Vu le film Château En Suède de Roger Vadim (1963) avec Monica Vitti Jean Louis Trintignant Jean Claude Brialy Curd Jurgens Françoise Hardy Suzanne Flon Daniel Emilfork Sylvie Michel Le Royer Henri Attal Dominique Zardi
Par suite d'un duel mondain, Eric doit se faire oublier à Stockholm. On l'envoie chez des cousins, les Falsen, qui habitent un château isolé. Hugo Falsen y vit avec sa deuxième femme, Eléonore, et le frère de celle-ci, un charmant paresseux.
Un château, quelques nobles détraqués, des morts dans le placard, une ambiance qui se veut cocasse et décalée… et au final, un de ces naufrages esthétiques dont Roger Vadim a le secret. Château en Suède, adaptation de la pièce de Françoise Sagan, aurait pu être une comédie douce-amère sur la vacuité de l’aristocratie décadente. Mais entre les mains de Vadim, le château devient surtout un théâtre de l’ennui.
Le scénario, pourtant signé Sagan elle-même, tourne à vide. On s’y perd dans une galerie de personnages affectés, en rupture de ton, et qui semblent constamment jouer à "qui sera le plus maniéré". Vadim filme tout cela comme une publicité pour un parfum suranné, avec les rideaux qui flottent au vent, les gros plans sur des regards vides, et les dialogues qui s’écrasent comme des feuilles mortes sur le dallage froid de l’ennui.
Jean-Louis Trintignant, l’un des plus subtils acteurs français, semble ici totalement déphasé. Il minaude, bredouille, traîne son personnage comme un fardeau. Rarement l’aura-t-on vu aussi mal dirigé. Jean-Claude Brialy, qui pouvait être si juste dans les films de Chabrol ou d’Autant-Lara, cabotine avec une emphase désarmante. Curd Jurgens, quant à lui, reste fidèle à sa réputation d’acteur aussi charismatique qu’un meuble suédois mal monté.
Heureusement, il y a les femmes. Suzanne Flon et Sylvie s’en tirent avec un peu de dignité. Et surtout, Monica Vitti. Même prisonnière de ce cirque mondain sans magie, elle impose sa silhouette, son accent, sa mélancolie étrange. Elle est comme un éclat de vérité dans un monde d’artifice. Qu’importe si son jeu est un peu désaccordé — elle EST là, souveraine, hypnotique. Et puis Françoise Hardy, apparition diaphane et presque irréelle, apporte une touche de fraîcheur, une brise légère dans ce château moisi.
Le tournage aurait été tendu : Vitti, qui venait tout juste de conquérir l’Europe dans les films d’Antonioni, ne se sentait pas à sa place dans cette comédie creuse. Vadim, lui, n’écoutait que ses impulsions esthétiques, plus intéressé par les robes et les voilages que par le texte ou les intentions. On raconte que Hardy, alors âgée de 19 ans, se disait flattée mais un peu perdue dans cet univers compassé.
Le film sort en 1963, dans un climat où la Nouvelle Vague a déjà secoué le cinéma français. Vadim, qui avait été à la mode quelques années plus tôt (Et Dieu… créa la femme, 1956), se cherche une nouvelle légitimité. Il croit la trouver dans l’adaptation de Sagan, mais confond profondeur et pose, légèreté et inconsistance.
Esthétiquement, Château en Suède n’est pas totalement déplaisant. Vadim soigne ses cadres, aime ses actrices (trop), et tente de construire une atmosphère. Mais c’est une coquille vide. Un bel emballage pour un film sans cœur.
À la fin, on n’a rien appris, on n’a pas ri, on n’a pas été ému. On a juste vu Monica Vitti traverser le cadre comme un fantôme sublime, et cela suffit — peut-être — à sauver une poignée de plans.
Mais à l’échelle de la filmographie de Vadim, ce Château rejoint plutôt la catégorie des ruines. Une façade clinquante, mais le toit fuit, les fondations craquent, et les meubles sont bancals.
Un film pour les inconditionnels de Monica Vitti… et pour les amateurs d’échecs élégants.
NOTE : 7.30
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Roger Vadim
- Scénario : Roger Vadim et Claude Choublier, d'après la pièce Château en Suède de Françoise Sagan
- Dialogues : Françoise Sagan
- Photographie : Armand Thirard
- Musique : Raymond Le Sénéchal
- Son : Robert Biart
- Décors : Jean André
- Costumes : Marc Doelnitz
- Montage : Victoria Mercanton
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