Vu le film Bienvenue Chez Les Rozes de Francis Palluau (2003) avec Jean Dujardin Carole Bouquet Michel Duchaussoy Lorent Deutsch Andr Wilms Clémence Poesy Olivier Saladin Yolande Moreau Dominique Pinon Béatrice Rosen
Deux prisonniers sont contraints de s'évader à la suite d'une rixe entre les gardiens qui les convoyaient vers la prison. Loin d'être de vrais gangsters, MG (Jean Dujardin) et Gilbert (Lorànt Deutsch) sont en fait de braves garçons emprisonnés à cause de leur naïveté. MG ne rêve que de se retirer dans la maison de son grand-père et Gilbert veut devenir jardinier. Après une course-poursuite à travers la campagne, fourbus et fatigués, ils arrivent dans une charmante banlieue pavillonnaire où ils croient échapper à leurs poursuivants. Mais, pour leur malheur, ils choisissent de se réfugier chez les Rozes, une famille de petits bourgeois d'apparence très tranquille, qui se révèle être constituée de psychopathes homicides.
Bienvenue chez les Rozes de Francis Palluau, sorti en 2003, s'appuie sur un excellent point de départ : deux détenus en cavale, qui trouvent refuge dans une maison bourgeoise où ils prennent en otages une famille en apparence respectable... mais bien moins vertueuse qu'elle n'y paraît. Le concept, au croisement de la comédie de mœurs et du home invasion inversé, était porteur de promesses : un jeu de masques, un crescendo d'absurdité, une critique sociale légère mais vacharde. Malheureusement, les promesses ne sont que partiellement tenues.
Le film démarre sur un ton enlevé, avec une certaine fraîcheur. On sent dans l'air quelque chose de satirique, une envie de dynamiter les conventions. Mais très vite, le scénario montre ses limites : bâclé dans son écriture, il peine à développer ses situations, retombe dans des facilités, et finit par s'engluer dans une routine narrative. La mécanique tourne à vide. À mesure que l'intrigue progresse, l'intérêt décroît, faute de véritable montée en tension ou de rebondissements réellement inventifs. Ce qui aurait pu être une délicieuse farce noire devient une suite de saynètes vaguement reliées entre elles.
La réalisation de Francis Palluau, pour son premier film, manque cruellement de rythme et de nerf. La mise en scène reste terriblement plate, sans invention, donnant parfois l'impression d'un téléfilm un peu cher mais sans grande âme. Il n'y a pas d'énergie, pas d'aspérités. On sent l'envie de bien faire, mais sans souffle ni folie. Le découpage est fonctionnel, jamais inspiré, et le film, au lieu de s'emballer, s'endort peu à peu sur lui-même.
La direction d'acteurs est l'un des principaux problèmes. Jean Dujardin et Lorànt Deutsch, tous deux encore jeunes à l'époque, semblent abandonnés à eux-mêmes. Dujardin, en particulier, n'a pas encore trouvé la maîtrise qu'on lui connaît aujourd'hui : il est sympathique, certes, mais il en fait trop ou pas assez, sans la finesse d’interprétation qui viendra plus tard dans sa carrière. Deutsch, de son côté, adopte un jeu agaçant, survolté sans être vraiment drôle, oscillant entre cabotinage et maladresse. On sent que leur duo aurait pu fonctionner dans d'autres mains, avec une direction plus ferme et plus précise.
Heureusement, Carole Bouquet sauve les apparences. Froide, distante, incroyablement classe, elle traverse le film avec un mélange d'ironie discrète et de nonchalance hautaine. Elle semble comprendre le ton que le film aurait dû adopter — un ton pince-sans-rire, à la limite du délire absurde — mais reste isolée dans son propre film. Son autorité naturelle, son élégance détachée, tranchent avec la médiocrité générale de l'ensemble. À ses côtés, André Wilms est également plutôt juste, mais lui aussi paraît sous-exploité.
Parmi les quelques réussites du film, il faut signaler l'excellente scène avec la bonne, personnage secondaire savoureux, qui dans un accès d’hystérie comique, fait basculer l’ambiance dans un court moment de pure folie. Ce passage, presque surréaliste, donne un aperçu du film qu'on aurait aimé voir : plus mordant, plus décalé, plus méchant.
Bienvenue chez les Rozes est une comédie sympathique à très petites doses, qui part d’une excellente idée, mais dont la mollesse de la réalisation, la faiblesse du scénario et la direction d'acteurs hasardeuse empêchent toute réussite durable. On en retient quelques scènes isolées, un parfum d’ironie jamais vraiment abouti, et surtout Carole Bouquet, impériale dans un naufrage qu’elle domine sans forcer. Un semi-ratage qui témoigne aussi, à sa manière, des débuts encore tâtonnants de Dujardin avant qu'il ne devienne le grand acteur que l'on connaît.
NOTE : 10.40
FICHE TECHNIQUE
Réalisation et scénario : Francis Palluau
- Musique : Serge Perathoner et Jannick Top
- Décors : Didier Dubedout et Jean-Marc Kerdelhué
- Costumes : Jacqueline Bouchard
- Photographie : Romain Winding
- Son : Gérard Lamps, Brigitte Taillandier
- Montage : Véronique Parnet
- Production : Charles Gassot
- Production déléguée : Jacques Hinstin
- Sociétés de production[] : Téléma, TF1 Films Production et TPS Star
- Sociétés de distribution[] : TFM Distribution (France) ; Les Films de l'Elysée (Belgique) ; TVA Films (Québec) ; Pathé Films AG (Suisse romande)
- Budget : 5,49 millions d’ €
- Jean Dujardin : M.G.
- Lorànt Deutsch : Gilbert
- Michel Duchaussoy : Jean-Louis
- André Wilms : Daniel
- Carole Bouquet : Béatrice
- Clémence Poésy : Magali
- Yolande Moreau : Marsanne
- Olivier Saladin : le voisin
- Dominique Pinon : le lieutenant
- Beatrice Rosen : Agnès
- Jean-Baptiste Shelmerdine : le junkie
- Daniela Lumbroso : la journaliste télévision
- Christian Pereira : docteur Merlot

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