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dimanche 20 avril 2025

16.10 - MON AVIS SUR LE FILM SHINING DE STANLEY KUBRICK (1980)


 Vu le film Shining de Stanley Kubrick (1980) avec Jack Nicholson Shelley Duval Danny Lloyd Scatman Crothers Barry Nelson Philip Stone Joe Turkel Anne Jackson Tony Burton Lia Beldam et Billie Gibson Lisa et Louise Burns 

Le film évoque Jack Torrance, un écrivain alcoolique et en panne d'inspiration, engagé pendant tout l’hiver comme gardien d’un grand hôtel isolé du Colorado, l’ « Hôtel Overlook », où il espère surmonter enfin son manque d'inspiration littéraire. Il s’y installe avec son épouse Wendy et leur jeune fils Danny, lequel possède un don surnaturel de médium. Alors que les semaines passent, Jack piétine dans l'écriture de son livre et tape à la machine des formules brèves, délirantes et répétitives. Son fils Danny est de plus en plus hanté par des visions terrifiantes de meurtres qui se sont déroulés à l'hôtel il y a de cela des décennies. Enfin, sa femme Wendy bascule peu à peu dans la terreur face à la dégradation de la santé mentale de son mari Jack, ayant découvert la nature de ses écrits. Influencé par des visions d'anciens personnages de l'hôtel, il est progressivement pris d'une folie meurtrière et s'en prend à sa propre famille. 

Adapté très librement du roman éponyme de Stephen King, Shining n’est pas une simple transposition à l’écran, mais une véritable recréation par Stanley Kubrick, qui en a fait une œuvre hypnotique, dérangeante, et labyrinthique. Là où le roman mettait en avant la dimension surnaturelle et émotionnelle de la descente aux enfers de Jack Torrance, Kubrick, lui, brouille les pistes. Il ajoute des couches de symboles, de silences pesants, de miroirs et de doubles, jusqu’à faire du film un cauchemar éveillé, où l’horreur ne vient pas tant des fantômes que de l’intérieur des personnages. 

Le film joue avec les genres : c’est à la fois un thriller psychologique, un film d’horreur, un drame familial et une énigme métaphysique. Le huis clos de l’hôtel Overlook devient un personnage à part entière, vivant, omniprésent, aux couloirs sans fin et aux motifs géométriques oppressants. Ce lieu hors du temps absorbe ses habitants, distord la réalité et semble convoquer le passé et l’avenir dans une même temporalité étouffante. 

Jack Nicholson livre une performance hors norme. Dès ses premiers regards, on sent que quelque chose cloche. Et peu à peu, on assiste à une bascule vertigineuse. Sa folie n’éclate pas soudainement ; elle se distille lentement, irrémédiablement. Son regard halluciné, son sourire carnassier, sa manière de déambuler dans l’hôtel en traçant les contours d’un enfer intérieur… tout en lui devient inquiétant. On retrouve dans ce rôle une extension de son personnage de Vol au-dessus d’un nid de coucou, comme s’il avait continué sa course dans un monde encore plus fou. 

La scène dans le labyrinthe enneigé est emblématique de cette tension extrême. Danny, petit garçon au don de "Shining", tente d’échapper à un père devenu l’incarnation de la terreur. Il laisse des traces, puis les efface, se faufile comme un animal traqué. Kubrick filme la neige, la nuit, la respiration haletante, jusqu’à l’épuisement. La peur y est physique, viscérale. 

Le film est truffé de scènes inoubliables : les jumelles dans le couloir, la femme dans la baignoire, les flots de sang surgissant de l’ascenseur, le "REDRUM" écrit à l’envers… Tout participe à l’expérience sensorielle du film, presque expérimentale par moments. Kubrick utilise une mise en scène millimétrée, des travellings fluides, une bande sonore glaçante (les musiques de Ligeti, Penderecki…), et un découpage temporel étrange (les cartons "Lundi", "Jeudi", "8h" déstabilisent toute chronologie). 

  • Stephen King a longtemps désavoué cette adaptation, estimant que Kubrick avait vidé son roman de son cœur émotionnel. Il en fera lui-même un téléfilm en 1997, beaucoup plus fidèle… mais bien moins marquant. 

  • Shelley Duvall, qui incarne Wendy, a été poussée à bout par Kubrick, qui a exigé d’elle des dizaines de prises pour une même scène. L’angoisse qu’on perçoit à l’écran est parfois réelle, résultat d’un tournage harassant. 

  • La célèbre phrase "Here’s Johnny !" n’était pas dans le script. Nicholson l’a improvisée, en référence à l’émission The Tonight Show de Johnny Carson. Kubrick, qui ne connaissait pas la référence américaine, faillit la couper. 

  • Le tournage de Shining a été si long et exigeant que la légende raconte que Kubrick envoyait des bobines de pellicule en urgence à la production avec la mention : "Encore 6 semaines de tournage. Ne pas paniquer." 

  • La photo finale, montrant Jack en 1921 au bal de l’hôtel, est l’une des clés les plus énigmatiques du film. Est-il le réincarné d’un ancien résident ? Était-il là depuis toujours ? Kubrick ne répond pas. Il invite à interpréter. 


Shining n’est pas un film que l’on regarde simplement. On y entre, on s’y perd, comme dans le labyrinthe de l’hôtel. C’est une œuvre obsessionnelle, glaçante, dont les images s’impriment durablement dans la mémoire. Kubrick ne cherche pas à faire peur par des effets faciles, mais par une désorientation profonde. Plus qu’un film d’horreur, Shining est un miroir de la folie, un précipité de peur pure, un film qui, une fois vu, ne vous lâche plus. 

NOTE : 16.10

FICHE TECHNIQUE

Réalisation : Stanley Kubrick, assisté de Brian W. Cook Scénario : Stanley Kubrick et Diane Johnson, d'après le roman Shining, l'enfant lumière de Stephen King Musique : Wendy Carlos, d'après la Symphonie fantastique d'Hector Berlioz ; Rachel Elkind, György Ligeti, Béla Bartók, Krzysztof Penderecki Direction de la photographie : John Alcott Opérateur Steadicam : Garett Brown Décors : Roy Walker Costumes : Milena Canonero Montage : Ray Lovejoy Maquillage : Tom Smith Production : Stanley Kubrick Production exécutive : Jan Harlan Budget : 19 millions de USD (estimation)

DISTRIBUTION


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