousiasmes, les maladresses, les rêves et les désillusions avec une précision documentaire qui nourrit son cinéma de vérité, tout en flirtant parfois avec l’idéalisme.
Cependant, sous ses dehors de chronique joyeuse, le film n’est pas naïf : Becker y glisse avec subtilité les préoccupations de l'époque — la difficulté à trouver un emploi, l'impasse d'une production cinématographique française en crise — autant d'échos sociaux qui donnent à l’ensemble une profondeur inattendue. Ce cinéma, que certains perçurent à l'époque comme un manifeste de la jeunesse, mêle habilement insouciance et gravité naissante.
Techniquement, Rendez-vous de Juillet bénéficie de talents précieux : la photographie de Claude Renoir est magnifique. Paris y est saisi dans un noir et blanc scintillant, presque palpable, oscillant entre réalisme et poésie. Les scènes de rue sont particulièrement vivantes, rendant hommage à une capitale pleine de charme et d'énergie. Le montage de Marguerite Renoir est également d’une grande justesse, fluide sans être appuyé, renforçant la spontanéité apparente de l'ensemble.
Néanmoins, malgré ses nombreuses qualités, le film révèle aussi ses limites. Certaines séquences tombent dans une lourdeur pesante, freinant l'élan général. C’est le cas notamment de la scène du spectacle où Christine (interprétée par Nicole Courcel) se ridiculise sur scène. Cette scène, censée illustrer l’écart entre ambition et réalité, s’avère plus embarrassante que véritablement instructive. On sent là une certaine pesanteur didactique, loin de la grâce naturelle que Becker atteint par ailleurs.
Becker, s’il a le talent d’un grand observateur du quotidien, n'a pas la fougue d'un futur Truffaut, ni la flamboyance stylisée d’un Vincente Minnelli. Rendez-vous de Juillet reste ainsi dans une forme modeste, plus descriptive que véritablement romanesque ou flamboyante. Ce n’est pas un film révolutionnaire, mais un témoignage sincère et souvent attachant sur une époque, un état d’esprit, une jeunesse entre tradition et modernité.
On y passe un agréable moment, charmé par la fraîcheur des comédiens, par l’authenticité des dialogues et par l’élan de vie qui anime malgré tout ce petit monde. Une œuvre mineure peut-être, mais précieuse par ce qu’elle saisit d’un Paris disparu et d’une jeunesse que Becker filme avec tendresse, sans nostalgie forcée. µ
NOTE : 12.80
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Jacques Becker
- Assistance réalisation : Marcel Camus, Claude Clément-Bayle
- Scénario : Jacques Becker, Maurice Griffe
- Adaptation et dialogue : Jacques Becker
- Décors : Robert-Jules Garnier
- Costumes : Catherine "Théâtre" et Carven "Robes"
- Photographie : Claude Renoir
- Son : Antoine Archimbaud
- Musique : Jean Wiener - Orchestre dirigé par Ernest Guillou
- Musique de jazz : Claude Luter, Mezz Mezzrow avec Rex Stewart, Bernard Peiffer
- Chant : Simone Langlois
- Montage : Marguerite Renoir, assistée de Geneviève Vaury
- Production : UGC, Société Nouvelle des Etablissements Gaumont
- Distribution : A.G.D.C
- Tournage du 7 février au 15 juillet 1949, dans les studios Francoeur et pour les extérieurs à Paris et aéroport de Toussus-Le-Noble
- Daniel Gélin : Lucien Bonnard
- Nicole Courcel : Christine Courcel
- Brigitte Auber : Thérèse Richard
- Maurice Ronet : Roger Moulin ("doublé" à la trompette par Rex Stewart)
- Pierre Trabaud : Pierre Rabut dit « Pierrot »
- Philippe Mareuil : François Courcel, le frère de Christine
- Bernard Lajarrige : Guillaume Rousseau, metteur en scène
- Louis Seigner : monsieur Levase, professeur d'art dramatique
- Gaston Modot : le professeur du Musée de l'Homme
- Robert Lombard : un ami de Lucien
- Michel Barbey : un ami de Lucien
- Jacques Fabbri : Bernard, un membre de l'expédition
- Francis Mazière : Frédéric, un membre de l'expédition
- Paul Lambert : un membre de l'expédition
- Pierre Mondy : un élève du cours d'art dramatique
- Capucine : une amie de Pierre
- Louisa Colpeyn : Betty
- Rex Stewart : lui-même
- Claude Luter : lui-même
- Charles Camus : monsieur Bonnard, père de Lucien
- Yvonne Yma : madame Bonnard, la mère de Lucien
- Robert Le Béal : Jean Bonnard, frère de Lucien
- Paul Barge : monsieur Rabut, le père de Pierrot
- Émile Ronet : monsieur Moulin, le père de Roger
- Simone Jarnac : madame Courcel, la mère de Christine et François
- Léon Bary : l'amant de madame Courcel
- Marcel Charvey : le pilote de l'avion
- Denise Péronne : la cliente du salon de coiffure
- Colette Régis : la directrice du cabinet du ministre
- Jean-Louis Allibert
- Françoise Arnoul
- Alexandre Astruc
- René Berthier
- Georges Bréhat
- Nicky Chanières
- Jacques Hilling
- Jacques Muller
- Georges Pierre
- Jean Pommier
- Jacques Denoël
- Albert Malbert
- Henri Belly
- Maria Riquelme
- Annie Noël
- Paul Villé
- Georges Scey
- Lucien Mancini
- Paule de Breuil
- Nicole Rozan
- Yette Lucas
- Louis de Funès (rôle coupé au montage)[1

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