Vu le film Buried de Rodrigo Cortes (2010) avec Ryan Reynolds et les voix de Stefan Tobolowsky Robert Paterson Anne Lockhart Samantha Mathis Erik Paladino José Luis García Pérez
Paul Conroy, chauffeur de camion américain basé en Irak travaillant pour le compte de CRT, une société privée, se réveille enterré vivant dans un cercueil en bois, avec seulement une lampe, un couteau, deux tubes phosphorescents, un briquet et un téléphone à moitié rechargé en sa possession et un mot des terroristes qui l’ont enfermé.
Buried est de ces rares expériences cinématographiques qui marquent au fer rouge. Un huis clos intégral, total, radical : un homme seul, enfermé vivant dans un cercueil quelque part en Irak, sans savoir comment ni pourquoi il est là. Et nous, spectateurs, piégés avec lui. C’est en 2010, au Festival de Deauville, que beaucoup ont découvert ce film-choc, précédé par un avertissement étonnant : « les portes de la salle seront fermées pendant la projection ». Une anecdote qui prenait tout son sens dès les premières minutes : il n’était plus question de fuir.
Le réalisateur Rodrigo Cortés, alors quasi-inconnu, frappe fort avec un budget microscopique (3 millions de dollars) mais une idée de génie : enfermer la narration et le spectateur dans un cercueil, littéralement. Le pari est osé, presque suicidaire. Et pourtant, il est miraculeusement réussi. La caméra ne sort jamais de la boîte. Pas de flashbacks, pas de tricherie. Juste Paul Conroy, chauffeur routier américain piégé vivant sous terre, un téléphone portable irakien (à la batterie très généreuse), une lampe, un briquet, un couteau... et, pour ajouter à la claustrophobie, un serpent.
Mais ce qui fait tenir le film, au-delà de l’audace formelle, c’est la performance absolument renversante de Ryan Reynolds. L’acteur, alors connu surtout pour des comédies ou des blockbusters à muscles, y dévoile une palette insoupçonnée. Il joue avec une intensité rare, variant entre panique, rage, désespoir, espoir fragile, humour noir et terreur pure. Il tient littéralement le film sur ses seules épaules et transforme cette expérience minimaliste en un crescendo émotionnel étouffant.
La tension est constante. Pas une minute de répit. La lumière vacille, la batterie baisse, la poussière tombe, l’oxygène manque. Le téléphone, seul lien au monde extérieur, devient un instrument d’angoisse. Les conversations sont kafkaïennes : l’employé d’assurance qui demande une signature par fax pour débloquer une indemnité, la voix d’un employeur qui semble plus préoccupé par sa réputation que par son employé disparu. C’est un cauchemar bureaucratique autant que physique.
Rodrigo Cortés use intelligemment de la mise en scène : chaque plan est pensé pour renouveler visuellement l’espace, malgré l’exiguïté. Jeux d’ombres, mouvements de caméra impossibles, angles dérangeants : il parvient à faire du cercueil un monde en soi, vivant, suffocant, hostile. La musique d’Alberto Iglesias, discrète mais efficace, appuie encore la tension sans jamais la souligner à l’excès.
Quant à la fin… elle est à l’image du film : brutale, implacable, sans échappatoire. Elle retourne les tripes. Pas de lumière au bout du tunnel, juste une dernière bouffée d’air et puis plus rien. Le public reste sans voix, lessivé, pris au piège jusqu’au bout.
Le film a été tourné en seulement 17 jours en Espagne, avec plusieurs cercueils construits pour permettre les angles de caméra. Ryan Reynolds a failli perdre connaissance plusieurs fois à cause du manque d’air ou de la pression mentale du tournage. Il dira plus tard que c’est le rôle le plus éprouvant de sa carrière. Rodrigo Cortés, lui, dira que c’est un film « de lumière » plus que d’ombre, jouant sur les sources lumineuses internes au cercueil pour définir l’état mental du personnage.
Avec Buried, le cinéma prouve une fois de plus qu’il n’a besoin ni d’effets spéciaux tapageurs ni de décors somptueux pour frapper fort. Il suffit d’un acteur, d’une idée, et d’un réalisateur qui ose. On peut ne jamais oublier Buried. Parce que ce n’est pas seulement un film. C’est une descente en apnée. Une crise d’angoisse de 95 minutes. Un master class de tension pure.
NOTE : 16.10
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Rodrigo Cortés
- Scénario : Chris Sparling
- Direction artistique : Gabriel Paré et Maria de la Camara
- Photographie : Eduard Grau
- Costumes : Elisa De Andres
- Son : James Muñoz
- Montage : Rodrigo Cortés
- Musique : Víctor Reyes
- Production : Adrián Guerra et Peter Safran ; Ken Hirsh (coproduction)
- Production associée : Tom Drumm, Miguel Nadal et Víctor Reyes
- Production exécutive : Rodrigo Cortés et Alejandro Miranda
- Sociétés de production : Versus Entertainment ; The Safran Company et Dark Trick Films (associée) ; Kinology, Studio 37, Eurimages et Icon Film Distribution (accompagnée)
- Sociétés de distribution : Belga Films (Belgique), Maple Pictures (Canada), Warner Bros. (Espagne), Rezo Films (France), Ascot Elite Entertainment Group (Suisse)
- Budget : 3 millions de dollars
- Ryan Reynolds (V. F. : Adrien Antoine ; V. Q. : Alexis Lefebvre) : Paul Conroy
- Stephen Tobolowsky (V. F. : Jean-Luc Kayser ; V. Q. : Thiéry Dubé) : Alan Davenporty (voix)
- Robert Paterson (V. F. : Lionel Tua ; V. Q. : Denis Mercier) : Dan Brenner (voix)
- Anne Lockhart (V. F. : Pascale Jacquemot) : opérateur 911 / CRT (voix)
- Samantha Mathis (V. F. : Marie-Eugénie Maréchal ; V. Q. : Mélanie Laberge) : Linda Conroy (voix)
- Erik Palladino (V. F. Jérôme Wiggins ; V. Q. : Philippe Cousineau) : Agent spécial Harris
- Ivana Miño (V. F. : Ethel Houbiers ; V. Q. : Sophie Martin) : Pamela Lutti
- José Luis García Pérez (V. F. : Asil Raïs ; V. Q. : Manuel Tadros) : Jabir (voix)
- Warner Loughlin (V. F. : Brigitte Virtudes) : Donna Mitchell / Maryanne Conroy (voix)
- Heath Centazzo : un soldat (voix)
- Joe Guarneri : un soldat (voix)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire