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dimanche 27 avril 2025

11.20 MON AVIS SUR LE FILM LA PETITE PRINCESSE DE MARSHALL NEILAN (1917)

 


Vu le film La Petite Princesse de Marshall Neilan (1917) avec Mary Pickford Norman Kerry Katherine Griffith Anne Schaeffer Zasu Pitts  

Le Capitaine Richard Crewe, un riche officier britannique en poste en Inde, envoie sa fille Sara à l'école de Miss Minchin à Londres. Alors qu'elle était surnommée « la petite princesse » à cause de sa richesse, Sara devient une fille de cuisine lorsque des nouvelles de la mort de son père, et de la perte de sa fortune, arrivent. Maltraitée par Miss Minchin, Sara réconforte Becky, une autre bonne, avec des contes de fées. John Carrisford, un vieil ami du Capitaine, vient habiter dans la maison voisine. Ne sachant pas que Sara y habite, Carrisford sympathise avec les gamines et décide de leur offrir un joyeux Noël. Carrisford et son serviteur Ram Dass préparent un somptueux banquet pour les filles dans le grenier. Sara et Becky vont attaquer le repas quand Miss Minchin entre et les punit. Carrisford s'interpose, et il s'avère que les investissements du Capitaine Crewe se sont finalement révélés fructueux, ce qui rend Sara de nouveau une héritière. Carrisford s'occupe de Sara et Becky et tout finit bien. 

(The Little Princess, adaptation de Sara Crewe de Frances Hodgson Burnett) 

Il est des films qui, par-delà les décennies, conservent une magie propre, un éclat d’enfance mêlé de mélancolie. La Petite Princesse, réalisé en 1921 par Marshall Neilan, en fait partie. Porté par la grâce de Mary Pickford — alors au sommet de sa carrière et déjà surnommée « la petite fiancée de l’Amérique » — le film est à la fois un drame bouleversant, une fable édifiante et une aventure burlesque traversée de trouvailles visuelles. Il incarne, à sa manière, la richesse du cinéma muet américain dans ce qu’il avait de plus populaire et de plus ambitieux. 

L’histoire, adaptée du roman Sara Crewe de Frances Hodgson Burnett (la même autrice que Le Petit Lord Fauntleroy et Le Jardin secret), est un pur conte de fée moderne, dans le goût victorien de la seconde chance offerte aux âmes pures. Sara, petite fille de bonne famille, est envoyée dans un pensionnat huppé de Londres. À la suite de la mort présumée de son père, elle est dépouillée de ses privilèges et réduite au rang de servante par sa cruelle directrice, une belle-mère de conte sans la moindre once de tendresse. 

Mais la grande réussite du film tient à sa tonalité, subtilement équilibrée entre le drame intime, le merveilleux enfantin et une forme d’humour visuel inspiré du slapstick. Marshall Neilan, avec sa mise en scène soignée et ses choix de décors réalistes, inscrit son récit dans une Angleterre romantique et contrastée : celle des greniers glacés, des escaliers secrets et des cheminées qui fument sous la pluie. La séquence la plus étonnante — et qui à elle seule mérite qu’on voie le film — survient lorsque Sara, dans une sorte de rêve éveillé, s’imagine rencontrant Ali Baba et les 40 voleurs. Cette parenthèse orientale, foisonnante d'effets spéciaux d’époque, de costumes chatoyants et de cascades dignes d’un feuilleton, agit comme un contrepoint fantasmatique à la noirceur de sa vie quotidienne. Elle témoigne aussi du désir du cinéma muet de mêler les registres, de faire feu de tout bois pour divertir sans trahir l’émotion. 

Mary Pickford, alors âgée de 28 ans mais incarnant une fillette d’une dizaine d’années, fascine par son jeu à la fois candide et précis. C’est là un des paradoxes du cinéma muet : la convention d’adulte incarnant l’enfance n’étonne pas, tant elle est portée par la justesse des attitudes, par l’intelligence expressive de l’actrice. Pickford maîtrise chaque mouvement, chaque regard, chaque sourire. Elle est tour à tour attendrissante, espiègle, digne dans la détresse. Son interprétation donne au film une profondeur rare. Là où d’autres œuvres contemporaines pouvaient tomber dans le mélo facile, La Petite Princesse conserve une retenue élégante, un tact pudique. 

Le film joue également sur le contraste entre rêve et réalité, en exploitant les possibilités poétiques du cinéma muet : les fondus enchaînés, les superpositions, les jeux d’ombres, les décors stylisés. Il annonce, par certains aspects, le langage onirique que développera plus tard le cinéma expressionniste, tout en restant ancré dans la tradition hollywoodienne de l’émotion accessible à tous. 

Quant à l’histoire elle-même, elle reste fidèle aux ressorts du conte : la chute de l’innocente, la cruauté des puissants, la solidarité des humbles, le miracle final — lorsque Sara retrouve son père vivant, riche et prêt à réparer les injustices. C’est une histoire d’exil et de retour, de perte et de consolation, portée par un optimisme qui n’exclut ni la souffrance ni la solitude. Une sorte de Cendrillon victorienne, où les haillons et la cendre se mêlent aux tapis d’Orient et aux coffres de trésors. 

Enfin, La Petite Princesse est aussi un document historique. Il nous plonge dans le Hollywood des années 1920, celui où les grandes stars comme Pickford pouvaient produire leurs propres films, imposer leur vision, leur goût, leur morale. C’est aussi l’un des rares exemples de film muet pour enfants où l’enfant est à la fois sujet du récit, spectateur visé, et figure de transfiguration du monde adulte. 

La Petite Princesse n’est pas un simple film d’époque, mais une œuvre vivante, émouvante, inventive. Un de ces films-miroirs qui reflètent les rêves d’une époque tout en touchant encore les nôtres

NOTE : 11.20

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