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vendredi 5 décembre 2025

7.40 - MON AVIS SUR LE FILM L'HOMME VOILE DE MAROUN BAGDADI (1987)

 


Vu le Film L’Homme Voilé de Maroun Bagdadi (1987) avec Bernard Giraudeau Michel Piccoli Laure Marsac Michel Albertini Sandrine Dumas Fouad Naim Sonia Ichti 

Un médecin humanitaire, Pierre, s'est rendu à Beyrouth, au Liban, lors de la guerre civile libanaise. Il y est resté pendant trois ans avant de revenir à Paris pour retrouver sa fille, Claire. Celle-ci idolâtre son père, qu'elle voit comme un héros, mais ignore et découvre qu'il a pris activement part à la guerre en tuant. Claire, qui s'est rapprochée de la diaspora libanaise à Paris, fait la rencontre forcée de Kamal. Or Kassar a mis un contrat sur sa tête et Pierre est celui qui doit exécuter son contrat. Car Kamal est le chef qui avait organisé le massacre d'un village dans les montagnes au Liban, où des orphelins soignés par Pierre avaient trouvé refuge et où la famille de Kassar se trouvait avant sa destruction. 

L’Homme voilé, c’est un peu ce moment où le cinéma franco-libanais tente de se faufiler entre thriller politique, portrait intime et chronique de la diaspora, mais trébuche régulièrement sur ses propres ambitions. Maroun Bagdadi, ancien documentariste passé à la fiction avec la ferme intention de raconter un Liban meurtri, s’attaque ici à une histoire de liquidation de comptes post-guerre, mais sous l’angle d’un Français qui découvre un monde qui n’est pas le sien. Et dans les années 80, qui appelait-on pour courir partout, vivre des tourments existentiels et se faire manipuler par un ponte libanais ? Évidemment : Bernard Giraudeau, notre marathonien du cinéma hexagonal. 

Il incarne Pierre, jeune médecin français envoyé au Liban pour tenter de retrouver la trace d’un ancien ami disparu dans les décombres de la guerre civile. Arrivé là-bas, il plonge dans un univers où les règles sont écrites en pointillé, les alliances sont mouvantes, et les sourires sont parfois plus tranchants que des éclats d’obus. Côté casting libanais, Bagdadi convoque un Michel Piccoli métamorphosé en notable libanais – ce qui peut aujourd’hui faire sourire, mais rappelons qu’à l’époque, les acteurs locaux étaient souvent relégués à tenir les murs ou à distribuer des regards entendus en arrière-plan. Piccoli fait ce qu’il sait faire : imposer une présence, même si on sent que le rôle lui va comme un costume cintré un peu trop raide. 

Le film avance par fragments, souvent brillants, parfois totalement inutiles. Bagdadi sait créer une atmosphère : ruelles écrasées de chaleur, regards qui se détournent trop vite, tension qui flotte comme une poussière de guerre jamais retombée. Il faut lui reconnaître un vrai sens du cadre, une manière lente mais assurée de poser une ambiance, presque sensorielle. Mais cette atmosphère se heurte à un scénario qui hésite entre suspense politique, quête identitaire et romance vaguement torride. Et dans cette hésitation permanente, le film s’essouffle. 

Certaines scènes nuisent franchement au rythme, en particulier ces scènes de nudité intégrale de la fille héros, gratuites au point de sentir la sueur de la décision de producteur des années 80 : “allez, un peu de peau, ça fait toujours vendre”. Qu’une jeune actrice  probablement mineure  se retrouve ainsi dans les bras de Kamal relève parfois plus du fantasme scénaristique que d’une nécessité narrative. Résultat : ça casse le ton, ça casse le rythme, bref… ça casse un peu tout. 

Le thriller, quant à lui, patine. Il y a une idée, un potentiel, un vrai désir de montrer les cicatrices du Liban à travers les yeux d’un étranger – mais de nombreuses scènes semblent déposées là sans justification, comme si Bagdadi n’avait pas voulu choisir entre documentaire et fiction. L’histoire avance en dents de scie, et cette construction hachée fait perdre de l’impact à ce qui aurait pu être un récit puissant sur l’exil, la culpabilité et le besoin obstiné de vérité. 

Quant au titreL’Homme voilé, il reste un mystère. On peut en faire une lecture symbolique, métaphorique, poétique si l’on veut… mais à l’écran, difficile d’en tirer quelque chose de clair. On ressort du film en se disant que Bagdadi avait tout en main pour signer un grand film, mais qu’il s’est perdu entre plusieurs directions, sans oser en choisir une seule. 

Reste une œuvre bancale, parfois très belle, parfois frustrante, portée par un Giraudeau solide malgré les errances du récit, un Piccoli qui fait du Piccoli, et une mise en scène atmosphérique qui aurait mérité un scénario plus resserré. Un film qui attire par son sujet et son audace, mais qui laisse une impression de potentiel inachevé – un peu comme un voile qu’on soulève, mais qui laisse tout de même trop de zones d’ombre. 

NOTE : 7.40

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