Vu film Le Prénom de Alexandre de la Patellière et Mathieu Delaporte (2012) avec Patrick Bruel Valérie Benguigui Guillaume de Tonquédec Charles Berling Miren Pradier Bernard Murat Judith E l Zein Françoise Fabian Alexis Leprise Yannis Lespert
Vincent, la quarantaine bien entamée, va être papa pour la première fois. Invité à dîner chez sa soeur et son beau-frère, il retrouve Claude, un ami d'enfance. La soirée se déroule dans la joie et la bonne humeur jusqu'au moment où Vincent annonce le prénom du futur bébé. Le dîner familial sombre alors dans le chaos et devient le théâtre de violents règlements de comptes.
Adapter une pièce de théâtre au cinéma est souvent une entreprise boiteuse si elle ne prend pas soin d’exploser les murs, de respirer autrement. Le Prénom, tiré de la pièce éponyme des mêmes auteurs, en est l’illustration parfaite : une tentative bien ficelée sur le papier, mais qui reste prisonnière de sa structure scénique. Le film se veut une comédie de mœurs, un règlement de comptes familial autour d’un dîner, mais n’en dépasse jamais le cadre : les personnages tournent en rond dans le salon comme des lions en cage, et le spectateur avec eux.
L’histoire ? Un repas entre amis qui dégénère lorsqu’un des convives, Vincent (Patrick Bruel), annonce le prénom futur de son enfant : Adolphe. Blague douteuse ou choix provocateur, l’effet est immédiat. Ce qui devait être une soirée tranquille vire au règlement de comptes généralisé. L’idée de départ — comment un simple mot peut faire éclater les vernis — est intéressante, mais ici, le moteur est grippé : la mécanique théâtrale de la réplique qui fuse, du trait d’esprit calibré, devient vite une rengaine à l’écran. Le cinéma, art de l'hors-champ et de l’implicite, souffre ici de l’artifice scénique. On parle beaucoup, on hurle même, mais on ne vit pas vraiment.
La mise en scène est plate, propre, sans audace. Les plans cherchent la comédie de situation là où il faudrait peut-être suggérer le malaise ou la cruauté sociale. Tout est trop appuyé, trop écrit. Patrick Bruel, égal à lui-même, minaude et surjoue son rôle de faux macho à la répartie désinvolte. Il incarne ce qu’il croit être un homme charmantement cynique, mais qu’on ne voit que comme un indécrottable cabotin. C’est lourd, convenu, et assez pénible. On finit par espérer qu’il se taise, ou qu’on passe à table pour de bon.
Seuls tirent leur épingle du jeu Guillaume de Tonquédec, impeccable dans le rôle du gentil loser un peu coincé, et surtout Valérie Benguigui, tout en nervosité et en justesse. C’est chez elle que perce quelque chose d’émotionnellement crédible. Une femme au bord de l’explosion, qui n’a plus envie de faire semblant, et qui, sans grandes phrases, touche plus juste que tous les autres réunis. Sa performance rappelle que le théâtre au cinéma peut fonctionner, à condition d’incarner au lieu de déclamer.
Il est intéressant de noter que la pièce fut un véritable succès à sa création en 2010, jouée plus de 250 fois au Théâtre Édouard VII. Le tandem Delaporte–de La Patellière, alors auteurs à succès, décida de transposer eux-mêmes l’œuvre au cinéma, ce qui garantissait la fidélité du texte, mais enlevait toute possibilité de le réinventer. Le film sera pourtant un carton (plus de 3 millions d’entrées en France), preuve que le public aime ce genre de théâtre filmé, qui rassure autant qu’il distrait.
le tournage s’est déroulé en grande partie dans un appartement haussmannien reconstitué en studio, pour permettre une fluidité dans les mouvements de caméra. On dit aussi que certaines scènes furent tournées en longues prises de 10 minutes, pour conserver la dynamique du théâtre — mais là encore, on sent plus l’exercice que la liberté. Le succès du film a même inspiré un remake allemand (Der Vorname, 2018) et un autre en italien (Il Nome del Figlio, 2015), preuve de la portée internationale du canevas — un repas, des mots, des vérités qui explosent.
Le Prénom reste pour moi l’illustration parfaite du non-sens d’une adaptation théâtrale sans transformation : un théâtre filmé sans incarnation cinématographique. Il manque l’air, le silence, l’ombre. Et surtout, le naturel. Un dîner qui aurait pu être explosif mais ne laisse qu’un goût tiède.
NOTE : 11.30
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation et scénario : Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte, adapté de leur pièce éponyme, Le Prénom
- Décors : Marie Cheminal
- Costumes : Anne Schotte
- Photographie : David Ungaro
- Son : Miguel Rejas
- Montage : Célia Lafitedupont
- Musique : Jérôme Rebotier, ouverture de Tannhäuser de Richard Wagner
- Production : Jérôme Seydoux et Dimitri Rassam
- Coproduction : Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte
- Sociétés de production :
Chapter 2, Pathé Films, TF1 Films Production, M6 Films, Fargo Films, Canal+ et Ciné +
Nexus Factory, uFilm, uFund et Le Tax Shelter du Gouvernement Fédéral de Belgique
- Société de distribution : Pathé Distribution
- Patrick Bruel : Vincent Larchet
- Valérie Benguigui : Élisabeth « Babou » Garraud-Larchet
- Charles Berling : Pierre Garraud
- Guillaume de Tonquédec : Claude Gatignol
- Judith El Zein : Anna Caravatti
- Françoise Fabian : Françoise Larchet
- Yaniss Lespert : Jean-Jacques, le livreur de pizzas
- Juliette Levant : Myrtille Garraud-Larchet
- Alexis Leprise : Apollin Garraud-Larchet
- Miren Pradier : Sonia, l'infirmière
- Bernard Murat : l'obstétricien
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