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mercredi 23 avril 2025

8.10 - MON AVIS SUR LE FILM HANTISE DE JAN DE BONT (1999)

 


Vu le film Hantise de Jan de Bont (1999) avec Liam Neeson Catherine Zeta Jones Owen Wilson Charles Gunning Virginia Madsen Marian Seldes Lili Taylor 

Dans les années 1860, l'industriel Hugh Crain a construit le manoir de Hill House, une sublime résidence reculée où le docteur Crain espérait fonder une famille. Cependant, Crain fut victime d'une mort inexpliquée et depuis lors la demeure détient la réputation d'être hantée. 

Remake surproduit et mal inspiré du chef-d’œuvre La Maison du Diable (1963) de Robert Wise, Hantise est le genre de film qui semble avoir été élaboré dans les bureaux d’un studio hollywoodien bien plus que dans l’imaginaire fiévreux d’un cinéaste. Jan de Bont, ancien chef opérateur (notamment chez Paul Verhoeven) devenu réalisateur à succès dans les années 90 (Speed, Twister), s’essaie ici à un registre gothico-horrifique… et s’y embourbe. 

Le pitch, pourtant, reste fidèle à la trame originelle : un professeur de psychologie, le Dr. Marrow (Liam Neeson), organise une expérience sur l’insomnie dans une vieille demeure isolée et majestueuse, Hill House. Il y invite plusieurs volontaires, dont Nell (Lili Taylor), Theo (Catherine Zeta-Jones) et Luke (Owen Wilson). Rapidement, les manifestations paranormales s’accumulent et la demeure semble s’animer d’une volonté propre… 

Mais là où Wise misait sur le non-dit, le silence, les cadrages anxiogènes et une angoisse sourde et psychologique, Jan de Bont choisit l’emphase numérique, les effets spéciaux tapageurs, les décors baroques jusqu’au grotesque, et une direction d’acteurs pour le moins aléatoire. Le résultat est un film bruyant, clinquant, et étonnamment vide. 

Le casting, pourtant alléchant sur le papier, ne sauve pas l’entreprise du naufrage. Catherine Zeta-Jones, en vamp sophistiquée et provocatrice, semble sortir d’un autre film, davantage préoccupée par son brushing que par les esprits vengeurs de Hill House. Liam Neeson joue le scientifique dépassé avec la raideur d’un professeur venu faire une pub pour un somnifère. Owen Wilson, quant à lui, cabotine sans savoir s’il est dans une comédie ou un film d’horreur — sa mort brutale, presque burlesque, en est le parfait reflet. Seule Lili Taylor tire son épingle du jeu : son personnage fragile, hanté, presque éthéré, donne au film sa seule once d’émotion sincère. Elle semble croire à ce qu’elle vit, et c’est bien la seule. 

Quant à la maison elle-même, personnage central du récit, elle devient ici un monstre de pixels. Le moindre escalier cache une machinerie infernale, les murs sont sculptés de visages hurlants, les portes se déforment, les lits s’animent... Trop, c’est trop. On ne croit jamais à cette maison car elle ressemble moins à un lieu maudit qu’à une attraction de parc à thème numérique. 

Le plus affligeant, peut-être, est que Hantise est tiré d’un matériau littéraire et cinématographique d’une grande richesse. Shirley Jackson, dans The Haunting of Hill House, peignait une terreur intérieure, ambigüe, psychologique, où la folie et le surnaturel se confondaient. Richard Matheson, scénariste de ce remake, avait toutes les cartes en main pour en faire quelque chose d’intéressant. Mais le projet semble avoir été écrasé par une volonté industrielle de rentabilité immédiate : grosse maison, gros casting, gros effets. Résultat : un petit film. 

Le huis clos, pourtant propice à l’oppression, à l’étrangeté, à la montée d’une tension invisible, est ici sacrifié au profit de couloirs infinis et d’envolées baroques ridicules. On se croirait dans une pub pour du mobilier gothique sponsorisée par ILM. La peur ne prend jamais, car tout est montré, démontré, souligné, comme si le film ne faisait jamais confiance à l’intelligence du spectateur. 

Il ne reste alors que l’ennui, amplifié par une musique envahissante et une mise en scène sans nerf, bien loin de la virtuosité contenue d’un Wise. Ce remake, daté et déjà ringard à sa sortie, est le symbole d’une époque où l’on croyait que l’horreur résidait dans les effets visuels. Ce qu’on retient de Hantise, finalement, c’est à quel point le mystère s’évapore dès qu’on veut le rationaliser par le numérique. Jan de Bont, pourtant habile faiseur d’adrénaline, n’a jamais su retrouver le bon équilibre entre style et contenu — et ici, il s’enlise dans une esthétique carton-pâte. 

Hantise est un film de commande, sans âme, où les ambitions artistiques sont écrasées par la machine à frissons de studio. À l’écran : une coquille vide habillée en maison hantée. Un spectacle de pacotille qui ne fait frissonner que par maladresse. On se prend à regretter les craquements de plancher et les ombres furtives du film de Wise… et à espérer que Hill House retourne au silence dont elle n’aurait jamais dû sortir. 

NOTE : 8.10

FICHE TECHNIQUE



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