Vu le film Ving Dieux de Louise Courvoisier (2024) avec Clément Faveau Maïwène Barthelemy Luna Garret Mathis Bernard Hervé Parent Dimitry Baudry Armand Sarcey Richard Lucas Marillier Isabelle Courajeot
Anthony, dit « Totone », 18 ans, est un jeune Jurassien qui habite avec son père veuf et sa petite sœur de 7 ans, et dont la vie oscille entre petits boulots, foires agricoles, bals, courses de stock-car, bière, bagarres et rencontres amoureuses. La mort de son père l'amène à tenter de participer à un concours agricole.
Vingt Dieux, c’est un titre à la fois juron rural et claque émotionnelle. Louise Courvoisier signe ici son premier long-métrage, et frappe fort dans un paysage cinématographique français avide de vérité sociale, de drame doux-amer et de visages neufs. Le film s’inscrit dans cette veine naturaliste, à mi-chemin entre les Dardenne et une certaine tradition française du réalisme rural — celle qui existe bel et bien, même si les salles ne débordent pas toujours pour l’accueillir. On pense à Petit Paysan, à Au nom de la terre, ou à La Terre des hommes : des œuvres qui prennent la campagne à bras-le-corps sans jamais la folkloriser.
L’histoire ? Léo (interprété par Clément Faveau, sidérant de naturel) a 17 ans et une ferme à reprendre, ou peut-être à fuir. Il vit avec son grand-père dans le Haut-Doubs, entre les vaches, les forêts, et les silences. Puis il rencontre Lucie (Maïwène Barthélémy, lumineuse), ado fougueuse au cœur trop gros pour sa carapace. Leur relation, pudique et brute, traverse les doutes d’un âge où tout semble à la fois possible et déjà fermé. Pas d’effets spectaculaires ici : la mise en scène épouse les gestes, les regards, les silences. L’écriture est fine, les dialogues minimalistes, et pourtant tout passe. On ressent. On vit avec eux.
Le film a fait un joli parcours : un accueil enthousiaste à Cannes (Quinzaine des Cinéastes), deux César glanés (Meilleur espoir masculin et Meilleur premier film), et une vraie curiosité médiatique autour de ce duo d’ados qui, loin d’être issus du sérail, viennent de la vie vraie. Clément Faveau, lui, est un éleveur à la ville comme à l’écran : son jeu respire la sincérité, parce qu’il ne joue pas, il est. Louise Courvoisier l’a repéré lors d’un casting sauvage, et a tenu à ce que le film reste fidèle à ses origines rurales. Une démarche courageuse, presque politique — au sens noble.
Alors certes, on pourrait craindre la carte postale idéologique : les jeunes, la campagne, la débrouille, la beauté du geste artisanal… Cela pourrait flirter avec une esthétique de la France qui vote (à droite), mais Courvoisier s’en sort avec assez de subtilité pour éviter les slogans. Elle filme des êtres, pas des archétypes.
On peut regretter, à juste titre, une certaine dérive contemporaine : une sexualisation des corps adolescents que le sujet n’appelait pas. Ces scènes, bien que brèves et jamais racoleuses, auraient pu être traitées autrement, ou mieux encore, évitées. Cela détonne dans un film qui mise tout sur l’authenticité et la justesse émotionnelle. Mais ce faux pas ne suffit pas à entacher l’ensemble.
Reste une œuvre touchante, brute, simple mais pas simpliste. Un cinéma de la terre, de la sueur, de l’émotion contenue. Vingt Dieux n’est pas un chef-d’œuvre, non — mais c’est un film habité, porté par deux jeunes comédiens dont la sincérité désarme. Et si Clément Faveau retourne à ses vaches (comme il l’a annoncé avec une désarmante humilité), on peut dire qu’il aura laissé une trace rare à l’écran.
Alors non, on ne saute pas au plafond. Mais on sourit. On est ému. On se dit que ce genre de film, sans esbroufe ni cynisme, mérite d’exister. Et on se coupe une bonne tranche de comté, avec du pain bien de chez nous, en se disant que parfois, la beauté est là, sous nos yeux. Pas besoin d’aller la chercher bien loin.
NOTE : 13.30
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Louise Courvoisier
- Scénario : Louise Courvoisier, Théo Abadie et Marcia Romano
- Musique : Charlie et Linda Courvoisier
- Décors : Ella Courvoisier
- Costumes : Perrine Ritter
- Photographie : Elio Balézeaux
- Son : François Abdelnour, Sandy Notarianni, Thomas Besson
- Montage : Sarah Grosset
- Production : Muriel Meynard
- Sociétés de production : Agat Films & Cie - Ex Nihilo
- Sociétés de distribution : Pyramide Distribution
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