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lundi 21 avril 2025

16.30 - MON AVIS SUR LE FILM FENETRE SUR COUR DE ALFRD HITCHCOK (1954)

 


Vu le FenêtresurCour de Alfred Hitchcock (1954) avec James Stewart Grace Kelly Thelma Ritter Raymond Burr Wendell Corey Georgine Darcy Havis Davenport Rand Harper Frank Cady Judith Evelyn 

A cause d'une jambe cassée, le reporter-photographe L. B. Jeffries est contraint de rester chez lui dans un fauteuil roulant. Homme d'action et amateur d'aventure, il s'aperçoit qu'il peut tirer parti de son immobilité forcée en étudiant le comportement des habitants De l'immeuble qu'il occupe dans Greenwich Village. Ses observations l'amènent à la conviction que Lars Thorvald, son voisin d'en face, a assassiné sa femme.  

 

Ah, Fenêtre sur cour (Rear Window, 1954), c’est un peu le mètre étalon du suspense hitchcockien. Revoir ce film aujourd’hui, c’est se replonger dans un concentré de maîtrise cinématographique, où chaque plan, chaque mouvement de caméra, chaque silence est une pièce de puzzle soigneusement agencée par le « maître du suspense ». C’est aussi redécouvrir un univers confiné — une cour d’immeuble new-yorkais vue depuis un unique point de vue, celui de Jeffries (James Stewart), photographe cloué à son fauteuil avec une jambe dans le plâtre, et dont l’ennui va peu à peu se transformer en obsession. 

Car Jeffries, ce héros à la fois sympathique et un brin inquiétant, est avant tout un voyeur. On dirait presque un double d’Hitchcock lui-même : il observe, scrute, interprète, imagine. Son appareil photo et ses jumelles deviennent des extensions de notre regard de spectateur. Il ne bouge pas, mais il agit, et surtout, il voit — ou croit voir. Toute la tension du film repose sur cette incertitude : a-t-il vraiment été témoin d’un meurtre ou projette-t-il ses fantasmes d’aventurier sur un fait divers ordinaire ? 

Dans cette intrigue tissée de doutes et de soupçons, la divine Grace Kelly (Lisa Fremont) joue un rôle clé. Elle est au départ une créature mondaine, légère, un peu déconnectée du monde réel. Mais c’est elle qui va, progressivement, s’embarquer dans la paranoïa de Jeffries, jusqu’à prendre tous les risques pour prouver qu’il a raison. Lisa devient actrice de l’enquête, traversant l’écran (et la cour) pour passer de l’objet du regard à l’héroïne d’action. Un mouvement rare chez Hitchcock, souvent accusé de fétichiser ses blondes : ici, il leur offre aussi une vraie profondeur. 

Et puis, il y a la formidable Thelma Ritter en infirmière pragmatique, qui apporte une touche d’humour mais aussi de tendresse. Elle est les pieds sur terre, à contrepoint du romantisme un peu malade du couple Stewart/Kelly. C’est elle qui exprime nos doutes, nos réticences, elle qui sert de boussole morale dans cet huis clos oppressant. 

Hitchcock avait fait construire un décor monumental : la cour, les appartements, les voisins — tout est reconstitué en studio, un microcosme parfait où chaque habitant incarne un archétype ou une métaphore du couple (la danseuse seule, le compositeur mélancolique, le couple sans enfant, le chien… et bien sûr, le mystérieux Lars Thorvald joué par Raymond Burr). Ce théâtre de la vie, vu à travers la fenêtre, c’est aussi le miroir du cinéma : le spectateur assis dans la salle ressemble trait pour trait à Jeffries dans son fauteuil. 

 Dans une scène haletante, Raymond Burr — qui incarne le possible meurtrier — s’en prend à James Stewart, immobilisé dans son fauteuil. Une dizaine d’années plus tard, Burr deviendra célèbre dans le rôle de Robert Dacier (Ironside), inspecteur en fauteuil roulant dans la série L’Homme de fer. C’est comme si le temps avait donné raison au méchant de Fenêtre sur cour, en le condamnant à son tour à l’immobilité — mais en lui confiant cette fois le rôle du héros. 

Tout le film repose sur une unité de lieu et de point de vue. Hitchcock impose une contrainte formelle rigoureuse : tout ce que nous voyons, nous le voyons par les yeux de Jeffries. Pas de coupe extérieure, pas de champ contre-champ classique. C’est une performance de mise en scène — presque un exercice de style — mais jamais gratuite, toujours au service du récit et du malaise croissant. 

Fenêtre sur cour, c’est bien plus qu’un film à suspense. C’est une réflexion sur le regard, le désir, la projection, l’amour et la peur. Un film qui nous interroge sur notre propre position de spectateur : sommes-nous complices, passifs, curieux ? Sommes-nous si différents de Jeffries ? Et, en définitive, sommes-nous prêts à affronter ce que nous pourrions découvrir en regardant « par la fenêtre » ? 

Un chef-d’œuvre d’équilibre entre tension narrative, émotion, humour et esthétique. Et surtout, un film qui se revoit encore et encore, comme une fenêtre qu’on ne peut s’empêcher de rouvrir. 

NOTE : 16.30

FICHE TECHNIQUE


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