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mercredi 17 décembre 2025

15.20 - MON AVIS SUR LE FILM COMPARTIMENTS TUEURS DE COSTA GAVRAS (1965)


 Vu Compartiment-Tueurs de Costa Gavras (1965) avec Yves Montand Simone Signoret Catherine Allegret Jacques Perrin Jean Louis Trintignant Charles Denner Bernadette Lafont Georges Gérer Marcel Bozuffi Pierre Mondy Claude Mann Michel Piccoli Pascale Roberts André Valmy Daniel Gélin 

Une passagère d'une voiture-couchettes d’un train Marseille-Paris est retrouvée étranglée. Par la suite, plusieurs des autres occupants du compartiment  elle se trouvait sont assassinésalors que la police tente de recueillir le témoignage de chacun. À la police judiciaire, l'inspecteur Grazziani (Yves Montand) et son assistant Jean-Lou Gabert sont sommés de mettre fin rapidement à cette vague de crimes. Détail étrange : le tueur est plus rapide que la police pour retrouver ses potentielles victimes, les cinq occupants survivants du compartiment 

Compartiment tueurs (1965) n’est pas seulement un grand polar français des années 60 : c’est déjà un manifeste miniature du cinéma de Costa-Gavras, avant l’explosion politique de Z ou L’AveuIci, le poison est plus feutrémais il agit avec la même efficacité : lente diffusion, effets durables. 

Tout commence dans un compartiment de train, lieu banal par excellence, transformé en chambre mortuaire. Une femme est retrouvée assassinée. Pas de ruelles sombres ni de truands pittoresques : le crime surgit au cœur de la normalité. Costa-Gavras plante son décor comme un entomologiste : un espace clos, des individus ordinaires, et l’observation patiente de leurs tics, silences et faux-semblants. 

L’enquête est confiée à Yves Montand et Pierre Mondy. Montand, génialement enrhumé — détail trivial mais fondamental — avance à contre-rythme du film policier classique. Il tousse, il doute, il observe. Ce n’est pas un flic flamboyant, mais un homme qui regarde trop longtemps les gens pour être dupe. Mondy, plus administratifapporte le contrepoint rationnelpresque bureaucratique, à cette plongée dans l’irrationnel. 

Le scénario s’amuse avec une idée brillante : des noms ambigusprénoms et patronymes interchangeables, qui brouillent l’identité même des suspects. Comme si le langage devenait complice du crime. L’enquête se transforme alors en labyrinthe mental,  chaque piste semble logique… jusqu’à ce qu’elle s’effondre. 

Et quel casting ! Simone Signoret impose une présence dense, presque inquiétante par sa retenue. Michel Piccoli, déjà expert en ambiguïté morale, distille un malaise feutré. Jean-Louis Trintignant, Charles Denner : deux manières opposées de faire surgir la nervositél’une intérioriséel’autre à fleur de peau. Jacques Perrin apporte une jeunesse trompeusement lissetandis que Catherine Allégret introduit une fragilité modernepresque documentaire. 

Costa-Gavras filme les corps comme des indices. Un regard trop insistant, une curiosité malsaine, une perversité à peine voilée : chaque passager porte un masque, et le film s’acharne à le fissurer. Le train devient un microcosme social, un condensé de pulsions, de frustrations et de violences rentrées. Pas besoin de discours : la société se trahit d’elle-même. 

La mise en scène est d’une précision chirurgicale. Pas d’esbroufe, pas d’effets gratuits : le suspense naît du montage, du rythme, de la circulation de l’information. Costa-Gavras sait déjà que la tension n’est pas dans l’actionmais dans ce que l’on tait. 

Et puis cette fin, admirablement ironique. Quand toutes les solutions ont été écartéesc’est la plus improbable qui s’imposePourquoi chercher loin ce qui est proche ? La vérité était , sous les yeuxenfermée avec les personnages. Le crime n’était pas extérieur au groupe : il en était le produit logique. 

Compartiment tueurs est un polar haletantmais aussi une radiographie sociale. Un film  le mystère sert à révéler l’humain, pas à le masquer. Costa-Gavras signe un coup d’essai d’une maîtrise insolente : 90 minutes tenduesintelligentesportées par des acteurs au sommet, et traversées par cette idée simple et redoutable : le danger n’est jamais ailleurs. Il voyage avec nous, en première classe, dans le compartiment d’à côté. 

NOTE  15.20

FICHE TECHNIQUE


DISTRIBUTION




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